En finir avec la fissuration précoce des bétons

La fissuration précoce du béton(1), désordre non structurel, relève de l?esthétisme et n?entre pas dans le champ des garanties des assureurs. Comment éviter cette situation ?

 

Les architectes exigent fréquemment des bétons bruts de décoffrage, peinturés ou lasurés. Par ailleurs, les clients, de plus en plus procéduriers, mettent fréquemment en cause l’entreprise dès qu’apparaît la moindre microfissure.

 

La garantie contractuelle de l’entrepreneur est alors visée, et par conséquent, à charge pour l’entreprise de trouver une solution qui va représenter un coût et, parfois même, occasionner une perte de crédibilité auprès des maîtres d’ouvrages.

 

Situation paradoxale, car les normes de produit ou d’exécution sont prétendument plus exigeantes que celles du passé. On devrait s’attendre à moins de problèmes, ce qui n’est pas le cas, alors comment expliquer cette situation ?

 

A-t-elle réellement empiré comme certains le prétendent ? Et, enfin, à qui la faute, s’il existe un fautif ?

 

La fissuration précoce du béton est un phénomène complexe et connu depuis longtemps. Le béton est un matériau qui fissure naturellement. Une évidence difficile à faire admettre à un maître d’ouvrage dont la salle de séjour est parcourue par une microfissure bien visible !


(1) Ce thème a été développé lors de la matinale du syndicat des entrepreneurs de construction du 5 avril 2012
 

 

1 - Les fissures : admises dans les textes !

 

L’Eurocode 2, référentiel de conception des ouvrages en béton armé, précise à la clause 7.3 : Les fissures peuvent être admises sans que l’on cherche à en limiter l’ouverture sous réserve qu’elles ne soient pas préjudiciables au fonctionnement
de la structure.

 

Le BAEL(2) à son article A 4.5.3 allait plus loin : Les fissures de largeur excessive peuvent compromettre l’aspect des parements… Il est cependant reconnu qu’il n’est pas possible de fixer a priori une largeur de fissure à respecter…

 

Arguments d’ingénieurs, mais qui ne sont peut-être pas nécessairement partagés par l’ensemble des clients. A ce jour, il n’y a pas de définition universelle pour quantifier une largeur de fissure, et pour cause.

 

En revanche on distingue la fissure à caractère esthétique, mais qui ne nuit pas à la durabilité de l’ouvrage, de la fissure structurelle, préjudiciable à la durabilité…

 

(2) En termes de conception des ouvrages en béton armé, l’Eurocode 2 a remplacé le BAEL

 

2 -  Qui est responsable ?



Alors qui est responsable, si responsable il y a ? En réalité, tout le monde a sa part de responsabilité, du maître d’ouvrage jusqu’à l’entrepreneur, en passant par le producteur de BPE. Prises individuellement toutes ces causes ne sont pas nécessairement pathogènes, mais leur cumul peut générer de la pathologie.

 

 

Les canalisations, gaines, fourreaux, etc., incorporés dans les ouvrages horizontaux ou verticaux en béton doivent satisfaire, tous corps d'état confondus, les quatre exigences suivantes : être situés entre les nappes d'armature, (lorsqu'elles existent), de chacune des deux faces ; permettre un enrobage par le béton au moins égal au diamètre de la plus grosse gaine, avec un minimum de 4 cm ; présenter, sauf localement, une distance horizontale entre elles, au moins égale à leur diamètre, avec un minimum de 4 cm ; ne pas occuper plus de la demi-épaisseur et permettre un bétonnage correct des zones de concentration ponctuelle de gaines au voisinage des raccordements dans les boîtiers au droit des croisements ou empilages localisés.

 

Le schéma ci-dessous résume les présentes exigences :

 

 

Toujours du point de vue de la conception, opter pour de la fissuration peu préjudiciable pour des voiles bruts de décoffrage est aléatoire ; certains entrepreneurs préfèrent passer directement en fissuration préjudiciable.

 

Concrètement cela conduit à passer du classique ST 10 à du ST 20… mais cela représente un coût prohibitif très difficile à justifier.

 

Concernant les voiles non armés, comportant des incorporations, la situation est délicate, car aucun texte n’exige un quelconque renforcement par TS ou fibres…

 

En béton banché, outre les panneaux de treillis soudés, certaines zones de voiles extérieurs ou intérieurs ont besoin d’être renforcées par des renforts horizontaux ou verticaux (RH ou RV) ou par des chaînages horizontaux ou verticaux (CH ou CV). 

 

Les valeurs sont exprimées en cm2 d’acier.

 

Source : L’essentiel technique – Maçonnerie Gros Œuvre – SEBTP 2011

 

 

 

3 -  Bien choisir son béton prêt-à-l’emploi (BPE)

 

La qualité du béton prêt-à-l’emploi est fréquemment mise en cause par les Entrepreneurs. Faute d’arguments probants, il est difficile de se prononcer à ce sujet. En revanche, il est indispensable que la commande de béton soit être très claire en termes de maniabilité, de résistance, de durabilité…

 

 

L’importance du dialogue entre le commercial du BPE et son client est cruciale. Le prix du m3 de béton passe bien trop souvent avant les caractéristiques du béton, ce qui est regrettable.

 

Rappelons que l’un des objectifs de la norme NF EN 206-1-Béton est de mettre en adéquation le béton et l’environnement dans lequel il va évoluer. Il incombe donc à l’entrepreneur de bien choisir sa classe d’exposition et dans les cas litigieux exiger du maitre d’œuvre des informations complémentaires, afin de faire le bon choix de classe.

 

La preuve par l’exemple

 

Prenons un exemple, un voile extérieur en béton soumis à du gel faible ou modéré et situé à l’intérieur des terres sera réalisé avec un béton de classe d’exposition XF1. En revanche, les voiles intérieurs et sans phénomène de condensation pourront être réalisés en XC1.

 

Concernant les voiles aux formes compliquées et/ou intensément ferraillées, le choix d’un Béton Auto Plaçant (BAP) peut s’avérer judicieux. Un protocole d’accord a été signé entre les utilisateurs de béton prêt-à-l’emploi et les fabricants. Ce texte précise les règles de commande, de livraison et de garanties du béton prêt-à-l’emploi.

 

4 -  La mise en œuvre en trois points

 

  1. Eradiquer les ajouts d’eau

Les ajouts d’eau sur le chantier sont interdits par le 5.3.2 du DTU 21 « En raison de ses effets particulièrement nocifs sur le béton, notamment sa résistance, son retrait et sa porosité et par voie de conséquence sur sa fissuration et sur sa durabilité, tout ajout d'eau après fabrication et avant mise en place est strictement interdit, sauf justification particulière », se pratiquent de moins en moins.

 

Une campagne récente intitulée “Ajout d’eau – non merci” rappelle l’effet nocif en termes de résistance de tout ajout d’eau non prévu. Un béton d’une résistance initiale de 30MPa nécessite 170 litres d’eau. Un ajout de 20 % d’eau, soit de 30 litres d’eau/m3, fait chuter la résistance de 9 MPa. Au final, ce béton aura une résistance de 21 MPa !

 

  1. Veiller à la qualité de la vibration

Eradiquer les ajouts d’eau sur chantier n’est pas suffisant vis-à-vis de la mise en œuvre. En effet, il ne faut pas négliger la qualité de la vibration, sauf pour les BAP, lesquels n’ont pas besoin d’être vibrés.

 

  1. Systématiser la cure des dalles et des dallages… et des voiles

La cure des surfaces horizontales est une obligation. Il ne faut pas ­oublier que la cure doit être réalisée dès la fin de la mise en place du béton. Concernant la cure des bétons banchés,  il est important que le béton ait acquis suffisamment de résistance avant l’opération de décoffrage, notamment en période froide.

 

Pour résumer, si le béton à “0 fissure” n’existe pas, l’entrepreneur peut néanmoins maitriser la fissuration au jeune âge, notamment en choisissant le béton le plus approprié à l’environnement dans lequel il va évoluer et en veillant à une mise en œuvre bannissant les ajouts d’eau.

 

 

Pour en savoir plus

 

 

 

Source : batirama.com / H. Koenig

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