Les Biscottes : rénovation thermique en site occupé à Sarcelles

Dessinée par l’architecte Jacques Henri-Labourdette mais rapidement dépréciée, la ville de Sarcelles renaît avec parfois des opérations de rénovation respectueuses des habitants et des enjeux architecturaux d’origine.

Photo : "Les Biscottes" avec trois stades de "cuisson", l'ancien à droite, la transformation minutée au milieu, le résultat final à gauche

 

La construction du cœur de Sarcelles s’est déroulée sur une bonne quinzaine d’années, entre 1955 et 1970, donc au milieu des trente glorieuses. Cela tombait bien car il fallait entre autres loger les pieds noirs. Mais mal car l’œuvre moderne s’est déployée juste avant les mesures réglementaires sur l’isolation thermique, l’isolation acoustique, la protection incendie et sur l’amiante. Ces ensembles ont donc traversé ensuite 50 années émaillées par des vagues de rénovation, comme l’indique Marc Benard de l’agence Equateur : Les petites améliorations et celles sur les fluides se succèdent tous les vingt ans environs, et les rénovations thermiques, quand elles ont lieu, durent environ le double.

 

La rénovation de la Tour Ravel a fait sensation lors du Forum Bois Construction d'Epinal/Nancy en avril 2019.

 

La tour Ravel comme test

 

Dans le cas de la tour Ravel à côté de la gare, beaucoup restait à faire et comme pour d’autres tours ou barres, la question se posait de la raser et donc de reloger les occupants ailleurs pour mieux exploiter l’emplacement privilégié. Equateur n’aime pas ces déplacements d’habitants pauvres, respecte le travail initial des architectes de Sarcelles et s’est spécialisé depuis longtemps dans la rénovation.

 

L'un des deux "Biscottes" non réduit en panelure.

 

 

L’agence a donc pu livrer en 2018 une rénovation en site occupé respectueuse de l’idée architecturale, éliminant l’amiante par intervention extérieure et création de sas. Pour remplacer des façades préfabriquées et tramées, le recours au Panobloc de Techniwood s’imposait. Il s’agit de la fierté constructive bois des 20 dernières années en France, une exclusivité : c’est comme si on fabrique un panneau CLT en remplaçant un certain nombre de rangées de lamelles par des isolants.

 

En apportant une amélioration substantielle du confort thermique, acoustique et de la protection au feu, l’approche Equateur/Techniwood a vraiment donné l’idée de sauver tout ce quartier par ailleurs de valeur architecturale historique.

 

Le Panobloc, préfabrication biosourcée face au défi du coût

 

Depuis le succès de cette première opération, ni Equateur ni Techniwood n’ont vu pleuvoir les commandes à Sarcelles. Même si la CDC Habitat Social gère la majeure partie des bâtiments de ce quartier, les opérations de rénovation se font au cas par cas et selon des considérations politiques qui peuvent conduire parfois à des démolitions (ANRU) et relogements, explique Marc Benard. D’ailleurs, les travaux de rénovation se développent par petit groupes de bâtiments et une mise en compétition des équipes. Le Panobloc est onéreux en comparaison avec l’ITE courante en PSE sous enduit, mais aussi face à d’autres solutions complètes comme celle d’Arcelor.

 

Vue de la façade sur rue, échafaudée pour remplacer simplement les baies.

 

Ce n’est qu’actuellement que le tandem Equateur/Techniwood se manifeste à nouveau, pour rénover deux tours-barres hautes et étroites que le peuple de Sarcelles a baptisé Biscottes. Au départ, l’opération de conception-réalisation par Léon Grosse et Altarea comportait trois bâtiments, mais l’un d’eux a finalement été démoli.

 

Les deux Biscottes restantes sont en préfabriqué léger amianté dans les colles, avec une nouvelles fois des façades ne répondant plus du tout aux critères thermiques, acoustiques et à la résistance au feu. L’une très avancée, se situe le long de l’artère principale Paul Valéry, tout près de la mairie et du centre commercial des Flanades. La seconde est collée contre ce centre, de sorte que les opérations de rénovation ne peuvent pas échafauder sur ce côté.

 

Un contrat de plusieurs millions pour Techniwood

 

La première Biscotte (100 logements, 1457 m², R+10) est en plein travaux pour une somme d’un peu moins de 10 millions qui correspond en gros à celle dégagée pour la rénovation de chaque tour du quartier, qu’elles adoptent le Panobloc (Tour Ravel) ou s’en tiennent à des systèmes constructifs plus traditionnels. Dans chaque cas, la façade ne représente qu’une portion des opérations.

 

Chaque phase-escalier démarre avec tous les Panobloc déjà stockés à pied d'oeuvre.

 

Sur les 8,3 millions de travaux du premier bâtiment Biscottes, 2,4 millions concernent la façade et si l’on inclut le remplacement des menuiseries extérieures côté rue et plein sud, le coût d’intervention en façade atteint 4,2 millions. Côté cour, c’est toute la façade qui est remplacée avec des éléments Panobloc qui intègrent les menuiseries. Pour les pignons faiblement vitrés, Equateur opte pour des solutions plus économiques, plus de moitié moins chères en ratio au m².

 

Le remplacement de la façade par des éléments préfabriqués à base de Panobloc entre dans la logique constructive des concepteurs initiaux et Equateur renforce sciemment le côté industriel de ces édifices par le choix du revêtement métallique et la teinte en adéquation : "On n’aime pas trop camoufler ou maquiller", explique Marc Benard. Les Biscottes expriment un registre moderne de l’architecture de l’époque à orientation métallique légère de type Lods. A Sarcelles, elles font face à des barres moins hautes et plus larges, à façade en pierre taillée qui s’inspiraient de Fernand Pouillon. Marc Benard : "Sarcelles reflète ainsi le grand débat architectural des années 50 entre la maçonnerie et la façade légère."

 

Vue à partir de la gare de l'artère principale de Sarcelles avec l'une des Biscottes.

 

Au départ de l’opération de rénovation de Biscotte 1, face au tandem Equateur/Techniwood, une solution transgressive est en compétition, à base de béton cellulaire. Elle est cependant inopérante car elle impliquerait de mordre sur le volume des chambres au taquet des dimensions réglementaires minimales, de sorte qu’un T4 deviendrait un T3.

 

La préfa biosourcé de façades en pleine maturité

 

Depuis la Tour Ravel, le recours au Panobloc a-t-il évolué ? Côté Techniwood les exemples de remplacement de façades tramées sociales à grande échelle se sont multipliés comme à Vigneux en 2021 : la maîtrise productive et logistique est là, ce qui explique aussi l’intérêt du major Léon Grosse pour une pratique de rénovation de façade qui va largement au-delà de l’original panneaux isolant à lames contre-croisées en bois. Techniwood fait de la FOB au Village des Athlètes et s’adapte à toutes les situations, en neuf ou en rénovation, en social ou en or et platine.

 

La rénovation hors site sera biosourcée ou ne sera pas...

 

Côté Equateur, il sera cette fois possible de prévoir l’emprise du complexe Panobloc au centimètre près. Pour le désamiantage et le remplacement des façades, côté cour, les interventions sont minutées à 3-4 semaines par escalier, il y a cinq escaliers et la progression se fait vers l’ouest. L’agence se plaint moins de ce que le Panobloc soit trop cher et a appris à l’utiliser de façon raisonnée.

 

Au démarrage d’une opération d’escalier, tous les modules Panobloc sont déjà stockés prêt à l’emploi sur le parking nord. Cela constitue en soi un risque. Les nuits d’émeute de juin n’ont heureusement pas dégradé le chantier.

 

Les sas en bois sont installés derrière les façades pour protéger les appartements occupés, la façade amiantée est déposée, les sabots métalliques des éléments Panobloc fixés sur la structure, puis les éléments sont installés, avant que les sas ne soient démontés. Les nacelles sont suspendues au toit plat. Pas d’échafaudages qui bloquent la vue pendant de très longs mois, comme cela est d’usage dans les ITE.

 

Panobloc ou F4 ?

 

Les Biscottes gardent leur aspect vertical sans balcons ni garde-corps, tout juste Equateur prescrit-il des tableaux légèrement en biais. En juillet, la progression des opérations est nettement marquée sur la façade, achevée du côté du pignon est, avec toutes ses alvéoles de sas pour la seconde cage, puis dans l’état initial pour les trois cages restantes. Selon CDC, le rythme de croisière du chantier est plus rapide qu’estimé.

 

Les travaux sur Biscotte 2 vont démarrer de façon décalée, et comme il n’est pas possible d’échafauder, Equateur mise sur la solution F4 de Saint-Gobain, sur ossature métallique. Moins préfabriquée, sa mise en œuvre prendra sans doute plus de temps. Au m², son prix est comparable à la solution Panobloc. Equateur se réjouit de pouvoir établir un comparatif entre les deux approches à la fin des chantiers, à tous points de vue. D’autant que le savoir-faire particulier de l’agence Equateur se rapporte précisément à cette connaissance des systèmes disponibles, afin de gagner les concours sans manger son chapeau d’architecte, tenir les bons prix et faire de la rénovation sociale et durable. 

    

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven/ ©Jonas Tophoven

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