Architecture frugale spirituelle, le nouveau Centre Teilhard de Chardin

Le Centre Teilhard de Chardin, un centre spirituel au bardage en bois brulé, donne une âme au nouveau quartier universitaire Moulon sur le plateau de Saclay au Sud de Paris.

Il est difficile de comprendre que le regroupement universitaire sur le plateau de Saclay, décrété après le Grenelle de l’Environnement, ait donné à nouveau un océan de béton. A part le bâtiment InCube de Danone, qui affiche le biosourcé sur le mode structurel, seul le nouveau Centre Teilhard de Chardin, qui a pu finalement trouver sa place sur le "cardo" du quartier, affiche pleinement le bois. En façade, le bois brûlé contraste avec le bois clair des volets ouverts, et l’épicéa de la structure mise à jour à l’intérieur.

 

Le bois brûlé, cette technique simple qui permet de créer une façade bois à la teinte uniforme sans nécessité d'entretien, contraste avec les constructions environnantes et nécessite de bien gérer la montée en température l'été, tout en se conformant aux recommandations incendie en matière de façades.

 

En face de l’école, le Centre ne place pas son église mais plutôt un café et lieu de rencontre dans un environnement sans vraie vie urbaine. La chapelle, elle, est enveloppée dans la structure en bois qui se montre, comme cela bientôt ne devrait plus être permis pour un ERP compte-tenu du décret attendu sur la protection incendie des constructions bois.

 

Une architecture contemporaine

 

L’architecte Jean-Marie Duthilleul a dû refaire sa maquette au fil des cinq implantations différentes du centre, et le Covid a également joué les prolongations comme ailleurs. Il n’empêche que le centre est parfaitement au goût du jour :

 

Et ce qui est particulièrement nouveau, c’est que la frugalité a un coût réel : 5 millions d’euros pour un peu plus de 1.600 m². Certes, cela fait 3.000 euros par m² sur le papier. Mais ce n’est pas cher pour afficher une profonde différence avec ce nouveau plateau de Saclay minéral, loger une chapelle, un café, des salles de réunion, des bureaux, une bibliothèque, des logements, créer le mobilier. Pas cher s’il s’agit bien de remplir un grand vide de cet urbanisme d’agglutination fait pour briller dans les classements mondiaux de thésards. Une paille si l’on prend en compte le risque de perte de vocation qui plane sur l’élite scientifique au moins autant que sur le clergé.

 

L'espace de rencontre et de conférences.

 

 

L’ombre de l’intelligence artificielle

 

Pas loin, il y a le centre de recherche en intelligence artificielle (IA) d’IBM. L’IA, perçue comme une menace pour l’humanité au même titre que ce climat, tout particulièrement dans ce milieu d’élite ou les aumôniers font d’abord Polytechnique - un peu sur le mode de Teilhard de Chardin - et où le désarroi et la perplexité règnent.

 

Nez de dalle révélant le bois d'ingénierie

 

A peine le quartier du Moulon sera-t-il achevé que l’on verra déferler comme en Californie les licenciements de masse de personnes longuement formées, ces programmeurs tellement recherchés il y a deux ans encore qu’ils se faisaient représenter par des impresarios, et dont on n’a plus besoin à cause de l’IA. C’est du moins ce que souligne, à l’occasion d’une première rencontre marquant l’inauguration du Centre, un patron français intervenant sur le thème du progrès.

 

Conférence inaugurale

 

L’inauguration du Centre, le 2 juin, a été l’occasion de programmer une première conférence qui ne s’est pas tant penchée sur ce fait constructif, mais sur un thème philosophique d’actualité. Pourtant, l’un des groupes de travaux constitués de ce nouveau Centre se focalise sur l’écologie engagée et en a fait un ouvrage.

 

Chapelle

 

Jean-Marie Duthilleul a créé un lieu ouvert avec plein d’escaliers permettant d’aller de partout à partout. En même temps, cet espace plutôt orthogonal où le bois d’œuvre s’affiche est confronté à tous les étages à des traces de la chapelle, courbe et enduite de terre. L’ensemble ne ressemble pas à une aumônerie universitaire, mais pas non plus à un centre culturel ou de loisirs.

 

Se parler et écouter

 

L'architecte Jean-Marie Duthilleul

 

Cette imbrication s’exprime parfaitement par l’évocation de la structure en bois qui sous-tend la chapelle et produit une dé-quadrature vers le cercle avec des détails structurels peu courants. Surtout si l’on part d’une structure si nettement lisible avec des CLT à tranche apparente sur des gros poteaux en BLC. Les garde-corps et même la façade vitrée sont maintenus en métal peint d’une teinte proche du bois, afin de garantir par la finesse une bonne circulation de la lumière voulue changeante dans l’espace profane, contre une plus grande régularité par la lumière zénithale dans la chapelle.

 

UTB bien charpenté

 

Mi-2023, il apparaît que le Centre Teilhard de Chardin est l’une des plus intéressantes réalisations françaises en architecture bois livrées cette année, du moins en Ile-de-France. Elle révèle le savoir-faire d’UTB, grosse entreprise francilienne de couverture devenue polyvalente et nationale.

 

Après le centre culturel de Courtenay en bois-paille avec l’atelier Desmichelle, puis le groupe scolaire Simone Veil de Rosny-sous-Bois, UTB montre les muscles de sa branche charpente, pleinement intégrée désormais après la reprise de l’entreprise Les Charpentes du Gâtinais de Gérard Bergevin.   


Source : batirama.com/Jonas Tophoven © Jonas Tophoven

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