La Fenêtre bois est-elle une menuiserie « durable » ?

La fenêtre bois peut-elle être considérée comme une menuiserie durable ? Pas facile à répondre, au regard de son analyse de cycle de vie. Mais les pratiques évoluent en termes de recyclage.

Comment définir le terme « durable » pour un produit de la construction et notamment une menuiserie bois ? Un webinaire organisé par la profession (CNDB, Codifab, UMF, Capeb et UMB FFB) a fait le point.

 

La méthode consiste à étudier l’Analyse de cycle (ACV) de vie des produits, en l’occurrence des menuiseries. L’ACV considère en effet l’impact du produit en question tout au long de son cycle de vie, de sa production en passant par sa mise en oeuvre, sa vie en oeuvre et sa fin de vie (recyclage, valorisation)
 

En France, les résultats de l’ACV se retrouvent dans les fiches FDES (Fiches de déclaration environnementale et sanitaire), que l’on peut consulter sur la base Inies. Précisons que ces fiches FDES sont établies sous la responsabilité du fabricant ou d’un syndicat professionnel et sont validées par un vérificateur indépendant.

 

En cas de d’absence de FDES, le ministère de la Transition Ecologique peut produire des fiches collectives par défaut. Mais dans ce cas, elles s’avèrent pénalisantes.

 

Bien regarder le module D portant sur la recyclabilité des fenêtres

 

Sur 62 FDES relatives aux fenêtres et porte-fenêtres* consultables à ce jour sur le site Inies, 11 concernent le bois, et 16 le bois aluminium. Parmi celles-ci, la profession (Codifab), en a produit 4 pour le bois et 4 pour le bois-alu.

 

Les industriels eux-mêmes en ont réalisé respectivement 3 pour le bois et 8 pour le bois -alu et le ministère de la Transition écologique, le restant, soit 4 pour le bois et 4 pour le bois-alu. La FDES composée de 26 indicateurs permet notamment d’apprécier l’impact environnemental d’un produit (exprimé en kg équivalent de CO2). A noter que la RE2020 s’intéresse essentiellement à cet indice carbone.

 

Ainsi, les 16 étapes de la vie du produit, sont agrégées en 4 modules (extraction-production, mise en oeuvre, vie en oeuvre et fin de vie du produit). « Ce qui permet de regarder le bilan total du cycle de vie, sans oublier le module D, relatif à la recyclabilité des produits » souligne Damien Dufour, ingénieur CNAM chez Esteana.

 

Entre 50 et 150 Kg eqCO2 pour la menuiserie

 

Evaluées entre 50 et 150 kg eq CO2, selon l’expérience E+C- (initiée avant la mise en oeuvre de la RE2020), les façades et menuiseries extérieures, comptent pour 2 à 10 % de l’impact environnemental d’un bâtiment complet.

 

A ce titre, les menuiseries présentent de grandes différences selon leurs types (bois, acier, aluminium, PVC). « Et le bois et le bois-alu tirent plutôt leur épingle du jeu » reprend Damien Dufour.

 

Selon l’ingénieur, et concernant ces menuiseries bois et bois-alu, on estime que 60 à 70 % de l’impact environnemental est dû à l’extraction des matières premières et à sa fabrication, contre 80 % pour les menuiseries alu et PVC. Dans le détail, le vitrage contribue à hauteur de 60 % de cet impact et le bois, seulement 10 %.

 

« En réalité, 5 facteurs essentiels jouent un rôle sur l’impact environnemental d’une menuiserie, reprend Damien Dufour : la dimension de la menuiserie (plus de masse engendre plus d’impact), le type de vitrage (double ou triple, en sachant que le verre n’est pas encore recyclé), l’origine du bois (exotique ou pas car le transport est pénalisant, certification indispensable), et l’entretien de la menuiserie (protection du bois nécessaire en phase de vie).

 

Quant à la fin de vie de la menuiserie bois, le scénario actuel montre que 50 % va en incinération et 50 % en enfouissement. « Il n’y a pas de généralisation de démantèlement des menuiseries sauf si la REP (Responsabilité élargie du producteur) amène de nouvelles procédures qui changeront les choses » insiste l’ingénieur.

 

    

Une nouvelle possibilité de vie pour les menuiseries bois

 

Rachel Jozefowicz, codirectrice de l’atelier R-are, a présenté une solution de valorisation des fenêtres bois en fin de vie, dans le cadre d’une mission d’insertion.

 

C’est avec l’association Emmaüs que le projet a pu naître après quelques années d’études, en Seine Saint-Denis (93). Constat de départ : 5 à 6 millions de fenêtres bois sont enfouies ou incinérées chaque année en France. Or, il existe peu de filières de recyclage alors que paradoxalement, la fenêtre est composée de matériaux recyclables (bois, vitrage).

 

A l’issue d’un chantier d’insertion et de quelques années de recherche menées au sein de l’association Emmaüs, une solution créative a pu émerger pour valoriser les produits en fin de vie (6 salariés en insertion aujourd’hui). Le principe : produire en petite série et sur mesure des produits bois à valeur ajoutée, dans une démarche d’écoconception.

 

Diagnostic, collecte des fenêtres, démantelement et transformation

 

Au préalable, un diagnostic sur site mené avec des bureaux d’études permet d’identifier les produits réutilisables. Il faut en effet pouvoir « traiter » les menuiseries recouvertes de peinture au plomb ou pourvues de joints amiante. Mais aussi savoir comment optimiser le produit en fonction des essences utilisées. « Le moabi peut, par exemple, être réutilisé en mobilier de jardin ou en aménagements extérieurs » précise Rachel Jozefowicz qui ajoute : « En revanche, les bois rares traités à cœur sont éliminés ».

 

La seconde étape consiste à collecter les produits stockés sur palette (et amenés sur site à l’atelier par les maitres d’ouvrages, ou les menuisiers, dans le cadre de partenariats mis en place). C’est alors que le démantèlement des menuiseries peut démarrer pour recycler ou réutiliser les produits en fin de vie dans le cadre des opérations de refaçonnage (3e étape).

 

 

Réalisation©Atelier R-are

 

Un atelier partagé à Romainville pour transformer les fenêtres

 

Un atelier partagé à Romainville, « Construire solidaire » a été équipé d’outils pour pouvoir transformer les fenêtres. Et un menuisier formateur en interne forme les personnes en préqualification, en fonction des projets.

 

L’atelier R-are qui a bénéficié du soutien de l’Ademe, de la région Ile-de-France au sein de l’association Emmaüs a fait une étude technico économique pour peaufiner son projet. Aujourd’hui, son modèle économique repose sur les subventions (à hauteur de 50 % dans le cadre de la mission d’insertion) à part égale avec la vente de nouveaux produits fabriqués (donc 50 %).

 

Quant aux produits fabriqués, ils dépendent de la matière récupérée. Cela peut aller de la jardinière à la table de chevet, tabouret, ou tables d’écoles, en passant par les étagères ou des abris-poubelles. Les salariés ont même réalisé un très beau parquet en joint debout ainsi que des garde-corps dans le cadre de la Ferme du Rail à Paris. Un travail réalisé projet par projet, sans massification et qui aboutit à des créations à véritable valeur ajoutée. 

 

*Alu, acier, bois, bois alu et PVC

 


Source : batirama.com/ Fabienne Leroy

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