Gérer les interfaces avec les autres métiers

L?interface entre l?ouvrage du maçon et ceux des corps d?états secondaires peut être source de litiges. La présence d?un maître d??uvre permet d?anticiper et de gérer ces conflits mais il n?est pas toujours requis. Alors, comment éviter les conflits? et gagner du temps, de l?argent et de la qualité ?

 

Les murs, les planchers…peuvent être source de trois familles de litiges :

  1. les litiges dimensionnels

    , d’aplombs, de niveaux… les menuisiers sont les premiers visés.
  2. ceux qui portent sur la qualité des supports

    , qu’ils soient verticaux ou horizontaux, destinés à être enduits, carrelés, peints. Dans ce cas, le  support horizontal ou vertical n’est pas plan ou insuffisamment pentu, fissuré, poudrant, humide… ces litiges sont fréquents entre le maçon d’une part et les carreleurs, les soliers, les peintres ou les enduiseurs d’autre part, qui refusent ce type de support pour leurs travaux respectifs. A juste titre, car accepter « malgré tout le support », c’est s’attribuer la responsabilité en cas de problèmes !
  3. la troisième et dernière famille de litiges concerne

    les incorporations de canalisations, de câbles et de fourreaux

    des plombiers ou des électriciens. En effet, certains planchers en béton comportent des densités d’incorporations trop importantes, conduisant à de la fissuration, donc à du litige.

 

Méconnaissance des textes

 

A l’origine de tous ces conflits, il y a avant tout, une méconnaissance flagrante des textes règlementaires ou normatifs (parfois obscurs, il faut en convenir), mais également un manque de communication entre les différents participants.

 

Si chaque maillon de la chaîne de construction maîtrisait ses textes et ses limites, beaucoup de litiges n’existeraient pas. Si le défaut de mise en œuvre est fréquemment incriminé, certains procédés ou produits de construction ont également leur part de responsabilité.

 

Cas n° 1 : Les ouvrages en béton et les interfaces

 

Les tolérances de planéité sont essentielles et rassemblées dans les deux tableaux 1 et 2 ci-après :

 

LES MURS ET LES POTEAUX
Parements Planéïté à la règle de 2 m Planéïté locale rapportée à un réglet de 0,20 m

Elémentaire

Pas de spécification particulière

Ordinaire

15 mm 6 mm

Courant

7 mm 2 mm

 

 

En l’absence de toute indication des Documents Particuliers du Marché (DPM), les parements ordinaires sont retenus... En revanche, le parement courant correspond, quant à lui, à des ouvrages susceptibles de recevoir des finitions classiques de papiers peints ou de peintures moyennant un rebouchage préalable et l’application d’un enduit garnissant.

 

Attention, sauf indication contraire des DPM, ces travaux de rebouchage et enduit garnissant ne sont pas à la charge du maçon ! Pour terminer, le parement soigné est réservé aux parements extérieurs des ouvrages exposés à la pluie et lorsqu’il est destiné à rester brut, ou à être revêtu d’une peinture ou d’un carrelage collé.

 

LES DALLES ET LES DALLAGES
Etat de surface Planéïté à la règle de 2 m Planéïté locale rapportée à un réglet de 0,20 m

Brut de règle

15 mm Pas de spécification

Surface

10 mm 3 mm

Elco Coffrant

7 mm 2 mm

 

Par défaut, l’état de surface « surfacé » est retenu. Toutefois, dans le cas où les DPM précisent que le support est destiné à recevoir un revêtement de sol collé ou une sous-couche isolante ou encore un revêtement de sol en pose scellée désolidarisé, les tolérances de planéité correspondent à un état de surface lissé.

 

La qualité d’un support béton ne se résume pas seulement aux exigences de planéité. En effet, les caractéristiques de son épiderme, en terme de bullage, de défauts localisés ou de teinte sont fondamentales pour les bétons non recouverts, la norme "P18-503 – Surfaces et parements de béton" permet de s’accorder sur l’aspect final de l’ouvrage en béton.

 


 

Le béton est un matériau intrinsèquement fissurable !

 

La planimétrie, le bullage, la teinte sont normalisés, mais ce n’est pas le cas de la fissuration.  Dire qu’il est normal que le béton soit fissuré est excessif et difficile à justifier, mais alors pour quelles raisons lui associer des armatures, si ce n’est pour limiter la fissuration !Le phénomène est complexe, en témoignent deux textes importants :

  1. Le BAEL (Béton Armé Etats limites) précise que les fissures de largeur excessive peuvent compromettre l’aspect des parements, l’étanchéité des parois, la tenue des armatures vis-à-vis de la corrosion et  qu’il n’est pas possible de fixer a priori une largeur de fissure à respecter, vu la très grande variabilité du phénomène.
  2. Le DTU 13.3 – Dallages, précise, quant à lui, que la fissuration du béton, armé ou non, étant un phénomène inhérent à la nature du matériau, il vise à limiter la densité et l’ouverture des fissures, sans prétendre éviter leur formation !

 

Gaines et fourreaux : pas d'excès ! 

 

Concernant les incorporations, de nombreux sinistres dans les dalles ou les murs ont pour  origine l’excès de gaines ou de fourreaux. Sont ici visés les plombiers, les électriciens… Rappelons que dans le DTU 21 et concernant les incorporations, un certain nombre de spécifications s’appliquent à tous les corps d’état et dont nous rappelons brièvement les quatre principales exigences :

  1. Etre situées entre les nappes d’armature, (lorsqu’elles existent), de chacune des deux faces.
  2. Permettre un enrobage par le béton au moins égal au diamètre de la plus grosse gaine, avec un minimum de 4 cm.
  3. Présenter, sauf localement, une distance horizontale entre elles au moins égale à leur diamètre, avec un minimum de 4 cm.
  4. Au droit des croisements ou empilages localisés, ne pas occuper plus de la demi épaisseur et permettre un bétonnage correct des zones de concentration ponctuelle de gaines au voisinage des raccordements dans les boîtiers.

 

Cas n° 2 : Les ouvertures dans les ouvrages en maçonnerie

 

 

Concernant les menuiseries bois ou métal, le DTU maçonnerie reprend les exigences du DTU 36.1/37.1

 

Choix des fenêtres et de portes extérieures en fonction de leur exposition. Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que le calfeutrement humide, autrement dit au mortier, ne doit plus être pratiqué en travaux neufs.

 

Si les textes l’autorisent encore aujourd’hui, il sera banni dans quelques temps au profit du calfeutrement à sec, mastic par exemple…ce qui impose des maçonneries soignées avec des tolérances réduites !

 

CE QUE DOIT LE MAÇON AU MENUISIER
Largeur de la baie - Aplomb des tableaux - Largeur de la feuillure
Largeur minimale ou maximale de la baie (mm) / Largeur théorique - 10 mm / + 10 mm
Différences d'aplomb à droite et à gauche (mm) ≤  10 mm
Largeur de la feuillure (mm) de 0 à 10 mm

Hauteur de la baie - Faux niveaux - Largeur de la feuillure

Hauteur minimale ou maximale de la baie (mm) / Hauteur théorique - 10 mm / + 10 mm
Faux niveau en linteau (mm) ≤  10 mm
Faux niveau en appui (mm) ≤  8 mm
Largeur de la feuillure (mm) de 0 à 10 mm

Tolérances de la maçonnerie dans le cas d'une menuiserie en feuillure

Planéité générale du plan de pose (fond de feuillre) / règle de 2 m ≤  10 mm
Planéité locale ou désaffleurement / fond de feuillure / réglet de 0.20 m ≤  3 mm

Tolérances de la maçonnerie dans le cas d'une menuiserie en applique

Planéité locale ou désaffleurement / plan de pose / réglet de 0.20 m ≤  3 m

 

 

Linteaux/coffres : sources de conflit avec l'enduiseur

 

 

Les poings singuliers de la maçonnerie (jonctions de baies, coffres de volets roulants…) ne doivent pas devenir des points saillants. Sont concernés certains Monomur, autrement dit, des murs qui sont porteurs et isolants à la fois, donc sans isolation rapportée, mais qui exigent un ajustement précis des menuiseries, des coffres avec la maçonnerie… sous peine de calfeutrage préjudiciable en terme de thermique et source de conflits avec l’enduiseur !

 

Ces calfeutrages au mortier sont malheureusement imposés par des découpes approximatives, qui pourraient être évitées, si lors de la préparation du chantier, un calepinage judicieux des blocs standards et des blocs accessoires était réalisé…

 

Coller ou sceller sur un support en béton

 

 

Qu’il soit scellé sur un sol (DTU 52.1) ou collé sur un mur ou un sol, (Cahiers des prescriptions techniques n° 3265, 3266 et 3267 téléchargeables gratuitement sur www.cstb.fr à la rubrique Avis techniques), le support en béton doit être conforme aux exigences du tableau 2, présenté précédemment.

 

Par contre, dans le cas d’une chape rapportée et pour des locaux P3 au plus, les tolérances vis-à-vis du support sont de 5 mm sous la règle de 2 mètres et 1 mm sous le réglet de 0,20 m.

 

Concernant le support en béton, il est utile de rappeler une exigence essentielle du DTU 52.1 – Revêtements de sols scellés (Bâtirama n° 381 – décembre 2005 / janvier 2006) concernant les pentes du support du gros œuvre. En effet, afin que les mortiers de scellements aient une épaisseur homogène pour les locaux intérieurs avec dispositifs d’évacuation d’eau, la pente du support en béton sera de 1 cm /m et de 1,5 cm /m pour les sols extérieurs.

 

Coller sur un support en maçonnerie

 

Sur des supports en maçonnerie et en pose collée, le support doit avoir les exigences suivantes sous la règle de 2 m :

Sur plaques de plâtre à faces cartonnées : 5 mm

Sur enduit au mortier de ciment entre nus et répères: 5 mm

Sur enduit au plâtre: 5 mm

 

Avant toute pose de revêtement de carreaux céramiques, il faut respecter un age minimal du support  :

 

AGE MINIMAL DU SUPPORT - SOLLICITATIONS FAIBLES OU MODÉRÉES
  Pose scellée désolidarisée Pose scellée adhérente

Dallage

2 semaines 1 mois

Plancher, dalles

1 mois 6 mois

Ravoirage

24 heures

Pose scellée désolidarisée

Dallage

1 mois

Plancher

2 mois après enlèvement des étais

Chape ou dalle désolidarisée ou flottante sur isolant

15 jours

 

3 CONSEILS POUR ÉVITER LES LITIGES

 

  1. Une bonne préparation

La réussite d’un chantier passe par une bonne préparation. Dans les faits, cette préparation est souvent bâclée, notamment sur les petits chantiers. Pourtant, la norme NF P03-001 insiste sur la préparation du chantier et sur le rôle du maître d’œuvre (fréquemment un architecte) qui peut avoir trois missions : assister le maître d’ouvrage pour la consultation des entreprises et la conclusion des marchés, conduire l’exécution et, enfin, l’assister pour la réception des ouvrages et le règlement des entrepreneurs.

 

  1. Alerter le maître d'œuvre…

Lors de la préparation du chantier, les points critiques et les interfaces doivent être correctement appréhendées dans le respect du calendrier contractuel. Le maçon, responsable du gros œuvre, a une mission essentielle, car il va transmettre aux corps d’état son ouvrage. C’est lors de cette préparation  que le maçon doit alerter le maître d’œuvre sur d’éventuelles erreurs de conception ou de difficultés à prévoir lors de la  transmission de son ouvrage.

 

  1. … ou son client

Si la présence d’un maître d’œuvre est fréquemment nécessaire, elle n’est pas obligatoire et de nombreux travaux sont réalisés sans maîtrise d’œuvre. Dans ce cas, chaque intervenant doit assumer la maîtrise d’œuvre relative à son lot et en cas de difficulté alerter son client et le conseiller de faire appel à un maître d’œuvre. Toutefois l’arrangement à l’amiable est fréquent et quand cela n’est pas possible et que tout parait bloqué, un expert peut être mandaté, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler en termes de coûts ou de retards…

 

INFOS PRATIQUES

 

Les 10 DTU indispensables au maçon :

 

SOLS ET FONDATIONS

  1. DTU 13.11 : Fondations superficielles
  2. DTU 13.12 : Règles de calcul pour les fondations superficielles
  3. DTU 13.2 : Fondations profondes
  4. DTU 13.3 : Dallages
  5. DTU 14.1 : Travaux de cuvelage

 

MACONNERIE - BETON

  1. DTU 20.1 : Ouvrages en maçonnerie de petits éléments
  2. DTU 21 : Exécution des ouvrages en béton
  3. DTU 23.1 : Murs en béton banché

 

FACADES - CHAPES

  1. DTU 26.1 : Enduits aux mortiers de ciments, de chaux et de mélange plâtre et chaux aérienne
  2. DTU 26.2 : Chapes et dalles à base de liants hydraulique

 

Pour se procurer les DTU, contact : www.afnor.fr ou www.cstb.fr. A signaler que le CSTB propose des guides pratiques explicant certaines règles de construction et les documents techniques de mise en oeuvre. Pour retouver notre selection de guides pratiques rendez vous dans le rayon librairie de notre boutique

 

LE DTU : UN "A MINIMA" INDISPENSABLE

 

Le DTU propose des clauses techniques types pour les marchés de travaux relatifs à des ouvrages réalisés avec les techniques traditionnelles. Le DTU peut donc être considéré comme le "a minima" des bonnes pratiques ; il est possible d’être plus exigeant que celui-ci, mais cela doit être précisé dans les DPM (Documents Particuliers du Marché).

 

La prise en compte des DTU dans les marchés ne relève donc que du simple accord contractuel des parties intéressées. Cependant, lors de litiges ou de sinistres, les experts appuient fréquemment leurs conclusions sur le contenu des DTU.

 

Il est donc impératif de respecter les exigences minimales du DTU et ne pas oublier qu’il comporte plusieurs parties dont le CCS (Cahier des Clauses Spéciales).

 

 

Source : batirama.com / Hubert Kœnig

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