Charpente de Notre Dame : l’interview de Jean-Laurent Arnaudin, architecte expert chez Saretec

La reconstruction de Notre Dame engendre des défis techniques et architecturaux. La maquette numérique contribue à améliorer l?expertise en cas de sinistre, selon Jean-Laurent Arnaudin.

Légende : Les Compagnons du Devoir ont présenté les maquettes de la charpente médiévale, disparue lors de l'incendie du 15 avril 2019, à l'occasion du Forum Bois Construction qui s’est déroulé du 14 au 18 juillet au Grand Palais éphémère à Paris.

 

Actuellement en formation de spécialisation en patrimoine architectural et urbain à la Cité de l’Architecture et du patrimoine au Palais de Chaillot, Jean-Laurent Arnaudin, expert chez Saretec (1) a suivi le récent Forum Bois Construction au cours duquel les Compagnons du Devoir du Tour de France ont présenté la maquette de la charpente de Notre-Dame de Paris. Une occasion pour lui de revenir sur le rôle des experts en construction et sur les nouveaux moyens à disposition.

 

 

Jean-Laurent Arnaudin, architecte et expert chez Saretec

 

Batirama : Que nous apprend un chantier de reconstruction comme celui de Notre-Dame de Paris ?

 

Jean-Laurent Arnaudin : Ce chantier nous conduit à apprécier la communication transverse entre les métiers sur un ouvrage aussi complexes. Qu’il s’agisse des sources remontant au XIIIe siècle ou des documents laissés par Viollet-le-Duc après son intervention en 1857, la transmission des savoirs nous apprend les contraintes des constructeurs et leurs pratiques traditionnelles. Et à travers l’événement de l’incendie de la charpente de l’édifice, on est face à la pertinence de l’équilibre de l’ensemble des éléments de la construction, charpentes, parois verticales et voûtes.

 

Évidemment, pour conserver son statut de monument historique, Notre-Dame doit retrouver son dernier état connu. Tous les services de l’État présents sur ce dossier – CNRS, Laboratoire de recherche des monuments historiques, les architectes en chef, les conservateurs… – ont appris la spécificité du travail des charpentiers, la rigueur des assemblages et, surtout, le rôle que joue la charpente par son poids sur la structure.

 

En quoi le suivi de cette reconstruction permet de renforcer l’expertise ?

 

J-L. A. : Cet équilibre des charges dans les bâtiments anciens est un sujet important. On rencontre parfois des dégradations de clochers qui tiennent à l’installation d’une antenne dont la charge a été mal répartie. Et plus largement, on sort du cadre classique de la construction neuve et de la réhabilitation d’ouvrages anciens. Ce qui oblige à vérifier les états successifs afin de déterminer la meilleure solution de reprise de construction. C’est le champ d’intervention de l’expert qui développera les explications techniques d’intervention à communiquer aux intervenants et aux assureurs.

 

Quelles sont les méthodes les plus efficientes à retenir pour conserver son patrimoine historique ?

 

J-L. A. : La vérification et l’entretien périodique, avec des interventions ponctuelles et cohérentes avec la structure de l’ouvrage, constituent les règles de base. Cela semble évident : mieux vaut intervenir tous les ans ou tous les cinq ans que tous les quarante ans. Une chute de pierre de l’édifice, un gonflement d’enduit, une infiltration… tous ces événements sont des signes à prendre en compte rapidement. Le problème pour des responsables de bâtiments patrimoniaux est d’avoir des ressources sur place : services de l’État, architectes des monuments historiques…

 

Quand et comment intervenez-vous ?

 

J-L.A. : Nous intervenons généralement après un sinistre. Et il faut bien retenir que 80 % d’entre eux sont liés à l’eau. Ils se manifestent en cas de défaut d’entretien, de mauvais entretien ou de malfaçon de construction. Pour expertiser les sites, nous avons besoin de sources d’informations, de recherches documentaires, d’archives qu’il faut vérifier et rapprocher de la réalité de terrain.

 

À ce sujet, la numérisation de la construction améliore considérablement le travail. Nous intervenons sur toutes sortes de sites – immobiliers, industriels, agricoles –, et le développement de la maquette numérique, du BIM, permet la lecture du jumeau virtuel et la comparaison avec l’existant.

 

Cette réalité augmentée est un outil de plus en plus répandu, et elle permet de déterminer rapidement les causes d’un sinistre. Si ces fichiers en 3D font défaut, nous pouvons aussi procéder à un scan des ouvrages : ils permettent par exemple de mettre en évidence des déformations de sol, invisibles à l’œil nu. Outre leur précision, ils procurent un gain de temps très important.

 

 

(1) Crée en 1977, le groupe Saretec compte 1 600 collaborateurs dont 750 experts et accompagne les assureurs, courtiers, entreprises et collectivités. Il intervient dans tous les secteurs d’activités en proposant une large gamme de services, allant de la prévention de risques à la gestion de risques industrielles. Présents sur le territoire avec 90 agences, et à l’international, Saretec a doublé de taille en 10 ans et traite plus de 300 000 missions chaque année. saretec.fr 



Source : batirama.com/ B. Reinteau

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