Le ministère de la Transition Écologique répond sèchement, mais avec justesse, sur la polémique qui enfle à propos du coût de l’augmentation des CEE pour leur sixième période.
Petit rappel, le décret relatif à la sixième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) a été publié au Journal officiel le 4 novembre 2025. Il fixe les obligations annuelles d’économies d’énergie que doivent réaliser les fournisseurs d’électricité, de gaz, de chaleur et de froid, ainsi que les metteurs à la consommation de carburants et de fioul domestique pour les années 2026 à 2030. Le décret conforte le rôle des CEE dans l'atteinte des objectifs énergétiques et climatiques nationaux, en définissant une obligation d’économies d’énergie totale de 1 050 TWh cumac par an, contre 825 TWh cumac par an durant la cinquième période, soit une augmentation de 27 % par rapport à celle des années 2023 à 2025. Sur cette obligation, 280 TWh cumac d’économies d’énergie, un quart environ, sont à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. Par ailleurs, sur les cinq années de la 6e période, 500 TWh cumac pourront être délivrés au titre des contributions versées à des programmes CEE.
Au total, comme l’indiquait le 24 octobre Monique Barbut, ministre de la Transition écologique, ces nouveaux objectifs devraient se traduire par un budget de 8 Md€ en 2026, contre 6 Md€ en 2025. Le décret renforce aussi les moyens techniques et humains consacrés à la lutte contre la fraude aux CEE, jugée défaillante dans un rapport de la Cour des comptes daté de septembre 2024. Dans le même temps, les financements directs par le budget de l’État des divers programmes de rénovation et de décarbonation, comme MaPrimeRénov’ et les aides à la mobilité électrique, sont plutôt stagnantes, voire à la baisse.
Qui paye les CEE ?
Au bout du compte, estiment diverses instances, c’est le consommateur final qui paye les CEE, parce que les obligés – Engie, EdF, Total, etc. – répercutent ce coût supplémentaire dans leurs prix de vente. Dans son rapport de 2024, la Cour des Comptes estimait, par exemple, que chaque ménage avait, en moyenne, contribué à l'ordre de 164 euros au financement des CEE en 2023.
Il y a une dizaine de jours, Olivier Gantois, directeur de l'Ufip Energies et mobilités, estimait qu’en janvier 2026 représenteraient 15 à 17 c€ dans les tarifs à la pompe des carburants, dont 4 à 6 c€ attribuables à l’augmentation des CEE pour leur sixième période. Tout aurait pu en rester là si Jordan Bardella, président du RN, n’avait pas affirmé que "le Premier ministre a décidé par décret d'augmenter les taxes sur les carburants, le fioul, le gaz et l'électricité", appelant à "annuler ce décret de la honte".
Plusieurs ministres ont répondu durant le week-end. Et le 1er décembre, le ministère de la Transition Écologique, de la Biodiversité et des Négociations Internationales sur le Climat et la Nature, autrement dit, celui de Mme Barbut, a envoyé aux journalistes un communiqué bien senti, dont voici l’essentiel.
Attaquer les CEE, c’est faire passer les intérêts des pétroliers avant le pouvoir d’achat des Français
Depuis quelques jours, plusieurs contre-vérités circulent sur les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Elles émanent d’abord de certains acteurs pétroliers qui cherchent à faire oublier leurs propres responsabilités dans l’évolution des prix. Elles sont ensuite reprises, presque mot pour mot, par certains responsables politiques, qui une fois encore attisent les peurs des Français sur lesquelles ils prospèrent.
Les CEE sont un dispositif public qui vise à encourager la sobriété énergétique en finançant des travaux ou équipements qui réduisent durablement la consommation d’énergie. Concrètement, ce mécanisme repose sur une obligation imposée aux fournisseurs d’énergie, qui doivent financer ces économies plutôt que les ménages.
Un coût pour les énergéticiens, un gain pour les Français
Oui, les CEE ont un coût pour les énergéticiens, mais ils font baisser la facture des Français. Ils financent :
– l’isolation des logements ;
– L’installation de pompes à chaleur ;
– Le bonus écologique sur les véhicules électriques ou encore le leasing social, en permettant à des centaines de milliers de foyers de s’équiper malgré un investissement initial élevé pour ensuite réduire durablement leurs dépenses d’énergie et leur empreinte carbone, en particulier pour les ménages les plus modestes.
C’est bon pour planète et bon pour le porte-monnaie des Français. L’évolution prévue au 1er janvier n’a rien d’une nouvelle taxe sur les prix à la pompe. Elle se traduit par une hausse des obligations pesant sur les compagnies pétrolières, comme cela a déjà été le cas par le passé, afin de renforcer les aides aux ménages, accélérer les économies d’énergie et donc améliorer, au final, le pouvoir d’achat des Français, sans changer la philosophie du dispositif. Mais si le prix à la pompe augmente, c’est d’abord le résultat des choix des compagnies pétrolières qui décident de répercuter ou non leurs coûts et leurs marges sur le prix du carburant.
Répercuter les hausses de production mais pas les baisses : le choix des pétroliers avec la complicité du Rassemblement national.
Ces derniers mois, les baisses du prix du baril n’ont pas été intégralement répercutées par les compagnies pétrolières, sans émouvoir le Rassemblement national. En effet, les variations du prix du carburant dépendent largement des marchés, des marges des producteurs et distributeurs et des stratégies commerciales des enseignes : faire croire que les CEE imposeraient automatiquement une hausse à la pompe, c’est une simplification commode pour certains, mais qui ne correspond pas à la réalité. Attaquer les CEE, c’est en réalité faire passer les intérêts des pétroliers avant le pouvoir d’achat des Français. Remettre en cause ce dispositif, c’est affaiblir des aides très concrètes comme le bonus écologique, le leasing social, la rénovation des logements, l’installation de pompes à chaleur et l’ensemble des dispositifs qui réduisent réellement les factures des ménages, en particulier des plus fragiles.
Voilà, ça c’est envoyé.
Malheureusement, deux heures plus tard, ce communiqué n’apparaît plus sur le site du ministère. Heureusement, nous avons conservé le mail. © PP
Source : batirama.com / Pascal Poggi / © CAPEB