Pas d’effet RE2020 pour la construction bois

La 8e enquête nationale de la construction bois, unanimement portée par la "filière bois" et se rapportant à l’année 2024, ressemble un peu trop aux précédentes.

L’ENCB est l’honneur de la construction biosourcée française. Aucune autre filière de construction française, et aucun autre pays européen actif dans la construction bois/biosourcé, ne dispose de ce type d’informations. En quinze ans, le fichier a été lissé, la récurrence des questions permet une vision des évolutions sur le long terme, l’étude précise et publique bénéficie d’un retour absolument incroyable de près de 50 % qui montre (1 000) que les acteurs ont intégré la nécessité de la remplir tous les deux ans, et que le rythme d’enquête est le bon.

 

 

La chute des logements neufs en volume est considérable, mais les parts de marché progressent un peu. © ENCB Xerfi

 

 

Le revers de la médaille, c’est que cette enquête reste centrée sur des questions qui deviennent progressivement moins pertinentes. Comme il y en a beaucoup, rajouter des demandes ne peut se faire que de façon homéopathique. Les codes NAF épluchés par les FiBois permettent-ils de capter la consommation des EG et de l’autoconstruction ? Surtout, l’argent et le temps dépensé pour recueillir et traiter 1 000 dossiers permettent-ils d’en faire une bonne communication ? Depuis 2011, Il était question de documenter la montée en puissance de la construction bois en France (objectif PDM 20 % en 2020), et chaque enquête ne révèle qu’une stagnation voire un déclin, c’est tout de même gênant ! Surtout si, malgré la répétition, aucune conclusion n’en est tirée en termes de stratégie de communication, du moins publiquement.

 

 

Intéressant : l'origine des bois importés en direct hors Glulam, avec la position dominante de l'Allemagne qui joue précisément cette carte. © ENCB Xerfi

 

 

L’enquête était préparée depuis 2011 par la Cellule économique de Bretagne, les cartes ont été rebattues et c’est le marketeur Xerfi qui a été choisi. Sur la base du fichier de FiBois, il a sollicité, recueilli et exploité les questionnaires. Ensuite, les instances de la filière se sont accordées sur une interprétation des résultats et cela semble avoir été un peu difficile car la conférence de presse organisée par le CNDB dans les locaux de la FFB a été programmée assez promptement.

 

 

 

Que constate la filière bois ?

Une fois de plus, la construction bois neuve résiste dans un marché contracté. L’entretien-rénovation, pas précisément dans le périmètre de l’étude, progresse fortement (+ 9 %). Les chantiers à volume d’affaires important, de plus d’un million d’euros, deviennent courants. Les entreprises gagnent en ancienneté, leur taille augmente, leur rayon d’action également. Pourtant, elles s’affranchissent partiellement du négoce. Selon l’étude, les livraisons en direct atteignent 58 %, avec près de 40 % en direct des scieries françaises, et la moitié en direct des scieries étrangères. Sur ce point, l’enquête indique une progression de 15 à 20 %. C’est logique : la préfa augmente, les constructeurs bois deviennent progressivement des petites industries qui demandent des capitaux.

 

Les parts de marché augmentent dans le logement, mais les attentes sont fortement négatives dans toutes les catégories. © ENCB Xerfi

 

 

Petit complément nouveau d’information, l’origine des scieries étrangères qui livrent en direct. La moitié est allemande, et on peut s’interroger sur le terme scieries, car parfois ce ne sont même plus des scieries intégrées, mais des acteurs de la seconde transformation qui transforme des sciages de résineux venus de partout. L’Autriche, à 18 % dans les scieries citées, se rapporte sans doute surtout au CLT, vu la distance onéreuse. La Finlande, la Suède, la Belgique, la Norvège et la Pologne sont à moins de 10 % dans les citations.

 

 

 

Un marché européen

Comme la distribution vend également des bois étrangers en partie, cela confirme une information du Forum Bois Construction selon laquelle le marché de la construction bois français dépend en valeur des importations à concurrence de 45 % et pour une somme de 1,6 milliards. Même si la somme se situe entre les 2,2 de l’enquête (sens strict) et les 4,6 milliards (CA total des entreprises impliquées qui sont des entreprises de construction bois).

 

En deux ans, la construction bois perd 700 000 m2 dans le secteur non résidentiel, dans le neuf, et les perspectives sont jugées nettement défavorables. © ENCB Xerfi

 

 

Ce que les commentaires de la filière ne disent pas, c'est que dans la mesure où les scieries françaises exportent de plus en plus (pas loin de 1 millions de m3), la balance est à peu près rétablie. La France puise dans les bassins proches et les scieries sont soumises à une rude compétition européenne, mais elles investissent grâce à NextgenerationEU. La situation d’approvisionnement est solide mais avec tous ces trajets au long cours, elle est beaucoup trop émissive. Combien de temps encore on verra des camions livrer en direct après plus de 1 000 km de route ? Il suffit de rajouter cela à l’exposition de la construction bois française à l’importation pour donner des billes au béton.

 

 

 

Le verre à moitié vide

En volume, toutes les catégories du logement et du non résidentiels sont en régression. Mais toutes les parts de marché s’améliorent, sauf pour les bâtiments agricoles (- 25 % en volume, merci la présence de la filière au salon de l’Agriculture), et les bâtiments industriels et artisanaux, du même ordre et sans qu’on comprenne pourquoi. Ce sont les deux seuls secteurs où la part de marché du bois était supérieure à 20 % en 2022 et il ne reste plus, malgré sa contraction, que le secteur des bâtiments agricoles. En termes de CA, des augmentations minimes sur deux ans en euros constants ne révèlent rien, on est dans l’épaisseur du trait.

L’enquête 2023 était déjà décevante, celle de 2025 l’est encore plus. Pire, les perspectives pour 2025 sont toutes dans le rouge profond. Mais attention ! Il s’agit du marché du neuf, pas de la rénovation ! Et c’est du ressenti, sans doute avec des carnets de commande réduits, mais sur un marché qui montre tout de même quelques signes de redressement. Et quand on regarde les raisons de l’angoisse, on trouve en premier lieu les problèmes de recrutement… Karine Bouhier, dirigeante de LCA et impliquée depuis toujours dans cette enquête, avoue que les perspectives de son entreprise sont plutôt bonnes. Maître Cube, rencontré le même jour au salon des maires d’IDF, confirme. Quand ça va mal, c’est à cause de ce scandale français des impayés des collectivités, de la condition misérable des entreprises du secteur, qui dissuade les embauches.

 

 

 

Allez, on attend l’enquête 2027

L’enquête de 2023 portait sur 2022, le début de la RE2020. Deux ans après, on ne voit aucun signe de stimulation de la construction biosourcée bas carbone. De fait, la RE2020 niveau 2022 ne disposait pas de paliers notables. C’est tout de même différent pour la RE2025, qui pourtant ne semble susciter aucun espoir chez les personnes interrogées. Pourtant, en France, le pli de la RE2020 est pris, les projets répondant à la RE2028 se multiplient déjà. On peut donc rester confiant sur un effet RE2025 pour la prochaine enquête.

 

Pour retrouver et lire l'enquête, c'est par ici

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven / Jonas Tophoven

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