Reprendre un logement en fin de bail ne s’improvise pas. Délais, formes, destinataires, motifs : tout congé donné au locataire doit respecter un cadre légal strict, au risque d’être annulé.
Mettre fin à un bail locatif n’est pas une simple formalité. Si la loi permet au propriétaire de reprendre son bien, elle ne le laisse pas faire n’importe comment. Droit strictement encadré, le congé doit être donné dans les formes, dans les délais, et pour les bons motifs.
Selon une étude de l’ADIL de Paris publiée en novembre 2022, près d’un congé sur cinq ne respecte pas les règles de forme (délai, mode d’envoi, …). Et si l’on y ajoute les irrégularités de fond, c’est un congé sur trois qui pourrait être frappé de nullité. Ces chiffres ne sont pas anodins car la conséquence directe du non respect de la réglementation dans l’établissement du congé est la reconduction tacite du bail, avec tout ce que cela implique pour le bailleur.
Quand envoyer le congé ?
Le bail d’un logement meublé est conclu pour un an ; celui d’un logement vide, pour trois ans si le bailleur est une personne physique, six s’il s’agit d’une personne morale. Dans tous les cas, il se renouvelle automatiquement dans les mêmes conditions, sauf si un congé est donné par l’une des parties.
Le bailleur ne peut donner congé à son locataire qu'à l'échéance du bail. La date d'échéance du bail est calculée à compter de la date de prise d'effet du bail et non à compter de la date de la signature du contrat.
Ce congé doit être notifié dans un délai légal : six mois avant le terme pour une location vide (non meublée) à compter de la réception du congé. Ainsi, si le bail prend fin le 15 juin, le congé doit être notifié au plus tard le 15 décembre précédent. Si l’échéance tombe un 31 août, c’est le 28 février (ou le 29 en année bissextile) qui marque la date limite. Les week-ends et jours fériés sont inclus dans le calcul. Le dernier jour du délai, même un dimanche, reste le dernier jour.
Mais attention, il ne suffit pas d’envoyer la lettre à temps : encore faut-il que le locataire la reçoive dans les délais ! La loi précise que le point de départ du délai n’est pas la date d’envoi, mais celle de la réception. Et cette date peut faire basculer toute une procédure. En effet, le locataire doit absolument avoir reçu le congé au moins trois ou six mois avant le terme du bail pour que celui-ci soit valable. À défaut, le bail est reconduit tacitement. © Freepik
Il peut arriver que le bailleur notifie un congé bien avant la date requise. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un congé anticipé n’est pas nul. Il est simplement reporté : le délai de préavis ne commence à courir qu’à partir de la date où le congé aurait dû être donné. Ainsi, si un bail expire le 20 septembre et que le congé est envoyé le 13 mars, le préavis ne court qu’à compter du 20 mars (si le congé a été reçu par le locataire).
À l’inverse, un congé adressé trop tardivement est un congé délivré pour une date postérieure à la fin du bail et il est donc nul. Il ne produit aucun effet. Le bail est reconduit pour une nouvelle période complète (renouvellement du bail), et le locataire est parfaitement fondé à rester dans les lieux.
À qui faut-il adresser le congé ?
La notification doit viser tous les signataires du bail. Cela peut sembler évident, mais en pratique, l’oubli est fréquent et lourd de conséquences. Dans un couple marié, les deux époux sont cotitulaires de plein droit, même si un seul a signé le contrat. Il en va de même pour les partenaires pacsés.
Dans ces cas-là (locataires mariés ou pacsés), chacun doit recevoir une notification distincte. Si un seul reçoit le congé, celui-ci reste valable pour lui, mais est inopposable à l’autre. Toutefois, Si le bailleur n'a pas été informé du mariage ou du PACS, le congé délivré au seul locataire signataire est opposable au conjoint ou au partenaire lié par un PACS (article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Le bailleur n’est toutefois pas tenu d’informer le concubin non signataire. Quant à la colocation, si elle repose sur un bail unique, chacun des colocataires signataires doit être informé individuellement.
Comment faut-il envoyer le congé ?
Trois moyens sont autorisés pour signifier le congé :
– la lettre recommandée avec accusé de réception,
– la signification par commissaire de justice (anciennement huissier de justice),
– ou la remise en main propre contre récépissé ou émargement.
En pratique, tous les moyens ne se valent pas.
La lettre recommandée, bien que fréquente, peut s’avérer piégeuse. Si le locataire ne va pas la retirer, la notification est réputée inexistante. Le bailleur devra alors recommencer la procédure, à condition qu’il soit encore dans le délai légal. Si le locataire va chercher la lettre, la date de réception prise en compte est celle apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre au locataire.
À l’inverse, la signification par commissaire de justice présente une sécurité redoutable : dès lors que ce dernier se rend au domicile pour remettre le congé, la notification est réputée faite, même si le locataire est absent ou refuse d’ouvrir. La date du passage vaut preuve. La date du passage du commissaire de justice certifie la date de la remise.
Ainsi, bien que la loi semble laisser le choix de la forme de la notification au bailleur, en réalité il vaut mieux privilégier la notification par voie de commissaire de justice.
Pourquoi donner congé ?
Le propriétaire ne peut donner congé que pour l’un des trois motifs suivants : reprendre le logement pour y vivre lui-même ou y loger un proche (dénommé le "congé pour reprise"), vendre le logement libre de toute occupation (dénommé le "congé pour vente"), ou bien invoquer un motif légitime et sérieux.
Le congé pour reprise
Dans le cas d’un congé pour reprise, le logement doit devenir la résidence principale du bailleur ou d’un proche. Sont admis comme "proche" : le conjoint, le partenaire de PACS, le concubin notoire depuis au moins un an, les ascendants ou descendants du bailleur ou de son conjoint, partenaire ou concubin. Le nom, l’adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que le lien de parenté doivent figurer dans la lettre de congé. Encore faut-il que la reprise soit réelle et sérieuse, ce que le propriétaire doit justifier.
Le congé pour vente
Le congé pour vente, quant à lui, doit comporter une offre de vente précise, avec le prix, les conditions de la transaction et la reproduction intégrale des cinq premiers alinéas de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989. Si le locataire d’un logement vide (non meublé) accepte l’offre de vente, il dispose d’un délai de deux mois pour réaliser la vente. En effet le locataire d’un logement vide bénéficie d’un droit de préemption, droit qui permet au locataire d’acquérir le logement en priorité sur tout autre tiers qui se porterait acquéreur.
Le motif légitime et sérieux
Enfin, le motif légitime et sérieux peut découler d’un comportement fautif du locataire (retards de paiement, troubles de voisinage,...) ou de la nécessité de réaliser des travaux importants, qui rendent la jouissance des lieux impossible pendant une longue période (comme par exemple une rénovation lourde de plusieurs mois avec coupure de l’eau ou de l’électricité,...).
Une simple rénovation esthétique ne suffira pas à motiver un congé, comme par exemple un changement de fenêtres. © Freepik
Dans tous les cas, le motif doit être mentionné expressément dans le congé.
Toutefois, si le locataire est âgé de plus de 65 ans et qu’il dispose de ressources inférieures au plafond en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, le bailleur à l’obligation de relogement.
Et si le congé est irrégulier ou frauduleux ?
Un congé qui ne respecte pas les règles légales (règles de forme et/ou de fond) peut être contesté par le locataire devant le tribunal judiciaire. Le juge pourra en prononcer la nullité, qu’il s’agisse d’une erreur de forme, d’un délai mal calculé, ou d’un motif inexistant. Dans les cas les plus graves, le congé peut être qualifié de frauduleux. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un congé pour vente est notifié avec un prix volontairement dissuasif, dans le seul but de contourner le droit de préemption du locataire.
Les conséquences peuvent être lourdes. Le congé frauduleux est non seulement nul, mais peut exposer le bailleur à une amende pénale pouvant atteindre 6 000 € pour une personne physique et 30 000 € pour une personne morale.
Si le locataire est encore dans les lieux au moment de la décision judiciaire, il peut rester dans le logement, le bail étant reconduit. S’il est déjà parti, la réintégration est rarement ordonnée ; les tribunaux privilégient l’octroi de dommages-intérêts, notamment pour compenser les frais de déménagement ou la difficulté à retrouver un logement équivalent.
Source : batirama.com / Nathalie Quiblier / © Freepik