La relève de la construction biosourcée "s’enstibe" à Epinal

L’école d’ingénieurs, pari fou de Philippe Séguin, permet aujourd’hui à la filière bois du Grand Est de rebondir. L'ENSTIB inaugure cette semaine sa nouvelle Grande Halle et lance dans la foulée les Défis du Bois 3.0.

Si Epinal a aujourd’hui de quoi se proclamer capitale du bois en France métropolitaine, l’école nationale supérieure des technologies et industries du bois y est pour quelque chose. L’école forme des ingénieurs, propose trois parcours de licences professionnelles, un master de génie civil "Architecture bois et construction", un master spécialisé en Conception et hautes études des structures bois, et forme des doctorants en Sciences du Bois. Il y a quatre grands domaines : l’éco-construction, le bois-énergie, la chimie des matériaux bio-sourcés et l’ingénierie des systèmes industriels.

 

 

Défis du bois 3.0, 2021

 

 

Débuts hésitants

 

 

Au départ, il n’existait que la coquille vide d’une chocolaterie en construction dont l’initiateur était parti avec la caisse. La France disposait avec l’Ecole Supérieure du Bois d’une institution ancienne et performante, déplacée de Paris à Nantes. On se demandait si le marché supporterait deux écoles d’ingénieurs bois et si les étudiants viendraient "s’enterrer à Epinal pendant trois ans", une vision parisienne qui ne plaisait pas du tout à Philippe Séguin.

 

 

Défis du Bois 3.0, 2021, incroyable réalisation ad hoc

 

 

C’est vrai que le lieu joue un rôle pour des élèves ingénieurs qui souvent choisissent leur filière en fonction des résultats de leurs concours. Les Vosges, il y a 40 ans, c’était le meurtre du "petit Grégory" dans les faits divers. Par contre, le département vivait d’une industrie du bois impressionnante, tout comme le Grand Est pour ce qui concerne le meuble. Entre temps, des secteurs d’activité entiers ont périclité, mais l’école a prospéré et maintenant, l’économie biosourcée devient LE modèle à suivre et Epinal conforte son rôle de cluster français.

 

 

Une dynamique indéniable

 

 

En 1982, il y a quarante ans, la promotion parrainée par Jean Nanty, président à l’époque du Conseil Interfédéral du Bois, se limitait à huit diplômés. L’an dernier, la 39e promotion, parrainée par Dominique Weber, président du Codifab, se rapportait à 81 diplômés, soit dix fois plus. L’annuaire des diplômés est un peu le Gotha de la filière bois-biosourcée française. L’ENSTIB joue à fond le jeu des "alumnis", comme le précise son directeur Laurent Bléron. Choisir l’ENSTIB c’est, désormais, choisir un réseau pleinement développé.

 

 

 

 

Une renaissance poussive

 

 

S’ajoute, comme la 11e édition du Forum Bois Construction l’a montré dans la troisième session inaugurale tenue au Campus Bois de l’ENSTIB le 6 avril, le réseau géographique qui s’est développé autour d’Epinal avec la création de start-up qui font toute la fierté de l’école. Pour autant, il faut se souvenir de la situation qui prévalait encore en 2015, quand le Forum a saisi l’occasion de la transformation du centre de tri postal de Nancy en centre de congrès, et que la ville d’Epinal a tout fait pour que la première journée se passe dans ses murs.

 

La Grande Halle inaugurée le 28 avril 2022

 

Les start-ups investissaient alors des lieux désertés par le déclin industriel. Le scieur allemand Pollmeier avait échoué dans sa tentative de s’installer à Noméxy, tandis que Pavatex avait vu trop grand à Golbey et avait été récupéré par Soprema. Le papetier Norske Skog de Golbey menaçait déjà de réduire la voilure et les activités développées en annexe comme la ouate de cellulose échouaient.

 

 

Grande Halle

 

 

Le déclin industriel d’une région ne s’inverse pas facilement, même en investissant dans le soft power de l’ingénierie. A présent, Pavatex double ses capacités, des investissements conséquents ont lieu dans les Vosges et à proximité (Sertelet, Schilliger…), requinquant la filière bois comme pour parvenir à retrouver le niveau d’antan.

 

Une session inaugurale de la 11e édition du Forum Bois Construction, 6 avril 2022

 

En corrélation, l’ENSTIB inaugure le 28 avril 2022 sa nouvelle Grande Halle. Un temps fort pour l’école, qui marque la finalisation de deux ans de travaux, pour une halle ultra moderne de 2,3 millions d’euros, ainsi que la mise en place d'un nouveau système de partenariat avec ces dernières. La signature d’une convention de partenariat premium et la remise d'un Trophée à six entreprises emblématiques de la filière complètera l’inauguration.

 

 

Défis du Bois

 

 

En principe, cette date de fin avril est réservée aux Défis du Bois, le grand moment annuel de l’école, imaginé il y a 17 ans pour faire vivre l’expérience du travail collectif à des jeunes ingénieurs et architectes, fraichement diplômés. Depuis 2015, les expérimentations ont laissé place à la création de structures pérennes et les équipes sont accompagnées par les Compagnons du Devoir, dans le cadre des "Défis du Bois 3.0". Exceptionnellement, la 7e session de ces Défis du Bois 3.0 se tiendra cette année du 14 au 21 mai.

 

L'ENSTIB recourt de plus en plus au bois

 

Pour les jeunes ingénieurs, les véritables défis du bois suivront, avec cette dérive actuelle vers la conception d’ouvrages en bois spéculatif, sans qu’on sache véritablement ce qui se passera en termes de prix et de délais entre la phase d’ingénierie et le chantier. Ou bien ce remplacement programmé des sciages d’épicéas par d’autres essences, à cause des attaques sanitaires ou des sanctions économiques. Sans parler de la remise en cause actuelle de pans entiers de la réglementation incendie appliquée aux construction bois et biosourcées.


Source : batirama.com/Jonas Tophoven © ENSTIB, Jad Sylla

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