Après sept années de recherche et développement, l’entreprise Fiboo, pionnière du bambou dans l’isolation du bâtiment, franchit le cap de la production.
Semi-rigide, le panneau Fiboo affiche une densité assez forte, d’environ 50 kg/m3, qui le rend à la fois résistant mécaniquement, intéressant du point de vue du déphasage thermique de l’enveloppe et facile à découper (sans poussière). Mis en œuvre selon un mode traditionnel entre fourrures, il reprend de suite sa forme initiale. Son coefficient de conductivité thermique λ de 0,036 W/(m.K) (officiellement 0,038 à cause d’un facteur correctif appliqué le temps de prouver l’homogénéité du panneau) en fait un isolant efficace. Très perméable à la vapeur d’eau, la fibre est aussi très résistante à l’eau, ce qui la rend peu dégradable et particulièrement adaptée aux bâtiments anciens.
Autre particularité et non des moindres : le panneau est fabriqué dans le nord de la France.
600 x 1200 mm, épaisseur de 40 à 240 mm : ce panneau à chants droits ressemble à s’y méprendre à un autre panneau de fibre biosourcée, de type lin, chanvre, ou fibre de bois. Il est cependant tout à fait innovant puisque composé de fibres de bambou liées par moins de 5 % de fibres en polyéthylène recyclé (et contient un retardateur de flamme d’origine biologique qui le classe E au feu pour une mise en œuvre dans les ERP). © Fiboo
Une usine modèle dans les Hauts-de-France
Située au cœur du Valo-Parc de Blaringhem, une ancienne friche industrielle de la cristallerie d’Arc International accueille désormais une unité de production unique, la première au monde dédiée à la fabrication d’isolant en fibre naturelle de bambou sans process chimique.
Pour développer ce nouveau site industriel d’une capacité de production de 100 000 m3 par an, l’entreprise Fiboo a bénéficié d’un investissement de 15 millions d’euros (3 dédiés aux bâtiments et 12 au process). Le projet est financé par le groupe Baudelet, actionnaire majoritaire, et les trois associés fondateurs de Fiboo. La Région Hauts-de-France et Cœur de Flandre Agglo ont aussi donné un coup de pouce bienvenu à cette initiative originale.
Pour limiter son impact environnemental, Fiboo a privilégié la rénovation des deux bâtiments existants de la parcelle. Le premier, d’une surface de 6 500 m2, est entièrement consacré à la production ; à ce jour 2 500 m2 ont été rénovés. Le reste sera conservé pour le développement de futures lignes de production automatisées. Le second bâtiment de 4 000 m2 est dédié au stockage de la matière première et des produits finis. Son bardage est issu de 1 200 palettes recyclées, précédemment stockées par le groupe Baudelet. Inaugurée fin octobre 2025, l’usine est 100 % décarbonée. Des procédés innovants ont été mis en œuvre pour obtenir un process 100 % électrique, avec récupération de la chaleur fatale. La production ne génère aucune émission de poussière dans l’air ni nuisance acoustique à l’extérieur du bâtiment.
Le site industriel de Fiboo, à Blaringhem, dans les Hauts-de-France, a été inauguré fin octobre 2025. © Pierre Vion
La chaîne de production
L’usine compte une zone d’obtention de la fibre naturelle, dotée d’une machine de défibrage spéciale qui a nécessité un long développement. La technologie de "nappage" utilisée pour la fabrication des panneaux, est la même que pour les panneaux en chanvre ou fibre de bois. Les fibres sont agglomérées dans un four de polymérisation à 100 °C.
Une première ligne est opérationnelle, avec une capacité annuelle de 100 000 m3 de panneaux, mais l’usine est dimensionnée pour alimenter trois lignes de production (la partie du bâtiment qui reste à rénover laisse la possibilité de monter encore plus fortement en puissance). "La ligne est très automatisée, puisque seul le chargement est manuel" précise Pierre Vion, qui table sur l’embauche de vingt personnes dans les deux ans à venir. "Il nous faudrait dix opérateurs de production, pour tourner en 3 x 8, et une dizaine de commerciaux, plus une personne en R&D", estime-t-il.
Une rencontre déterminante
La start-up, a rejoint en 2021 la branche énergie du groupe Baudelet, acteur majeur de l’économie circulaire dans les Hauts-de-France.
Née en 1964, l’entreprise familiale Baudelet a grandi jusqu’à devenir 60 ans plus tard un groupe de 22 sociétés, 200 millions d’euros de chiffre d’affaires et 900 collaborateurs. Fortement engagé dans la performance durable et souhaitant agir pour la sobriété énergétique, Baudelet a été séduit par la philosophie de Fiboo. C’est ensemble qu’ils ont bâti le projet d’une usine dédiée à la fabrication de panneaux isolants en fibre de bambou. "Ce site de production illustre notre ambition de faire de la sobriété énergétique et de l’innovation des leviers concrets de la transition énergétique", témoignent Caroline et Jean-Baptiste Poissonnier, codirigeants du Groupe Baudelet.
De leur côté les fondateurs et associés de Fiboo se réjouissent de voir sept ans d’efforts concrétisés. Pierre Vion explique : "nous avons étudié toute la chaîne de valeur, ce qui a demandé du temps. La culture de cette plante offre de nombreuses possibilités".
Les fondateurs de Fiboo, Pierre Vion, Thomas L’Homel et Pak Hin Nam et leurs associés Caroline et Jean-Baptiste Poissonnier, dirigeants de Baudelet et actionnaires de Fiboo à 70 %. © Frédéric Fasquelle
Le bambou, une culture d’avenir en France ?
34 départements cultivent du bambou
Le croiriez-vous ? Indre, Landes, Gers, Dordogne, …, 34 départements cultivent déjà du bambou, sur 580 hectares depuis 2022. Ce qui représente encore une surface modeste et très insuffisante pour pourvoir aux besoins de la construction.
En ce qui concerne Fiboo, les volumes de matière première proviennent pour le moment de Belgique et d’Italie. "En octobre, nous avons planté 10 hectares de terrains appartenant à Baudelet à proximité de l’usine, avec des pousses de trois variétés provenant de la pépinière bordelaise Horizom et d’un autre fournisseur belge", explique Pierre Vion. "Il nous faut trouver des partenaires agriculteurs locaux pour planter 450 hectares dédiés à notre usage exclusif, sans pour autant remplacer des cultures nourricières. Cela pour limiter le transport et l’impact carbone du produit. C’est en bonne voie ; nous devons trouver un modèle économique intéressant pour toutes les parties."
Une alternative intéressante pour l’agriculteur
Les agriculteurs peuvent trouver dans cette culture une diversification de leur activité et la possibilité de valoriser des terres non cultivables (par exemple les zones de captage d’eau potable). Le gisement potentiel est important. Le bambou peut être associé à d’autres cultures les trois premières années. Il arrive à maturité au bout de cinq ans ; au-delà cette culture assure aux cultivateurs des revenus stables sur au moins 15 ans.
Cette graminée à croissance très rapide a de multiples atouts : très productive, elle se renouvelle vite. Peu gourmande en eau et en intrants, elle a aussi l’avantage d’être un "phytoremédiateur" : en d’autres termes, elle participe à la restauration des sols (la culture de bambou pour dépolluer les friches industrielles est une piste étudiée de près par Fiboo). Chaque année entre septembre et novembre, la plante est récoltée sur 30 % de la surface, par rangées, ce qui permet un maintien de la biodiversité. Une fois bien installée, la plante se régénère d’elle-même.
Cette culture d’un genre nouveau demande tout de même d’investir dans une machine spécifique munie d’une pince à canne, ou d’une tête de moissonneuse munie de disques plus robustes que pour récolter les cultures classiques. Des engins qui peuvent être loués ou faire l’objet d’un achat mutualisé. Le broyeur spécial qui transforme la canne en "chips" de 2 x 4 cm est fourni par Fiboo, qui récupère la matière immédiatement (pas de stockage par l’agriculteur).
Le panneau Fiboo affiche un excellent bilan environnemental du fait de son mode de production et des atouts du matériau biosourcé, véritable puits de carbone et durable dans le temps. © Fiboo
Un produit vertueux accueilli favorablement
Présenté sur Artibat, le panneau Fiboo a suscité un réel intérêt parmi les professionnels. Le fabricant compte diffuser en priorité son panneau dans le négoce spécialisé et les groupements, qui sauront mettre en valeurs les avantages techniques et écologiques du produit. Le bambou s’avère être un excellent réservoir à carbone, cinq fois plus efficace que la fibre de bois. Son bilan environnemental très favorable est valorisable dans la RE2020 (FDES en cours de validation).
L’isolation intérieure n’est qu’une première application de la fibre de bambou. Fiboo étudie la conception de produits d’isolation extérieure et autres solutions de type panneaux de contreventement, qui demandent un autre outillage industriel.
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson / © Fiboo