Façades bois, une réglementation incendie en transition

La réglementation incendie en matière de façades en bois a été remise en cause depuis l’été dernier par la "doctrine" des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris.

Les façades en bois ne sont pas toujours identifiables comme telles, d’autant que la réglementation impose dans certains cas des revêtements incombustibles qui les masquent. Et n’en reste pas moins qu’il s’agit de la grande tendance de ce début de siècle, en relais des façades aluminium arrivée en bout de course tant en matière d’isolation énergétique que de coût carbone. Il est donc fréquent qu’un concepteur la prescrive et se demande : "Que dit la réglementation incendie ?"

 

 

Photothèque d'Olivier Gaujard : essai Lepir 2 avec façade en bois-paille.

 

 

S’il n’y prend garde, il va se référer à des règles certes officielles, mais qui ne sont plus d’actualité, de fait. Car depuis juillet 2021, les sapeurs-pompiers de la préfecture de Paris ont édité une "doctrine" qui remet en cause l’ensemble de la réglementation qui s’applique en principe aux systèmes constructifs biosourcés. Dont les façades bois. De sorte que le concepteur court le risque de développer son projet en parfait accord avec la réglementation officielle, mais de se voir refuser l’ouverture des locaux par les pompiers le jour J.

 

 

Deux questions se posent

 

 

Où cette doctrine pompiste s’applique ? Quand le marché disposera-t-il d’une réglementation ajustée et de nouveau digne de ce nom ? La première question a été abordée dans le cadre du 11e Forum Bois Construction à Nancy, le 8 avril 2022, dans un atelier C4 co-modéré par l’association IBC des ingénieurs bois et l’UICB qui représente les industriels de la construction bois. La réponse politique prononcée par Dominique Cottineau de l’UICB, est que le périmètre d’application se résume au Grand Paris. Malheureusement, les acteurs du terrain confirment que la doctrine parisienne fait des émules un peu partout. Le flou est donc total.

 

 

Essai Lepir du Groupe Feu, conduisant à un élargissement du registre des appréciations de laboratoire.

 

 

La seconde question fait également sourire. Car il était question de régler ce problème avant l’entrée en vigueur de la RE2020 au 1er janvier 2022. Le 15 octobre 2021, lors d’une manifestation d’ADIVbois, la ministre chargée du logement, Emmanuelle Wargon, annonçait que les réunions interministérielles ayant eu lieu depuis le début de l’année sur ce sujet prendraient fin et qu’une déclaration – qui n’a pas eu lieu – serait publiée fin 2021. Quand on ne tient pas les échéances, c’est la porte ouverte à des décennies de tests, essais, discussions. Les concepteurs de bâtiments en pâtissent, mais d’autres en font leurs choux gras. A présent, il est question d’une échéance réglementaire pour le 1er janvier 2023.

 

 

Le marché résiste 

 

 

L’objet de l’atelier C4 du Forum Bois Construction était d’aider les spécialistes de la construction biosourcée à faire face à cette situation impossible. Le parti-pris était donc de regarder la doctrine en face, quitte à rajouter quelques commentaires déjà formulés en vue d’une négociation en suspens. Un changement de gouvernement ferait du bien pour sortir de la situation actuelle, ou le ministère de l’Intérieur fait face à celui du Logement, de l’Agriculture (tutelle traditionnelle de la filière bois), et de l’Environnement apparemment pas très impliqué sur le sujet.

 

 

L'atelier C4 du 11e Forum Bois Construction, 8 avril 2022, consacré à l'incendie, a connu une affluence record.

 

 

A vrai dire, il n’y a rien de pire que la situation actuelle pour démolir le marché de la construction bois. Au point qu’on a envie de se demander à qui profite le crime. Si l’on suit la doctrine, les gains carbone de la construction biosourcés fondent comme neige au soleil, mais pas les gains des industriels spécialisés dans les solutions d’encoffrement du bois apparent. Et pourtant, malgré ce scud envoyé frontalement contre la construction biosourcée juste au moment de l’entrée en vigueur de la RE2020, le marché reste incroyablement porteur.

 

 

Vers les systèmes

 

 

C’est du moins l’avis d’Estelle Billiotte de FaçadeBois, qui constate : "Il y a peu de temps, les équipes de maitrise d'œuvre devaient interpréter les solutions génériques et revoir leur copie à chaque projet, il y avait peu de systèmes établis par les fabricants/industriels. Les choses ont radicalement changé. la connaissance des produits, des marques et de la réglementation se sont améliorées. Quelles que soient les demandes, le marché va faire avec et continuer à prescrire des façades en bois. A la place du millefeuille actuel qui s’étend du bardage à la paroi intérieure de façade en passant par l’isolation, l’écran thermique, la structure porteuse, le marché avance à grand pas vers des systèmes intégrés."

 

Quant à Yves-Marie Ligot, l’un des grands experts du sujet du côté de l’ingénierie bois, co-modérateur de l’atelier C4, il table sur le fait qu’il faudra s’habituer à une valeur C+D de 1,30 m couplée à des appréciations de laboratoire : "Les appréciations de laboratoires se multiplient, il y a le guide sur la propagation du feu par les façades, mais aussi le travail de Bois HB, plus des avancées dans le domaine du zinc, ou chez Sto, et la liste n’est pas exhaustive." Bref, même en l’état, la conception des bâtiments biosourcés n’est pas bloquée, il faut simplement faire preuve de prudence et s’adresser à des interlocuteurs compétents (BE, pompiers).

 

 

Un faux antagonisme

 

 

Dans tous les cas de figure, le mieux est de chercher le contact avec les pompiers très en amont des projets. Car ce ne sont pas des diables. Eux-mêmes demandent ce travail pour avancer dans l’élaboration de solution fiables. C’est l’avis d’Olivier Gaujard, ingénieur bois, qui rencontre les pompiers sur un projet parisien de bois-paille en R+5. Il ne s’agirait pas de dresser les uns contre les autres, mais d’avancer ensemble. Les pompiers, selon lui, ne sont pas opposés au développement de la construction biosourcée.



Source : batirama.com / Jonas Tophoven / Photo © Jas Syllla

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