Maçonnerie de pierres naturelles : hourdée ou sèche ?

Issue directement du milieu naturel, la pierre redevient à la mode et permet de réaliser des ouvrages, structuraux ou non, esthétiquement très variés, que la pierre soit hourdée au mortier ou utilisée sèche, sous bon respect des règles de l?Art?
©Yves Bernard

 

À l’heure du Grenelle de l’Environnement et de la construction durable, la pierre naturelle a encore un bel avenir devant elle et pour de nombreuses raisons. Un des matériaux les moins consommateurs d’énergie, elle ne subit presque aucune modification entre sa sortie en carrière et sa mise en œuvre sur le chantier. S’ajoute à cette qualité une production extrêmement faible de déchets sur le chantier du fait de la possible réutilisation des blocs ou moellons sans perte de qualité et de la transformation des déchets de carrière en granulats. N’oublions pas aussi que la ressource en pierre naturelle est encore très importante et que son coût est équivalent aux autres matériaux de construction, à condition de préférer les ressources locales…


Piquées, bouchardées, éclatées…


Sur le plan esthétique, la pierre se défend également : en fonction de la nature de la roche, il est possible de jouer sur le côté “brut”  de la pierre en conservant la trace des coupes de scie ou de travailler des faux joints à la scie pour simuler des dimensions de blocs différentes de ceux réellement posés. De plus, dans le but de répondre plus rapidement aux nouvelles exigences des bâtiments, la filière de la pierre s’est enrichie de machines de traitement de surface qui permettent de proposer aisément des finitions piquées, bouchardées, éclatées, etc. À cela s’ajoutent les différents coloris naturels des pierres et le fait de pouvoir réaliser les ouvrages avec des pierres jointées (maçonnerie de pierres hourdées) ou non (maçonnerie de pierres sèches). Chacune de ces techniques ayant ses propres particularités, l’une prédominera l’autre selon le contexte du projet et le choix du maître d’ouvrage.


Source: batirama.com / Maguy Pourrat

 

Cas n° 1  Les pierres hourdées

   

Les dispositions de mise en œuvre d’ouvrages courants (logements, bâtiments scolaires, etc.) de maçonnerie traditionnelle en pierres naturelles sont définies dans le DTU 20.1. Elles s’appliquent aux travaux neufs de maçonneries porteuses, maçonneries de remplissage ou maçonneries de façade non porteuses. Toutefois, pour certains ouvrages autres que courants, ainsi que pour les travaux de rénovation, les prescriptions peuvent être adaptées en tenant compte des caractéristiques propres de ces constructions et, surtout, de leur destination.

 

 

 

Matériaux


Les éléments en pierre naturelle doivent être conformes à la norme NF EN 771-6 et marqués CE. Le choix et le montage des pierres naturelles doivent être déterminés selon leur aspect, leur résistance mécanique, leur capacité à absorber l’eau par capillarité et leur résistance au gel. Leurs prescriptions d’emploi, selon leur destination dans l’ouvrage et la localisation géographique de l’ouvrage, sont données dans la norme française NF B 10-601.
Les tolérances dimensionnelles de ces produits dépendent du type de pierres (pierres dimensionnées ou moellons) et du type de montage (joints épais ou joints minces).


©Revue Pierre Actual

 

Mise en œuvre


Comme toute maçonnerie, la mise en œuvre d’ouvrages en pierres hourdées nécessite différentes étapes.


©Revue Pierre Actual
Choix du montage


Le type de montage va dépendre du type de pierres choisies :
• Pierres dimensionnées :
- joints épais avec pose sur cales ou pose directe (pour les petits éléments)?;
- joints épais avec pose sur cales ou baguettes ou plâtre coulé (pour les pierres calcaires)?;
- joints minces avec pose directe.
Dans les deux premiers cas, l’épaisseur du joint varie de 0,8 à 3 cm. Cette valeur passe, en moyenne, à 2?mm pour les joints minces.
• Moellons :
- joints épais avec pose en bain soufflant (moellons équarris) ;
- joints épais à bain soufflant avec remplissage en petites pierres (moellons bruts).
L’épaisseur usuelle de tels joints épais varie de 1 à 3 cm.


Choix du mortier de hourdage


Le choix du mortier découlera du choix de la pierre et de sa résistance moyenne à la compression (pierre dure, ferme ou tendre).
 Les dosages et composants des mortiers de recette sont explicités dans le DTU 20.1. Les mortiers performantiels pour le montage à joints minces des pierres naturelles sont définis dans les Avis techniques concernés (exemple?: Avis technique “Rocamat porteur” n°16/04-481).

Calepinage


Il doit être réalisé par l’entrepreneur suivant les informations transmises par le maître d’œuvre à moins que les Documents Particuliers du Marché (DPM) n’indiquent que ce dernier est inutile. Dans ce cas, la pose des pierres est faite à joints verticaux décalés sur une longueur supérieure ou égale au tiers de la longueur de l’élément utilisé.

Exécution des murs – cas de la pose sur cales


©Revue Pierre Actual
La pose sur cales des pierres dimensionnées à joints épais est seulement nécessaire dans certains cas, sauf dispositions contraires des DPM :
- régularité de l’appareil et des joints exigée ;
- pierres de grande hauteur ;
- pierres volumineuses et lourdes ;
- mortier à prise lente.
Les cales sont généralement en bois blanc (afin d’éviter le tachage des pierres) sans nœuds et humidifiées, réglées à l’épaisseur du joint et placées aux angles à au moins 3 ou 4 cm des arêtes. Une fois les cales disposées et le mortier étalé (sa couche sera plus importante que les cales), les pierres sont placées sur ce dernier jusqu’à ce qu’elles reposent sur les cales mises en place. Ces dernières ne seront retirées qu’au minimum 24?h après, une fois bien sèches. La finition des joints se fera à l’aide d’un fer à jointoyer.

 

Chaînages


La maçonnerie de pierres naturelles massives est la seule qui n’implique pas la réalisation de chaînages verticaux dans l’ouvrage. Par contre, le chaînage horizontal est obligatoire ainsi que le chaînage incliné dès que la hauteur sous pointe de pignon atteindra 1,5 m.

 

Tolérances à respecter


Les tolérances de planéité que doivent satisfaire les maçonneries de pierre naturelle sont regroupées dans le tableau ci-dessous.

 

 

 

 

 

Cas n° 2  Les pierres sèches

   

La construction en pierres sèches est souvent classée dans les maçonneries particulières du fait de sa réalisation minoritaire et très localisée. Cette technique, assemblage de pierres sans liant, a été utilisée dès l’Antiquité particulièrement pour la réa­lisation de murs de clôture de parcelles cultivées, murs de soutènement délimitant des surfaces agricoles en montagne et pour certaines routes. Ce n’est que plus récemment que cette mise en œu­vre a été utilisée pour la réalisation de cabanes pour l’exploitation agricole et l’activité pastorale.
Ici, on se limitera à présenter les principales étapes de la création d’un mur. Davantage de détails sont donnés dans les guides proposés dans les “Infos ­pratiques”.

 

Matériaux


L’approvisionnement en pierres dépend de divers facteurs tels que les ressources disponibles localement, la nature et l’importance du projet ainsi que le fait qu’il s’agisse d’une restauration d’ouvrage existant ou ­d’une création. Cela dit, suivant la géologie des lieux, les pierres récupérées seront plus ou moins faciles à mettre en œuvre. C’est ainsi que des matériaux tels le schiste ou certains calcaires, qui se délitent facilement par plaques plus ou moins homogènes en épaisseur (et donc faciles à travailler), permettront de réunir les conditions nécessaires pour la réalisation d’une maçonnerie en pierres sèches élaborée. C’est la raison pour laquelle cette technique s’est principalement répandue en Dordogne, dans le Lot, l’Aveyron ou le Sud-Est comme le Lubéron (et son célèbre village des Bories), régions où schiste et calcaire se trouvent naturellement.
Toutefois, le bâtisseur pourra également mélanger plusieurs types de pierres dans la même maçonnerie afin d’obtenir un ensemble animé par les différences de formes (pierres plates, rondes, irrégulières, en biseau, etc.) et de coloris des pierres.
©Firman Constructions


Mise en œuvre


La mise en œuvre se fait en plusieurs étapes :


1- Terrassement
Avant tout commencement, l’espace de travail doit être matérialisé, à l’aide d’une peinture au sol ou de mise en place de piquets profondément fixés sur lesquels sont tendus des cordeaux, afin de ne pas travailler inutilement.
Une fois les préparatifs aboutis, le sol, où le projet se réalise, doit être décaissé. C’est lors de cette étape que ce dernier est “trié” afin de séparer la terre des diverses pierres en présence, qui pourront être éventuellement utilisées pour le projet.
S’il s’agit de la réalisation d’un mur de soutènement, le sol sera creusé d’une profondeur suffisante au volume du mur, drain compris. En ­revanche, si le décaissage est destiné à recevoir des fondations, il faudra creuser jusqu’à atteindre une couche de sol suffisamment stable et bien tassé.



2- Réalisation des fondations
En général, elles sont réalisées à l’aide de pierres appelées “libes” (figure 1) disposées de sorte à répartir les charges de l’ouvrage à venir et à ne pas subir de rotation sous le poids du mur.
Afin de consolider le système, un “hérisson” peut être également prévu (figure 2).
©Dessins tirés du livre “Maçonnerie de pierre”

 

3- Élévation du mur
Les principes généraux d’élévation d’un ouvrage sont de même nature que ceux d’un mur en pierres hourdées. Afin d’assurer la stabilité du mur, deux parements sont bâtis, liaisonnés entre eux à l’aide de pierres traversantes (boutisses), régulièrement posées, et dont le cœur du mur est constitué d’un blocage de cailloux de plus petit format (figure 2). En absence de pierres traversantes, la stabilité de l’ouvrage (dans son épaisseur) est assurée par la mise en œuvre des pierres en tenaille (figure 1). Pour la même raison, les pierres situées en parement sont disposées idéalement en quinconce.
Ce sont le contact et la friction des pierres entre elles qui assurent la tenue et la résistance du mur ; le remplissage des vides, les calages et blocages doivent être donc particulièrement bien maîtrisés. ©Maguy Pourrat

 

4-Mise en place du couronnement
Le couronnement est généralement réalisé à l’aide de libes disposées horizontalement (ou avec une légère pente vers l’extérieur de la construction) ou à l’aide d’un blocage en hérisson (photo de gauche). Si les pierres sont trop petites pour réaliser le couronnement alors on les maçonnera au mortier afin de créer artificiellement des pierres de couronnement traversantes (photo ci-contre ©Firman Constructions).
Le couronnement représente une partie très importante dans la structure d’un mur en pierres sèches car il assure plusieurs fonctions :
- il parachève le mur en bloquant les pierres au sommet. Ainsi, il protège le mur de tous passages de personnes ou d’animaux et empêche qu’il ne se défasse pierre par pierre ;
- il participe à la stabilité même de l’ouvrage puisqu’il pèse sur toutes les autres pierres du mur et ce, jusqu’aux fondations ;
- du fait de l’organisation particulière de ses pierres, il se détache du reste de la structure du mur participant ainsi à l’esthétique de l’ouvrage.
Il est donc indispensable de bien le réaliser.




 

Institutions


• Centre Technique de Matériaux
Naturels de Construction, département Roches Ornementales et de Construction (www.ctmnc.fr)
• SN ROC : Syndicat National des industries de Roches
Ornementales et de Construction
• Unicem : Union Nationale des Industries
de Carrières et Matériaux de Construction (www.unicem.fr)

 

Librairie


PIERRE SÈCHE : guide des bonnes pratiques de construction de murs de soutènement. Premier ouvrage de référence technique sur lequel peuvent s’appuyer les assurances et couvrir les risques professionnels des maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage (Capeb).

 

Sites internet, blogs et adresses mail


• www.pierreactual.com : site de la revue spécialisée Pierre Actual
• www.artdebatir.fr
• www.firmanconstructions.fr

 

Textes de référence


- DTU 20.1 : Ouvrages en maçonnerie de petits éléments – Parois et murs.
Il est disponible auprès de l’Afnor (www.boutique.afnor.org) ou du CSTB (www.cstb.fr).

 

Événement


“Village de la pierre naturelle” Batimat 2009 : www.batimat.com

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