Chapiteaux sédentaires en bois : le cirque renouvelle le spectacle-écran

L’actualité française de la construction bois est marquée par la construction de chapiteaux circassiens sédentaires, fruits d’un savoir-faire ancré et annonçant une banalisation de ces structures polyvalentes légères.

Autant le cirque cultive sa marginalité, autant le chapiteau est une niche de l’activité qui n’a jamais été thématisée jusqu’ici au Forum Bois Construction. Après la livraison du chapiteau du Mans en novembre dernier, celui du cirque dur de Marchin en Wallonie et tandis que se construit encore le CIAM (Centre International des Arts en Mouvement) à Aix-en-Provence, l’occasion était donnée cette année de se pencher sur cette discipline de l’architecture et de l’ingénierie bois.

 

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Domaine de Bayssan à Montpellier. Le cirque devient une réérence architecturale.

 

Une discipline attachante et sympathique, concèdent les acteurs, et qui pousse aussi la charpente dans ses retranchements tout en en révélant la majesté. D’où l’intérêt d’en faire le thème de l’un des ateliers parallèles préparés conjointement par le Forum et l’association IBC, qui regroupe les ingénieurs bois.

 

La quadrature du cirque

 

On pardonnera à l’architecte Loïc Julienne de Construire de ne pas révéler la solution trouvée à Aix-en-Provence pour adapter la configuration de l’espace à des spectacles frontaux ou circulaires. Premièrement, parce que Construire a toujours été le bras armé de Patrick Bouchain à qui l’on doit depuis des décennies le développement de ce marché.

 

Jean-Claude Baudin de Charpente Cénomane présente la structure du CIAM d'Aix-en-Provence.

 

Qui sait si sa solution ne fera pas date, tandis que les acteurs de ce monde confient qu’il s’agit bien là d’un sujet central. Comme l’explique Loïc Julienne, la raréfaction des chapiteaux ambulant – et sans doute aussi l’omniprésence de la situation frontale – a conduit les artistes à développer des spectacles compatibles avec le mode scénique du théâtre. Par contre, l’opérateur Dimitri Bessière du Plongeoir au Mans explique que les troupes viennent volontiers réserver le nouveau chapiteau pour adapter leurs spectacles frontaux à l’arène.

 

Une histoire méconnue

 

Grâce à l’ingénieur du projet du Mans, Yves-Marie Ligot, il a été possible de demander à Dimitri Bessière une brève exposition de l’histoire du cirque et du chapiteau. Si l’on évacue les références romaines de champ de course ou de massacres de gladiateurs et chrétiens, le cirque moderne n’a pas 300 ans. En France, le succès des cirques au 19e siècle a fait construire des bâtiments en bois éventuellement remplacés ensuite par des ouvrages maçonnés et chauffés.

 

L'architecte Matthieu Meunier présente le cirque en dur de Marchin, Forum Bois Construction n°12 à Lille, avril 2023, atelier parallèle B1.

 

Le théâtre équestre Zingaro porté par les médias, et l’Académie Fratellini visible du train en pleine ZAC tertiaire du Landy, ont non seulement créé une nouvelle discipline de la construction bois, mais stimulé une architecture biosourcée qui ne singe plus les ouvrages en béton. Ainsi, Encore Heureux crée à Clichy-sous-Bois sa villa Médicis provisoire avec une construction en bois surplombée d’une toile colorée en PVC, comme le relève la chercheuse Margotte Lamouroux.

 

Règles de l’art

 

En principe, le cirque actuel se constitue d’un gros cube central vide surmonté par un gril technique. Ce cube en bois est contreventé par des alcôves qui permettent de loger l’accueil et les gradins. La toile créé des problèmes à plus d’un titre. Elle doit être tendue dans les deux sens et crée des tensions sur la structure. Par ailleurs, son comportement thermique est mauvais, chauffant en été et provoquant de la condensation en hiver.

 

Doubler la toile comme au Mans est une solution, mais qui ne prétend pas s’approcher des standards de l’isolation thermique du neuf. De même, ces toiles auront bien du mal à affronter la réglementation acoustique relative aux lieux de spectacle, à moins d’être installés loin de l’urbain.

 

La réglementation incendie y sévit comme ailleurs, mais ces nouveaux chapiteaux ont l’avantage du léger permettant une évacuation rapide. Surtout, ces structures sont particulièrement adaptées à la construction bas carbone, peuvent intégrer la possibilité d’un démontage ou d’un déplacement, et restent relativement modiques.

 

Petits chefs d’œuvre

 

Le cirque dur de Marchin, construit en conception-réalisation ou "design and build", se distingue par la mise en avant du bois sous toutes se formes, à la fois pour la structure, les installations techniques, les gradins et l’enveloppe. Par ailleurs, il s’intègre dans une sorte de village du cirque qui vaut lui-même le détour. La préfabrication correspond bien aux besoins d’usage, car il est possible de percer la structure en de multiples endroits pour répondre aux besoins des utilisateurs, qui s’en servent par exemple pour les agrès.

 

En attendant de mesurer la prouesse du CIAM, la palme revient au petit chapiteau du Mans, taillé comme un bijou avec son étoile à 5 branches au-dessus de l’arène. L’architecte Christophe Theilmann n’a pas fait du Bouchain ou du Construire, mais créé un chef d’œuvre de cette nouvelle architecture. Le chapiteau est couvert d’une toile qui évoque une comète et avec poésie, l’architecte se réfère à la proche Promenade Newton et au désir circassien de vaincre la gravité. Le chapiteau du Mans devient ainsi une expression de l’architecture frugale française contemporaine.

 

Fermer le cercle

 

Quant au cirque, difficile de dire si l’esprit du 19e siècle se perpétuera. Du moins, s’il en reste l’idée de spectacles libres, non conditionné et pas démesurément émissifs, pour tous les publics, ce sera déjà pas mal. Il est possible que la circularité reprenne une nouvelle valeur dans une civilisation frontale qui file frontalement vers le précipice climatique.  

 


Source : batirama.com/Jonas Tophoven/© Stabilame

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