Un monastère parisien, construit entre le XVe et le XIXe siècle, est transformé en lieux d’accueil et en logements pour des habitants handicapés, des étudiants et voit la construction de logements sociaux et privés.
Acheté en 1819 et aménagé pour l’essentiel à partir de 1821, le monastère de la Visitation se trouvait dans un îlot traversant entre le 110, rue de Vaugirard et le 93, de la rue du Cherche-Midi. Les religieuses de ce couvent sont parties en 2010 pour rejoindre le monastère de la Visitation avenue Denfert-Rochereau et, en 2012, ont offert terrain et bâtiments au diocèse de Paris.
La parcelle de 7 333 m2 contient un jardin de 5 500 m2, un hôtel particulier construit par la famille de Clermont-Tonnerre vers 1775, une chapelle et une vacherie, qui selon le diocèse de Paris a abrité une seule vache au début de l’installation des sœurs de la Visitation. © Google Maps/Eiffage Immobilier
Transformation en un lieu solidaire
Depuis 2015, le diocèse de Paris a travaillé à l’aménagement de la parcelle avec l’aide financière de la Fondation Notre-Dame, de la Fondation Bettencourt-Schueller et d’autres mécènes qui les accompagnent.
En 2015, l’agence Duthilleul a remporté le concours et conçu le projet de rénovation et de transformation en relation étroite avec les services de la culture tant de la ville de Paris que du Ministère. Le groupe 3F, via sa société spécialisée dans les foyers logement à caractère social, 3F Résidences, assumera la gestion d’une partie des logements, tandis que le groupe Eiffage se charge de la réalisation du projet. Bazin Entreprises agit en tant qu’AMO pour le diocèse de Paris.
Au total, 2 400 m2 de bâtiments sont démolis, 2 700 m2 sont réhabilités et 5 700 m2 sont construits.
Trois associations y développeront chacune un projet fondé sur la colocation solidaire :
– Simon de Cyrène proposera des appartements partagés à des adultes handicapés et des colocataires valides : ces lieux de vie fondés sur l’amitié, la gratuité et l’attention réciproque permettront à chacun de "vivre chez soi sans être seul" ;
– L’Association pour l’Amitié (APA) réunira sous un même toit d’anciens sans-abri et de jeunes actifs, dans une dynamique de rencontre, de soutien mutuel et de reconstruction ; cette cohabitation volontaire favorisera l’inclusion sociale et rompra l’isolement ;
– La Maison de Marthe et Marie offrira un hébergement sécurisé à des femmes enceintes en situation de précarité : partageant un logement avec des jeunes femmes bénévoles, elles pourront vivre leur grossesse dans un environnement stable et bienveillant.
Quarante-sept logements locatifs libres et un foyer pastoral d’une vingtaine d’étudiants seront également construits pour rentabiliser l’opération qui comprendra aussi une chapelle, des espaces partagés, un vaste jardin, deux commerces et une crèche.
Le permis de construire déposé par l’Agence Duthilleul, obtenu le 17 septembre 2019, a été validé par le Conseil d’État en 2022, après trois ans de recours. Il prévoit la construction ou l’aménagement de 92 logements. Chiffre qui n’est pas significatif en lui-même puisque plusieurs des logements pour les associations sont six T9 et T11. 50 % des logements sont des logements de rapport (location libre) et 50 % sont des logements sociaux ou bien attribués au diocèse de Paris. © Agence Duthilleul
La structure financière de l’opération est particulière
L’intégralité des travaux est réalisée par Eiffage construction pour un coût total global TTC de 48 M€, dont 18 à 20 M€ pour la partie sociale. Celle-ci a reçu 3,5 M€ de subventions conjointement de l’État, de la Région et de la Ville.
25 % de l’opération est financée par les fonds propres du diocèse, rassemblés à partir de la vente d’appartements disséminés dans Paris. 25 % du financement provient du mécénat et 50 % d’un emprunt auprès d’un consortium bancaire conduit par la Banque des Territoires.
Eiffage Immobilier a conclu deux contrats de promotion immobilière (CPI) sous forme de bail à construction de 65 ans. À l’issue de ces 65 ans, toutes les surfaces reviennent au diocèse.
Les travaux ont commencé par les démolitions en 2025 et devraient être conclus pour une livraison au T2 2027. En accord avec les Bâtiments de France, l’opération prévoit de restaurer les hôtels particuliers, la chapelle et le pensionnat, afin de restituer l’état du site vers 1867.
Deux bâtiments sont reconstruits en structure bois, tandis que les structures en pierre sont conservées et restaurées avec le savoir-faire de Pradeau Morin, filiale d’Eiffage Construction, spécialiste de la pierre de taille. Cette approche garantit la préservation de l’authenticité historique du site.
Un haut niveau de performance environnementale
Le projet vise un haut niveau de performance environnementale avec l’obtention des certifications et labels.
NF Habitat HQE
La certification NF Habitat HQE (niveau Excellent visé sur les bâtiments Simon de Cyrène et de l’APA) est un gage de qualité de vie des futurs occupants et de respect de l’environnement. Le bâtiment qui accueillera l’APA vise l’obtention de la certification NF Habitat HQE Applicatif Résidence et Services V3.3 au niveau supérieur 8 étoiles, associée au label Effinergie +, gage de performance énergétique renforcée et de qualité de l’habitat.
Conçu avec une attention particulière sur son bilan carbone, le bâtiment se distingue par son mode constructif en ossature bois, réduisant significativement son impact environnemental. Ce choix s’accompagne d’une réflexion globale sur la durabilité des matériaux, l’efficacité énergétique et la maîtrise des consommations tout au long du cycle de vie du bâtiment.
Label Effinergie+ et Rénovation
Le label Effinergie+ sur les bâtiments neufs, qui garantit une consommation d’énergie inférieure de 20 à 30 % à la réglementation en vigueur au dépôt du permis. Mais également le label Effinergie Rénovation pour les bâtiments réhabilités, qui valorise les opérations exemplaires de rénovation basse consommation.
Le foyer étudiant sera quant à lui au label BBCA (Bâtiment Bas Carbone), rendu possible par l’utilisation du bois en structure et en planchers.
Le site sera raccordé au réseau de chauffage urbain.
La partie neuve est construite en bois : CLT pour les plancher, les murs de refend et la façade opposée au jardin, ossature bois pour la façade jardin. © PP
4 400 m2 de jardin seront dépollués : les sœurs avaient accepté toutes sortes de remblais durant la vie du monastère. Il faut dépolluer sur environ 3 m de hauteur, remettre de la terre végétale, avant d’ouvrir le jardin au public et d’en faire un parcours traversant entre les rues de Vaugirard et du Cherche-Midi, avec une partie privée, une partie publique avec un espace de jeux pour enfants. © PP
Des études sont en cours pour adopter une démarche de réemploi sur le site. Les éléments ont été déposés soigneusement afin de réduire l’impact environnemental, transmettre l’histoire du lieu et conserver le cachet patrimonial. 4 200 tommettes anciennes ont déjà été récupérées sur les bâtiments démolis. Elles seront réutilisées dans certains locaux (rez-de-chaussée, séjours de l’APA, paliers d’escaliers anciens). Un objectif supplémentaire de 8 500 tomettes est en cours d’étude sur les bâtiments réhabilités. Environ 18 000 briques ont également été récupérées sur une phase de démolition antérieure, avec un objectif de 22 000 supplémentaires. Elles serviront notamment à la réalisation de terrasses associatives et d’un muret de clôture du jardin. © PP
La structure des bâtiments est hétérogène : poutres bois, poutres acier, etc. La conservation de volets bois anciens est à l’étude pour préserver le caractère architectural intérieur. Le parquet historique à la Versailles de l’hôtel particulier Clermont-Tonnerre sera restauré en réutilisant du bois provenant d’un étage trop abîmé. © PP
Selon le représentant du diocèse de Paris, il reste encore une quinzaine de monastères à Paris, de quoi imaginer bien d'autres opérations.
Source : batirama.com / Pascal Poggi / © PP