Face au dérèglement climatique, la France recule sur les ENR et mise tout sur le nucléaire

2023, seconde année la plus chaude en France derrière 2022. Pour faire face au dérèglement climatique, le gouvernement recule sur les objectifs de la France en matière de déploiements d'énergies renouvelables.

Selon Copernicus, un programme de l’Union Européenne, l’année 2023 a battu de multiples records de température.

 

2023 a été la plus chaude dans le monde depuis 1850. Nous ne disposons pas de données pour les années antérieures. 2023 a vu une température mondiale moyenne de 14,98°C, soit 0,17°C de plus que 2016 qui était jusque là l’année la plus chaude. La température moyenne en 2023 a été supérieure de 0,60°C à la moyenne des températures dans le monde sur la période 1991 – 2020, et supérieure de 1,48°C à la température moyenne de l’ère préindustrielle de 1850 à 1900. ©Copernicus

 

 

La limite de 1,5°C est atteinte

 

Copernicus explique que 2023 marque la première année depuis 1850 où chaque jour de l’année, la température moyenne du globe a dépassé de 1°C la moyenne des températures de ce jour durant la période 1850 – 1900.

 

Copernicus estime que la période de 12 mois qui se terminera fin janvier ou fin février 2024 montrera des températures moyennes quotidiennes dépassant de 1,5°C la moyenne historique 1850 – 1900.

 

L’accord de Paris signé le 12 décembre 2015, dont le but est de maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2 degrés Celsius et de mener des efforts encore plus poussés pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux pré-industriels, est donc sur le point de devenir caduc.

 

Météo France, dans son bilan climatique de l’année 2023, indique de son côté que 2023 était en France la seconde année la plus chaude derrière 2022. Avec une température moyenne de 14,4 °C sur notre territoire métroplolitain, l’anomalie thermique sur l’ensemble de l’année atteint + 1,4 °C par rapport aux normales 1991–2020.

 

Météo France souligne que 9 des 10 années les plus chaudes depuis le début du XXème siècle sont postérieures à 2010 et que les trois années les plus chaudes sont postérieures à 2020.

 

Face à ce constat d’accélération des changements climatiques, le gouvernement réagit avec force et, dans son avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique présenté au Conseil National de la transition écologique, affaiblit les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et supprime du code de l'énergie certains objectifs portant sur la part d'énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale et sur le développement des ENR.

 

Nucléaire, nucléaire

 

Maître Arnaud Gossement a épluché cet avant-projet et en expose les points saillants sur son blog.

 

Il souligne que l'article 1er de cet avant-projet modifie l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) figurant à l'article L.100-4 du code de l'énergie. "L'objectif ne serait plus de "réduire " mais de "tendre vers une réduction de" ces émissions."

 

Deuxièmement, l’article 1er de l’avant-projet consacre le "choix durable du recours à l'énergie nucléaire" et fixe un objectif de maintien d'une puissance nucléaire installée d'au moins 63 GW et une disponibilité d'au moins 66%, avec l'objectif d'atteindre une disponibilité de 75% à partir de 2030, assurant un socle de sécurité d'approvisionnement jusqu'en 2035.

 

Cet article, insiste Maître Gossement, placerait la France en contradiction les objectifs et les Directives de l’Union Européenne, notamment la Directive RED III n°2023/2413 du 18 octobre 2023 qui prévoit notamment une augmentation de 32% à 42,5% voire 45% de la part d'énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'électricité de l'UE en 2030.

 

La France a voté en faveur de cette Directive en Conseil Européen.

 

Maître Gossement souligne également que objectifs de développement de la production et de la consommation des énergies renouvelables, électriques ou non, doivent figurer dans la loi comme le précise l'article L.100-1 A I du code de l'énergie, lequel prévoit l'élaboration d'une telle loi : "I.-Avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique." Au demeurant, dit-il, ces objectifs ont toujours été fixés dans la loi. L’idée qu’ils pourraient être fixés par la PPE qui n’est pas une loi, mais un texte réglementaire, revient à les affaiblir et à dessaisir le Parlement d’un débat sur la politique énergétique de la France.

 

La future stratégie française néglige la chaleur renouvelable. ©NewHeat / PP

 

 

Personne n’est content

 

Dans le détail, l’avant-projet affaiblit aussi :

Il supprime :

 

… Tout cela au profit du développement de la production d’électricité nucléaire. Comment allons faire ? Le dernier réacteur nucléaire a 12 ans de retard et n’est pas encore en service. EDF est face à un mur de financement pour la réhabilitation des réacteurs existants et à un gouffre chiffré à 15 milliards d’Euros pour sa participation à la construction des centrales de Hinkley Point en Grande-Bretagne.

 

Pourquoi s’opposer en plus au développement des énergies renouvelables ?

 

Le SER (Syndicat des Energies Renouvelables) écrit : "la Ministre Agnès Pannier-Runacher a mené en 2023 une consultation des parties prenantes pendant de nombreux mois à travers la mise en place de groupes de travail dédiés, et que l’ensemble des modélisations (RTE, Ademe) montrent que la souveraineté énergétique de la France est impossible à atteindre sans un développement massif des énergies renouvelables, le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique présenté par le Gouvernement au Conseil national de la transition écologique (CNTE) tourne le dos à ce diagnostic largement partagé."

 

Il ne s’agit que d’un avant-projet de loi. Il doit être présenté au Conseil des Ministres, puis débattu à l’assemblée : rien n’est perdu, peut-être.


Source : batirama.com / Pascal Poggi

↑ Allez en Haut ↑