Qu’est-ce que la garantie émeutes dans un contrat d’assurance ?

La garantie "émeutes et mouvements populaires" correspond à une option des contrats d'assurance couvrant des dommages dus à des émeutes et des mouvements populaires. Elle doit être prévue expressément.

En France, les émeutes urbaines se sont multipliées ces dernières années, provoquant des dégâts de plus en plus considérables. Ainsi, les sociétés d’assurance craignent pour leur équilibre financier.

Rappelons-nous : en juin 2023, les émeutes urbaines en métropole, après la mort du jeune Nahel, qui ont causé plus de 700 millions d'euros de pertes assurées ; ou encore la flambée de violence en Nouvelle-Calédonie en mai 2024 est venue alourdir la facture avec un coût des sinistres estimé à environ un milliard d'euros. Les secteurs les plus exposés aux émeutes sont la restauration et l'hôtellerie, le commerce de détail ou encore l'industrie mais ce phénomène ne concerne pas seulement les professionnels.

Les victimes couvertes par un contrat d’assurance en cours de validité prévoyant la garantie "émeutes et mouvements populaires" doivent demander réparation de leur préjudice sur ce fondement lorsqu’aucune exclusion ne fait obstacle au déclenchement de la garantie.

 

Scène d'émeutes à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, mai 2024. © A-C P

 

 

 

Définitions : "émeute" et garantie "émeutes"

Les notions d'émeute et de mouvement populaire supposent une grave perturbation de l'ordre intérieur. La loi ne fournit toutefois aucune définition de ces notions. L’émeute peut être définie comme une explosion de violence, une agitation populaire, le plus souvent spontanée, autrement dit non préméditée.

Les risques d’émeutes ne sont pas couverts par défaut, sauf si l'assureur choisit de les mentionner explicitement dans ses contrats. La garantie des dommages matériels directs causés aux biens assurés par suite d’émeutes et de mouvements populaires est donc purement contractuelle.

En pratique, si le contrat est silencieux à propos de la garantie "émeutes et mouvements populaires", celle-ci est exclue ; si, en revanche, il existe une clause expresse affirmant la prise en charge de ces dommages, l’assurance peut être enclenchée et l’assuré peut être indemnisé (article L. 121-8 du Code des assurances).

 

 

 

Les dommages pris en charge par la garantie "émeutes"

Le droit des assurances encadre les relations contractuelles entre assureurs et assurés, définissant les droits et obligations de chacun. La loi pose le principe selon lequel l’assureur est tenu de prendre en charge les conséquences des sinistres couverts par le contrat, sauf exclusion formelle et limitée. Chaque type de garantie obéit à des conditions et des modalités spécifiques, des plafonds précis d’indemnisation ou encore des délais de déclaration.

La garantie "émeutes", lorsqu’elle est prévue, peut prendre en charge des dommages matériels causés aux biens immobiliers (biens d’habitation, locaux professionnels, etc.) lorsqu’ils résultent directement des émeutes (incendies, dégradations des façades, bris de vitres ou encore les dommages causés par des projectiles ou des intrusions violentes, …).
L’indemnisation couvre également les biens mobiliers détruits ou endommagés (mobilier, équipements informatiques, machines-outils, marchandises ou stocks entreposés dans les bâtiments sinistrés, etc.). Les professionnels peuvent également solliciter une indemnisation pour les pertes d’exploitation consécutives aux émeutes : interruption d’activité, baisse du chiffre d’affaires, salaires versés sans production, ou encore pénalités contractuelles pour livraison non assurée. Ces pertes doivent être directement liées aux dommages matériels causés par les violences.

La perte de valeur d’un bien immobilier à la suite d’émeutes peut également être indemnisée si elle est prouvée (expertises immobilières avant/après les émeutes, témoignages de professionnels de l’immobilier, refus de financement bancaire,..). Cette perte doit être directement imputable aux faits de violence collective et ne doit donc pas résulter uniquement de l’évolution générale du marché.

 

 

 

Les démarches à effectuer pour demander l’indemnisation

Dès la survenance du sinistre, l’assuré doit lire consciencieusement son contrat d’assurance pour prendre connaissance des conditions, modalités, délais et plafonds d’indemnisation.

Tous les contrats d’assurance n’incluant pas systématiquement la garantie "émeutes", il est important de vérifier qu’elle est bien prévue au contrat et si cela est le cas, il est également important de contrôler si elle est assortie de limites (durée de l’émeute, zone géographique, etc.).

Quelle que soit la garantie en jeu, pour être indemnisés, les assurés doivent effectuer un dépôt de plainte auprès de la police nationale (ou de la gendarmerie) préalablement à la déclaration de leurs dommages à leur assureur. L’assuré est tenu de déclarer tout sinistre auprès de son assureur dans un délai défini par le contrat. Cette déclaration doit se faire le plus rapidement possible, généralement cinq jours ouvrés à compter de la connaissance du sinistre, sauf cas particuliers. La victime doit réunir toutes les pièces justificatives permettant d’évaluer la réalité et l’étendue du préjudice : factures d’achat ou de réparation, constats d’huissier, rapports d’expertise, certificats d’assurance, preuves de pertes d’exploitation ou d’interruption d’activité, documents comptables, etc. Une fois le sinistre déclaré, l’assureur procède à une évaluation du dommage. Il peut, à cette fin, mandater des experts pour estimer l’étendue des dégâts et le montant de l’indemnisation due. Si l’assureur accepte la garantie, il verse une indemnité conformément aux termes du contrat.

En cas de refus ou d’offre d’indemnisation jugée insuffisante, et après voir tenté de trouver une solution amiable, la victime peut engager un recours contentieux devant le tribunal judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision (ou du silence conservé pendant deux mois). Les juges peuvent déterminer au cas par cas si les dégâts sont intervenus en raison d’émeutes ou non et décider ou non du paiement de l’indemnisation ainsi que son montant.

 

 

 

 

Vers la fin de la garantie "émeutes" ?

Alors que la garantie "émeutes et mouvements populaires" était bien souvent incluse dans les contrats, elle l’est beaucoup moins actuellement en raison de l’actualité. Ainsi, face aux risques d’émeutes qui se multiplient et qui entraînent de plus en plus de dégâts, les assurances refusent aujourd’hui d’assurer les Calédoniens pour de futurs attroupements.

En France métropolitaine, les compagnies d’assurance n'ont pas encore retiré cette garantie de leurs contrats mais attendent une réponse des pouvoirs publics. Elles pensent, en effet, que ces événements se répètent tellement qu’ils en deviennent prévisibles. Ainsi, d’après elles, les émeutes ne représenteraient plus un risque aléatoire et ne seraient donc plus assurables. Elles mettent également en avant que la sécurité publique est un devoir de l’État.

Rappelons que sans cette garantie contractuelle, les victimes ne sont pas indemnisées sur ce fondement à la survenance de dégâts liés à une émeute. De plus, il est important de préciser que les banques ont tendance à ne plus prêter de fonds en l’absence de cette garantie.

 

Les assurances refusent aujourd’hui d’assurer les Calédoniens pour de futurs attroupements. Ici à Nouméa, après les émeutes, en mai 2024. © A-C P

 

 

 

Peu ou pas d’indemnisation : la possibilité d’engager la responsabilité de l’État

Sous certaines conditions, la responsabilité de l’État, garant de la sécurité publique, peut être engagée si l’assurance refuse la garantie ou a indemnisé partiellement : "L’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens" (article L. 211-10 du Code de la sécurité intérieure).

L’objectif de cette procédure est de rendre l’État responsable des dégradations commises lors de rassemblements. Les conditions pour enclencher cette procédure sont les suivantes :

– la survenance d’un attroupement ou rassemblement violent, voire armé ;

– La commission de crimes ou délits à force ouverte ou par violence ;

– Un lien de causalité direct entre les faits et le préjudice ;

– La réalité, la gravité et la spécialité du préjudice subi.

 

Cette procédure devant le tribunal administratif est complexe et nécessite le recours à un avocat.



Source : batirama.com / Nathalie Quiblier / © Anne-Claire Pophillat

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