Plancher bois apparent hyperstatique : le plancher mixte Hoboa testé en surélévation

Lauréat du Challenge Canopée 2022, le plancher mixte développé par l’architecte Rennais Thierry Soquet franchit les étapes préparatoires d’une intégration dans la futur tour Horizon Bois (R+11) près de la gare de Rennes.

Photo : La construction hybride selon Horizon Bois, version dalle coulée en place.© Horizon Bois

 

 

Le plancher Hoboa est constitué d’un panneau en CLT dont un portail à commande numérique a strié à intervalles réguliers la face supérieure de canaux en forme de queue d’aronde. Une dalle de compression en béton armé le recouvre pour créer des dalles de plancher qui n’ont pas besoin de reposer sur des poutres, mais seulement sur des poteaux. La sous-face en bois reste apparente, comme cela a été validé par un test Lepir 2 en configuration de façade.

 

Une invention d’architecte… fils de maçon

 

Dix ans durant, l’association AdivBois s’est cassé les dents sur le projet de bâtir des démonstrateurs de petites tours en bois, notamment en régions. Et ce serait un architecte breton qui aurait finalement trouvé la solution ? Les architectes, c’est bien connu, on toujours plein d’idées, mais de là à les passer au stade industriel…

 

Surélévation de trois étages sur deux, en cours (actuellement achevée).

 

Thierry Soquet, fondateur de l’agence rennaise Architecture Plurielle, n’est pas tombé de la dernière pluie. Fils de maçon et architecte du bois de longue date, il achète en 1999 peu cher, afin d’y installer son agence, un immeuble centenaire en béton. Mal isolé, voué à la démolition, l’immeuble a pourtant l’atout de se situer près de la gare de Rennes.

 

Le taligot inversé

 

Un peu plus tard, Thierry Soquet apprend par hasard que sa propriété, faisant partie d’une ZAC, se trouve à l’endroit même où la municipalité envisage d’élever, en guise de totem d’entrée de ce nouveau quartier, une tour. L’architecte est un habitué des façades à ossature bois. Généralement, le prix du bois lui interdit d’aller plus loin et de passer à une structure tout bois.

 

L’acheminement des éléments de planchers avec garde-corps intégré.

 

Thierry Soquet se demande comment réduire les coûts et se souvient d’un procédé de maçon dénommé taligot, avec une pièce en bois à base en queue d’aronde noyée dans le béton afin de permettre ensuite le vissage d’éléments. Il inverse le procédé et l’applique aux plancher en CLT. Les canaux en queue d’aronde doivent permettre de solidariser la jonction entre le bois et le béton sans connecteur, juste par la disposition du blocage de forme et d’une armature.

 

Moins de bois, moins de coûts

 

Ce plancher hybride utilise une épaisseur de bois réduite. Comme il est hyperstatique et travaille dans les deux directions, il n’a pas besoin de reposer sur des poutres en BLC (Bois lamellé-collé). A cette structure, l’architecte associe une FOB (Façade à ossature bois) non porteuse.

 

Configuration du plancher avant coulage en place.

 

Ajoutons le prix réduit du foncier de cette parcelle déjà acquise, et l'appui du promoteur Lamotte associé à l’opération. Il y a de quoi s’en sortir pour construire, au-dessus de trois niveaux de bureaux (dont ceux d’Architecture Plurielle), 9 étages en bois pour 50 logements qui se vendront autour de 7.000 euros le m², une tranche basse pour le secteur de la gare.

 

Opiniâtreté proverbiale

 

Voilà donc cette belle opération immobilière d’avant-retraite, comme en rêvent tous les architectes ? Avec aussi un moment de notoriété, notamment pour la ville de Rennes qui deviendrait le ruban bleu des tours en bois de Bretagne… En 2018, la municipalité se fend d’un communiqué à l’époque repris partout, alors que la construction de petites tours en bois était dans l’air, juste après la proclamation des lauréats du concours national AdivBois.

 

Coulage. La surélévation montre à quel point le procédé s’intègre dans la filière des maçons, de même que la tour Horizon Bois devra montrer qu’elle sait s’inscrire dans une filière sèche.

 

 

De fait, AdivBois souhaitait que la parcelle rennaise de Thierry Soquet participe à ce concours national de 2017. Mais comme l’architecte était déjà propriétaire et en pleine élaboration, la tour Horizons Bois a été répertorié comme projet partenaire. Architecture Plurielle a déroché l’aide du PIA (Programme d’Investissement d’Avenir). Un an plus tard, comme son partenaire industriel ne bouge pas, il doit redémarrer avec un second, et finit par décrocher seul le PIA avec sa société ad hoc HORIZON BOIS.

 

Le bois apparent sur la sellette

 

Sur ce, début avril 2019, un essai collectif Lepir 2 auprès du laboratoire Efectis, relatif à la validation des solutions du R+11 Sensations de Strasbourg, tourne mal. La façade test y est accrochée à une dalle en CLT qui se délamine et alimente la charge combustible. C’est le signal de départ d’une offensive contre le bois apparent, qui se poursuit jusqu’aujourd’hui au travers de la doctrine des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris.

 

Thierry Soquet trouve chez Schilliger un CLT à colle HBX de Henkel, non délaminante. Sa solution, qui dispose déjà d’un CF de 1h30, décroche en mars 2022 le premier test Lepir 2 avec nez de dalle en CLT à sous-face visible. De quoi conforter le jury du Challenge Canopée dans le choix du lauréat de l’année.

 

Montée en compétence

 

Malheureusement, la même année, l’entreprise de charpente avec laquelle Architecture Plurielle projette de construire la tour Horizons Bois disparaît. La commercialisation des logements, bien engagée à Noël 2021, a dû être interrompue.

 

Parallèlement, Thierry Soquet a la chance de pouvoir développer deux chantiers test. Le premier est une surélévation de trois étages sur un immeuble de deux étages. La structure porteuse de la surélévation est en poteaux et poutres de refends en béton, l’option acier serait hors de prix. Pour ce premier test grandeur nature, la dalle de compression est coulée en place. Actuellement, le gros œuvre est achevé. La grande nouvelle, c’est qu’il s’agit d’un hôpital de jour et qu’enfin, les surfaces apparentes en bois auront cours en milieu hospitalier.

 

En avril commence la pose d’un second chantier test de bureaux avec planchers hybrides préfabriqués, dans des configurations un peu différentes et avec une isolation de façade en fibre de bois intérieure et laine de roche extérieure.

 

La construction bois par des maçons

 

La tour Horizons Bois en est aux fondations. En alternative au charpentier défaillant, c’est le maçon Ciméo qui doit réaliser le montage. Ciméo s’entraîne sur les deux projets préliminaires avant d’attaquer le R+11 par la face nord.

 

Thierry Soquet avoue : le premier étage de la surélévation a été posé en plein hiver sous des trombes d’eau, avec quelques imperfections de démarrage. En trois niveaux, les équipes ont atteint la qualité requise et peuvent maintenant expérimenter le montage de panneau hybrides préfabriqués. Ce qui signifie, pour eux, une pratique un peu plus éloignée de la maçonnerie. Et prépare opportunément le montage d’une tour de 12 étages en bois.

 

La démarche de Thierry Soquet sera présentée au Forum Bois Construction dans le cadre des conférences du pôle innovation le jeudi 13 avril 2023 à 17h10 (Horizons Bois, exposant, en fait son premier salon). Lorsque la construction de la tour sera aboutie, ce ne sera pas simplement une prouesse technique. Il s’agira surtout d’une formidable illustration des qualités humaines de ce qui fait le bâtiment breton.  

 


Source : batirama.com/Jonas Tophoven/©Horizon Bois

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