Performances énergétiques des logements : la RE2020 moins exigeante que la RT2012

La publication des textes de la RE2020 pour enquête publique a permis de calculer les exigences de performances notamment énergétiques. Verdict: la RE2020 serait plutôt en retrait par rapport à la RT2012.

Le nombre d’indicateurs de la RE2020 a connu une forte inflation par rapport à la RT2012. Le projet d’arrêté sur les exigences de performances énergétiques et environnementales, – qui compte tout de même 49 pages, 52 articles et 12 annexes - mis en ligne pour l’enquête publique, en liste pas moins de 9 dans ses articles 6 à 8 :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi ces 9 indicateurs, seuls 6 d’entre-eux – Bbio, Cep,nr, Cep, Icénergie, Iccomposants et DH – doivent être inférieurs à des valeurs maximales pour que le bâtiment soit réglementaire. Les trois autres – Icbâtiment, StockC et UDD – ne sont qu’indicatifs, pour l’instant.

 

Deux indicateurs de la RE2020 déjà pris en compte dans la RT2012

 

Parmi ces 9 indicateurs, seuls deux – Bbio et Cep – existaient déjà dans la RT2012 et traduisent la performance énergétique exigée du bâtiment. Le Bbio exprime la performance de l’enveloppe. Le Cep ajoute l’efficacité des systèmes techniques installés dans cette enveloppe pour calculer la consommation d’énergie conventionnelle  : éclairage, chauffage, rafraîchissement, production d'eau chaude sanitaire, mobilité des occupants interne au bâtiment dans le cas du collectif et du tertiaire, auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d'eau chaude sanitaire et de ventilation.

 

Par conséquent, il est possible de comparer leurs valeurs maximales – les plafonds qu’il ne faut pas dépasser pour que le bâtiment soit réglementaire - en RT2012 et en RE2020, telles qu’elles ressortent des textes mis à l’enquête publique. Il faut naturellement prendre de nombreuses précautions pour cet exercice.

 

En effet, plusieurs points importants ont changé entre la RT2012 et RE2020.

 

Evolution des fichiers météo et nouveaux besoins de rafraîchissement dans la RE2020

 

Premièrement, le Bbio et le Cep de la RE2020 contiennent les besoins de rafraîchissement. Ce qui n’était pas le cas en RT2012 et, mécaniquement, augmente les valeurs de Bbio et de Cep obtenues en RE2020. Le calcul de la surface utilisée en RT et en RE a évolué : ce ne sont plus les mêmes m².

 

Les fichiers météo ont évolué aussi et tiennent compte du climat moyen à venir, plutôt que de la moyenne du climat passé. En RE2020, le Cep englobe, pour le collectif et le tertiaire, les consommations de mobilité interne qui n’existaient pas en RT2012. Bref, le Bbio et le Cep RE2020 contiennent plus de choses que leurs prédécesseurs en RT2012.

 

L’exercice de comparaison du Bbio et du Cep entre la RT2012 et la RE2020 est donc périlleux. Il est tout de même nécessaire. Pour le mener à bien, il faudrait avec un même bâtiment, réaliser l’étude RT2012 et l’étude RE2020, dans différentes zones climatiques, pour différentes altitudes, … Et renouveler l’exercice pour différents types de bâtiment : maison individuelle, immeuble de logements collectifs, etc.

 

Nous ne disposons pas encore des logiciels de calcul RE2020 certifiés. Ils ne seront accessibles qu’après la publication définitive des textes et de la méthode RE2020, fin mai ou début juin. En attendant, il est possible d’effectuer quelques simulations en partant des versions du moteurs de calcul disponibles aujourd’hui et au prix de quelques hypothèses contraignantes.

 

Comparaison du Bbio et du Cep dans la RT2012 et la RE2020

 

La formule du Bbio_max dans la RE2020 est :

 

Bbio_max = Bbio_maxmoyen x (Mbgéo + Mbcombles + Mbsurf + Mbbruit). Dans le cas de la RT2012, il était parfaitement possible d’entrer la formule de calcul du Bbio-max et de la calculer. Ce n’est plus possible avec la RE2020, puisque la nouvelle formule de calcul contient des données issues du moteur de calcul RE2020 lui-même.

 

Prenons les différents termes, les uns après les autres. Pour le Bio_maxmoyen, c’est facile. Comme l’indique l’Annexe IV, page 37, du projet d’arrêté « exigences » publié en consultation publique, le Bbio_max_moyen vaut 63 pour les maisons individuelles ou accolées et 65 points dans le cas des logements collectifs. Notons au passage que la distorsion en faveur d’une surconsommation en logement collectif est toujours présente. Ensuite, les valeurs pour les bureaux et les locaux d’enseignement ne sont pas encore publiées. Tout notre exercice ne peut donc porter que sur les maisons individuelles et le logement collectif.

 

Un exercice appliqué aux maisons individuelles et logements collectifs

 

Le coefficient Mbgéo est classique, tient compte de la zone climatique et de l’altitude, et varie, pour les maisons individuelles, de 0,9 à moins de 400 m d’altitude en zone H3 à 1,85 à plus de 800 m d’altitude en zone H1b. Il apparait tout de même une petite incohérence. Ce coefficient, pour une zone climatique donnée augmente toujours avec l’altitude, sauf en zone H2C où il est de 1,5 entre 400 et 800 m d’altitude, mais baisse à 1,35 au-delà de 800 m. Sans doute une erreur d’écriture dans le document mis en consultation.

 

Pour les immeubles collectifs, Mbgéo affiche des valeurs de 0,85 (< 400 m, zone H2c) à 1,85 (> 800 m, zone H1b). Sans que l’on remarque d’incohérence dans la zone H2C. La simulation qui suit n’a porté que sur une altitude inférieure à 400 m.

 

Le coefficient Mbcombles, destiné à tenir compte de la présence de combles aménagés, requiert des valeurs issues du moteur de calcul : la surface de référence Sref et la surface de combles aménagée dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,8 m. La formule de calcul de Mbcombles est identique en maison individuelle et en collectif : Mbcombles = (Sref + 0,4xScombles)/Sref. Dans la simulation, Scombles est égale à 0 et le coefficient Mbcombles vaut donc 1.

 

Mbsurf, pour sa part, varie en maison individuelle, selon que Smoylgt (surface moyenne du logement au sens de la méthode de calcul RE2020) est > 100 m², comprise entre 100 et 150 m² ou > 150 m². En logement collectif, la méthode propose 4 tranches de Smoylgt : ≤40 m², de plus de 40 à 80 m², de plus de 80 m² à 120 m² et > 120 m². Dans la simulation, Smoylgt varie de 100 à 200 m² en maison individuelle et vaut systématiquement 50 m² en collectif avec 5 à 80 logements par bâtiment.

 

Mbbruit dépend des zones de bruit, Br1, Br2 et Br3, qui sont des zones conceptuelles à établir pour chaque projet, plutôt que des zones géographiques au sens des zones climatiques, par exemple. Pour la maison individuelle, Mbbruit vaut 1 partout, sauf pour des zones Br2 ou Br3 situées en zone climatique H2d ou H3 où il vaut alors 1,1. Pour le logement collectif, Mbbruit vaut 1, sauf en exposition Br2 et Br3où il vaut 1,1 en zones H1c et H2c, 1,2 en zones H2d et H3.

 

Le calcul du Cep_max est décrit dans la Partie III de l’Annexe IV, des pages 39 à 41, à parti de la formule indiquée page 7, Article 13 : Cep_max = Cep_maxmoyen x (Mcgéo + Mccombles + Mcsurf + Mcbruit). Le même article 13 indique aussi les formules de calcul pour le Cep,nr_max (= Cep,nr_maxmoyen x (Mcgéo + Mccombles + Mcsurf + Mccat)), ainsi que pour Icénergie (= Icénergie_maxmoyen x (Mcgéo + Mccombles + Mcsurf + Mcbruit)).

 

Les coefficients de pondération sont connus, sauf le nouveau Mccat qui est un « coefficient de modulation selon la catégorie de contraintes extérieures du bâtiment ». Mais, surprise, Mccat n’est pas autrement précisé, on ne connaît pas sa valeur. Une recherche dans le texte du projet d’arrêté exigences ne donne que deux occurrences de « Mccat » : sa présence dans la formule de calcul du Cep,nr_max et en tête de la définition ci-dessus. Rien dans l’Annexe IV qui contient pourtant les définitions et modes de calcul de tous les autres coefficients de modulation. Evidemment, ça ne facilite pas la comparaison entre le Cep RT2012 et le Cep RE2020. Nous nous limitons donc à une comparaison entre les indicateurs Bbio.

 

Les tableaux publiés ci-dessous sont des indications plus que des valeurs à prendre au pied de la lettre. Ils invitent au débat, mais indiquent tout de même une direction : la RE2020, du point de vue de la performance énergétique n’est pas très exigeante.

 

 

Voici le calcul des plafonds de Bbio_max pour les maisons individuelles selon la RE2020. En haut, la surface de la maison, à gauche les zones climatiques. Au milieu, les diverses valeurs de Bbiomax obtenues.

Ce premier tableau doit être rapproché du second ci-dessous, qui montre l’écart, par zone climatique et par surface de maison individuelle, entre le Bbio-max RT2012 et le Bbio_max RE2020. Toutes les cases comportant des valeurs positives indiquent que, pour ce cas précis de zone climatique et de surface de maison, le Bbio_max RE2020 est supérieur au Bbio_max RT2012. Au contraire, toutes les cases à valeurs négatives traduisent un Bbio_max plus exigeant en RE2020 qu’en RT2012.

Ce tableau comporte 128 cases, mais seulement 4 à valeurs négatives. @Clément Jaffrelo

 

Même exercice pour le logement collectif : calcul des valeurs du Bbio-max selon la RE2020. La surface moyenne des logements est toujours 50 m². La ligne du haut indique le nombre de logements dans le bâtiment.

 

Cette fois-ci, le tableau du bas, dont les valeurs sont pourtant calculées par rapport à la formule de la RT2012 avec la dérogation à 57,5 kWhEP/m², toujours en vigueur pour les logements collectifs, par rapport aux 50 kWhEP/m² en maison individuelle, ne montre aucune valeur négative : le Bbio-max en logements collectifs selon la RE2020 est toujours supérieur à celui que l’on calcule en RT2012. Les écarts les plus importants apparaissent pour les petits bâtiments (5 logements). @Clément Jaffrelo

 

 

Objectif de la RE2020 : décarboner plutôt que consommer moins d’énergie

 

Si la direction indiquée par les tableaux ci-dessus est vérifiée, tous ceux qui se plaignaient de la folle exigence d’un Bbio-30% en RE2020 par rapport à la RT2012 peuvent être rassurés : nous en sommes très loin. L’effet de la RE2020 est ailleurs.

 

Si on comprend bien les textes et les résultats de ces premières simulations, la RE2020 serait avant tout un effort de décarbonation des bâtiments. Mais du point de vue de sa méthode, elle tourne le dos à ce qu’entreprend tout le reste de l’Europe : d’abord réduire les consommations d’énergie autant que possible, ensuite décarboner en demandant aux ENR de satisfaire le reliquat des besoins énergétiques des bâtiments.

 

A travers les textes RE2020 mis à l’enquête publique, il semble que le parti pris soit principalement de décarboner d’abord, notamment à travers les indicateurs sur le contenu carbone des matériaux et des énergies consommées, tout en autorisant des niveaux de consommation d’énergie relativement importants.

 

La réduction de 2,58 à 2,3 du coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire, ainsi que la baisse drastique du contenu carbone du kWh d’électricité consommé pour le chauffage – il a été divisé par 2,3 pour atteindre désormais 79 gCO2/kWh – soutiennent puissamment la cause de l’électricité.

 

Ce qui va aboutir à une modification du mix énergétique, des systèmes constructifs, des équipements de chauffage et de production d’ECS utilisés en construction neuve. Il reste 4 énergies « utiles » dans la RE2020 : l’électricité, les granulés de bois le solaire thermique pour le chauffage, pas pour l’eau chaude sanitaire, et les réseaux de chaleur qui bénéficient d’un répit.

 

Exclusion du gaz et coup de pouce à l’électricité avec la nouvelle réglementation

 

Cette nouvelle méthode aboutit à l’exclusion du gaz à compter de 2025, à la disparition des chauffe-eau thermodynamiques, à la condamnation du solaire thermique utilisé en CESI (chauffe-eau solaire individuel) pour la production d’eau chaude selon Uniclima et Enerplan, au développement des pompes à chaleur et du raccordement aux réseaux de chaleur, etc. Côté structure, cette méthode, sous réserve de calculs plus précis qui restent à accomplir, favorise la structure bois sous toutes ses formes et pèse sur les autres solutions.

 

Au bout du compte, la performance du bâti traduite par le Bbio baisse peu, voire même augmente dans de nombreux cas. Les puissances nécessaires pour compenser les déperditions en chauffage demeurent donc relativement importantes. Est-ce vraiment le bon choix ?

 

Il faut attendre la publication des textes définitifs, puis ceux portant sur le tertiaire, pour avoir le fin mot de l’histoire. A moins, peut-être, que le label complémentaire développé par le Plan Bâtiment Durable soit chargé de réduire les consommations en construction neuve, pour les Maîtres d’Ouvrage volontaires qui souhaiteront l’adopter.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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