Evolutions des métiers du BTP, quelles formations ?

Pour répondre aux enjeux liés à la transition énergétique et numérique, les contenus et les modalités de formation des acteurs du bâtiment évoluent. Le point avec Ralph Lesca, directeur du département bâtiment de l’AFPA.

Photo : Ralph Lesca, directeur du département bâtiment de l’AFPA : "15 à 25 titres métiers sont révisés par an avec les organisations professionnelles".

 

 

La veille et la révision des contenus pour et avec les professionnels

 

L’évolution des métiers, l’AFPA connaît : "La veille permanente par secteurs, filières et métiers du bâtiment est une mission que nous effectuons pour plusieurs organismes, branches et ministères, notamment le Ministère du travail. Cette veille est réalisée avec et dans les entreprises, notamment par le biais d’enquêtes en direct auprès des employeurs et des tenants de l’emploi."

 

La révision d’un contenu de certification pour intégrer les évolutions du métier, ou créer une nouvelle formation, est encadrée par une loi de 2018. Les branches professionnelles, comme l’ensemble des acteurs, sont informées chaque année des programmes à deux ans et ont la possibilité d’intervenir.

 

Métiers émergents ou en mutation

 

Quelques métiers sont entièrement nouveaux. "L’AFPA a un programme 'R&D et incubateur' dédié aux métiers et compétences émergentes : notamment sur les enjeux de transition écologique, énergétique et numérique à partir d’une phase R&D - comme sur l’économie circulaire, l’écoconstruction, le BIM, les modes constructifs alternatifs… L’incubateur permet de mettre au point des certifications pour des métiers émergents à partir de formations expérimentales, en partenariat avec des entreprises partenaires et les institutions concernées, ensuite confrontées aux réalités de terrain, sur deux ou trois sites, avant de finaliser un référentiel emploi compétences et de le proposer à l’instance consultative pour enregistrement au registre national des certifications professionnelles. En 2023, par exemple, nous menons une expérimentation sur un métier qui n’existe pas encore en termes de certification, celui d’agent de commissionnement : d’une certaine manière, le 'Monsieur qualité de la performance énergétique du bâtiment'."

 

La digitalisation du secteur implique une transformation des formations et la naissance de nouveaux métiers. ©DCStudio - Freepik

 

Ce programme a donné naissance en 2021 à la certification du métier de coordinateur BIM du bâtiment, puis en suivant de BIM modeleur du bâtiment. L’AFPA a reçu un award de l’innovation au salon Batimat (lauréat argent) pour cette formation 100 % digitalisée et à distance (en parallèle, un lauréat d’or était décerné à l’entreprise Learnme-up, pour sa formation en réalité virtuelle sur les métiers du chauffage et de la climatisation).

 

En 2024, devraient apparaître de nouveaux métiers, ou tout au moins des compétences émergentes, dans le domaine de l’industrialisation de la construction ou d’autres modes constructifs alternatifs.

 

Les grands enjeux d’aujourd’hui

 

Les 86 métiers du bâtiment répertoriés (encadrement, étude, exécution et exploitation confondue) sont tous impactés plus ou moins fortement par la transition écologique et la transition numérique, qui sont les deux thématiques majeures de ces quatre dernières années.

 

"Toute création de certification et toute révision de contenus pour les métiers existants sont systématiquement vues à travers le prisme de l’une ou de l’autre : la transition écologique mobilise tous nos efforts, avec d’une part la construction durable, portée par la RE 2020, et de l’autre, la rénovation énergétique du bâti existant. Quant à la transition numérique, qui est un sujet transversal, elle a donné lieu ces derniers temps à la création de certifications et de compétences sur le BIM et le bâtiment communicant et connecté notamment."

 

De nouvelles compétences en rénovation énergétique

 

Pour le Ministère du travail, l’AFPA a identifié au moins 12 métiers en rapport avec la rénovation énergétique globale, dans lesquels l’évolution des compétences est indispensable : "Ils traitent de l’audit énergétique des bâtiments, du conseil en rénovation énergétique, de la préparation et de la conduite des travaux sur le bâti et les équipements techniques. Nous mettons en place des formations ad hoc ; par exemple, celle de chargé d’affaires en rénovation énergétique pour le bâtiment d’habitation, qui est proposée dans 17 centres agréés de 11 régions différentes. Ou encore celle de technicien d’installation en équipements de confort climatique, dans 28 centres de 12 régions."

 

D’autres métiers existants, mais encore très peu connus évoluent au cours du temps. Par exemple, celui de constructeur bois, créé en 2011, révisé en 2021 et qui sera de nouveau revisité en 2026 pour intégrer les nouveautés. La formation certifiante est proposée dans 44 centres en France, dont 25 centres de l’AFPA.

 

Constructeur bois, un métier émergent. © Freepik

 

L’évolution des modalités de formation

 

Si les contenus évoluent, il en est de même pour les modalités de formations. A l’AFPA, toutes sont déployées en multimodalité : sur le plateau technique d’un centre, en ligne et dans l’entreprise.

 

La formation à distance, de plus en plus plébiscitée. © wayhomestudio sur Freepik

 

 

La digitalisation des outils de formation apporte des changements majeurs : certaines formations sont réalisées 100 % à distance, comme le BIM Modeleur, via le centre “Territoire digital” de l’AFPA, très demandé. "Le BIM apporte beaucoup aux entreprises, y compris les TPE. Demain, nos formations vont évoluer pour que les premiers niveaux de qualification maîtrisent le BIM dans leur pratique sur les chantiers ; notamment pour apprendre à exploiter une maquette numérique en 3D. La maquette numérique est particulièrement utile à la construction et à l’exploitation des bâtiments dans les métiers de la maintenance notamment. Les plus jeunes sont très à l’aise avec ces outils numériques ! »

 

Rendre les métiers attractifs

 

L’une des préoccupations de l’AFPA est de proposer les contenus et les durées les plus adaptés possible. Aucune formation n’a un format identique : "Le format varie selon les métiers et les compétences attendues."

 

De même, ces formations sont accessibles à tous. "Nous cherchons à rendre les métiers le plus attractifs possible, pour les hommes comme pour les femmes, mais nous n’avons pas de stratégie de formations dédiées à un genre."

 

D’ailleurs, malgré quelques campagnes de promotion fléchées vers les femmes, le ratio homme-femme n’évolue pas significativement, quels que soient les métiers du BTP et leur pénibilité. "Pas un métier du bâtiment n’échappe au manque d’attractivité ! Les jeunes ont du mal à se projeter dans ces métiers, et plus encore depuis la crise du Covid …"

 

Formations du bâti historique

 

Une certaine inquiétude est palpable dans le secteur du bâti ancien, où la perte de compétences est importante. "Maçon du bâti ancien et surtout tailleur de pierre sont des métiers en perte de vitesse. Très peu demandés, ils sont très peu financés. En Île-de-France, il est question de revitaliser la filière, notamment à la faveur de la réhabilitation énergétique des bâtiments. On évoque le recours à la pierre de taille alors que très peu de centres de formation mettent en œuvre cette formation !"

 

D’aucuns estiment que l’audit énergétique des bâtiments anciens et le traitement du bâti doivent être spécifiques pour être efficaces.

 

Pour ces métiers à forte valeur patrimoniale, des organismes comme l’INMA (institut national des métiers d’art) sont plus spécifiquement compétents. "Nous collaborons pour étudier la façon de mettre en perspective les métiers de la construction relevant du Ministère du travail et les métiers d’art. Un rapprochement est nécessaire pour conserver les savoir-faire et les adapter aux problématiques actuelles."

 

Premier organisme de formation professionnelle en France, l’Afpa forme des professionnels du bâtiment depuis près de 80 ans (un actif sur huit a suivi une formation dans l’un des 116 centres et chaque année, plus de 6.000 entreprises ont recours à l’une de ses formations).

 

En 2021, l’Afpa a formé 29.055 hommes et 2.070 femmes aux métiers du bâtiment.

 


Source : batirama.com/ Emmanuelle Jeanson

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