L’audit énergétique règlementaire : la mauvaise blague du 1er avril 2023

Prévu initialement à compter du 1er septembre 2022, l’audit énergétique obligatoire pour les passoires thermiques F ou G entre en vigueur au 1er avril 2023 et utilise la méthode du DPE.

A partir du 1er avril 2023, toute maison individuelle ou immeuble collectif appartenant à un seul propriétaire, dont le DPE indique une classe F ou G, devra lors de sa vente – promesse de vente ou acte de vente signé à compter du 1er avril 2023 - s’accompagner d’un audit énergétique à remettre à l’acquéreur, en plus du classique DPE qui demeure nécessaire. Cette obligation sera étendue au maisons ou immeubles classés E à partir du 1er janvier 2025, puis aux maisons individuelles et immeubles classés D selon le DPE à partir du 1er janvier 2034.

 

Pousser les passoires thermiques vers une rénovation performante

 

Le but de cet audit énergétique consiste à lister les travaux nécessaires pour parvenir une "rénovation performante" du bien considéré. La notion de rénovation performante est définie par l’alinéa 17bis de l’Art. L111-1 du Titre 1er du Livre 1er du Code de la Construction et de l’habitation.

 

Cet alinéa précise : "Rénovation énergétique performante : la rénovation énergétique d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment à usage d'habitation est dite performante lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l'air, permettent de respecter les conditions suivantes :

 

 

L’article L173-1-1, comme chacun le sait, définit les classes A à G au sens du DPE, en fonction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre.

 

L’alinéa 17 bis indique encore : "Une rénovation énergétique performante est qualifiée de globale lorsqu'elle est réalisée dans un délai maximal ne pouvant être fixé à moins de dix-huit mois pour les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d'habitation ne comprenant qu'un seul logement ou à moins de vingt-quatre mois pour les autres bâtiments ou parties de bâtiment à usage d'habitation et lorsque les six postes de travaux précités ont été traités."

 

Le contenu exhaustif de l’audit énergétique est défini par l’arrêté du 4 mai 2022 (NOR:LOGL2115138A).

 

Quelles qualifications pour les professionnels ?

 

Naturellement, le professionnel chargé d'établir l'audit énergétique ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance vis-à-vis du propriétaire ou du mandataire qui fait appel à lui.

 

De plus, ce professionnel possède une assurance qui couvre les conséquences éventuelles d'un engagement de sa responsabilité.

 

Pour les immeubles à usage d'habitation comprenant plusieurs logements, les professionnels qualifiés sont :

 

En ce qui concerne les maisons individuelles, il s’agit :

 

La description complète des différentes qualifications se trouve dans le Décret n°2022-780 du 4 mai 2022.

 

Concrètement, on trouve la liste des entreprises et personnes qualifiées, soit sur le site France Rénov’, soit dans l’annuaire des diagnostiqueurs certifiés .

 

La méthode de calcul utilisée est celle du DPE

 

Bon, c’est donc du sérieux apparemment, mais en réalité pas tant que ça : la méthode utilisée est celle du DPE. Et ça, ça ruine un peu tout.

 

Nous vous avons déjà expliqué tout le mal que les professionnels pensent de la méthode du DPE introduite en juillet 2021, puis modifiée en octobre 2021.

 

 

L’audit énergétique est un document différent et plus ambitieux qu’un DPE. L’audit énergétique doit en effet proposer des travaux à réaliser pour améliorer le classement de l'habitation, en une seule fois ou par étapes : en précisant à chaque étape les économies d’énergies estimées, l’estimation du montant des travaux ou encore la mention des principales aides financières mobilisables. ©PP

 

 

L’audit énergétique présente au moins deux scénarios de travaux, à réaliser en plusieurs étapes ou en une seule, pour faire passer les logements F ou G en classe C, voire en classe B pour les logements classés E ou D avant travaux. Sauf contrainte particulière, la première étape doit faire gagner au moins une classe, et atteindre au minimum la classe E. ©PP

 

Pourtant, audit et DPE sont réalisés par la même méthode, celle du DPE. Cette méthode présente plusieurs aspects qui permettent, de façon tout à fait légale et acceptable, de produire des DPE assez différent pour un même bien.

 

Tout d’abord, le DPE peut être réalisé soit à partir de valeur par défaut – fixée en fonction de l’année de construction de la maison ou de l’immeuble -, soit à l’aide de valeurs calculées pour l’isolation thermique, etc. Les deux approches sont parfaitement valables mais peuvent donner des résultats assez différents. Bruno Slama de BBS Slama estime que l’on peut aboutir à deux classes d’écart en utilisant l’une ou l’autre approche.

 

Le second aspect fortement contestable du DPE en immeuble collectif est sa "méthode d’échantillonnage". Troisièmement, l’évaluation des logiciels DPE n’est toujours pas terminée, même si le site RT-RE Bâtiment comporte une liste de logiciels évalués pour l’audit énergétique. En date du 23 février 2023, 7 logiciels sont indiqués comme "en cours d’évaluation".

 

Les diagnostiqueurs chargés de réaliser l’audit auront accès au DPE de la maison individuelle ou du bâtiment. S’il a été fait, comme c’est principalement le cas, à partir de valeurs par défaut, il lui sera difficile de porter un diagnostic censé, à moins de recommencer le calcul avec des valeurs calculées, mais qui du coup risquent d’être fort différentes du DPE initialement calculé. Ce qui sera compliqué à expliquer au vendeur et à l’acheteur potentiel.

 

Bref, à compter du 1er avril, puisque la méthode du DPE n’a pas été améliorée, on risque l’embrouille.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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