Brevet : un dormant structurel pour réveiller la construction bois

L?épidémie invite aussi à réfléchir, comme le fait Bernard Bruno de Green Window, qui vient de déposer un brevet confortant le matériau bois comme standard constructif de demain.

1-Bruno/ Bernard Bruno repense la fenêtre bois© JT

 

Il faut remonter quelques siècles en arrière pour voir apparaître la distinction entre le métier de la charpente et celui de la « menue huisserie » devenue menuiserie. Lorsque la construction bois a re-émergé dans le courant du 20e siècle, le modèle maçonné imposait la séparation entre gros-œuvre et second-œuvre, parois et fenêtres.

 

Pourtant, l’évolution de la préfabrication a conduit à intégrer de plus en plus couramment les baies dans les murs préfabriqués finis. Des réflexions diverses ont été menées pour assurer l’étanchéité à l’air relativement complexe au droit des baies.

 

Mais, jusqu’à présent, la fenêtre pré-intégrée aux parois en ossature bois ou en panneaux CLT a toujours été envisagée comme un bouche-trou conduisant le plus souvent à colmater les joints avec des solutions non durables en termes de garantie de l’étanchéité à l’air.

 

Dans le même esprit, les constructeurs bois ont pris l’habitude de proposer des fenêtres en PVC en complément de leurs structures en bois. Cette situation n’est pas spécifique à la France, mais dans notre cas, il apparaît que la construction bois ne parvient pas à décoller et reste une niche, alors que l’approche biosourcée est indispensable pour atteindre la neutralité carbone de la construction.

L’option du dormant structurel en ossature bois© Green Window

 

Les solutions ingénieuses de Green Window

 

Bernard Bruno n’a pas attendu l’épidémie pour penser la fenêtre de façon différente. Longtemps menuisier aluminium, il a fondé Green Window pour mettre notamment les solutions d’ouvrant bois caché à la portée de menuisiers locaux, repensant par la même occasion le concept même de la fenêtre bois-alu.

 

Au lieu de capoter une fenêtre bois avec de l’aluminium sur le côté extérieur, Green Window réserve l’aluminium au dormant qui vient couvrir et protéger l’ouvrant en bois en position fermée.

 

A partir de cette approche, Green Window a développé toute une gamme de solutions ingénieuses qui peinent pourtant à freiner le glissement du métier de menuisier vers la vente et la pose. Du moins, jusqu’au jour où Bernard Bruno a compris que le constructeur bois reste bien, lui, un fabricateur.

 

 

 

L’option du dormant structurel en panneau CLT ©Green Window

 

Construction bois et transfert de valeur ajoutée

 

A vrai dire, même les constructeurs bois sont en passe de suivre la même trajectoire que les menuisiers, notamment par suite de l’émergence des panneaux en CLT. Alors que l’ossature bois est en général préfabriquée par les constructeurs en atelier, les constructions en CLT sont usinées chez l’industriel et le constructeur se contente ensuite de les mettre en œuvre.

 

Rares sont en effet les constructeurs bois qui disposent de portails à commande numérique leur permettant d’usiner correctement et avec une grande précision des panneaux très lourds et encombrants.

 

Si le CLT progresse partout dans le monde, il est tout de même confronté aux limites de son approche technique : les panneaux peuvent être usinés au millimètre mais l’incorporation par l’industriel des baies, de l’isolation thermique, des doublages intérieurs et de l’habillage extérieur ne sont pas à l’ordre du jour.

 

D’un côté, cela préserve une part de fabrication chez le constructeur, qui reste au moins un assembleur. Mais cela entraîne des ruptures de charge et des circuits de production complexes peu efficients. Ce qui explique aussi pourquoi l’ossature bois maintient assez bien ses parts de marché en France face au CLT.

 

 

La logique constructive du choix du bois en construction bois© JT

 

L’idée lumineuse du dormant structurel

 

L’un des intérêts de l’approche de Bernard Bruno, c’est qu’il dépasse cette confrontation entre l’ossature et le CLT. Pour lui, les deux approches ont un point commun évident : la structure de la paroi est en bois massif.

 

Fort de ce constat, il s’est demandé pourquoi on n’utilise pas ce cadre comme dormant de la fenêtre. Dans le cas de l’ossature, il suffirait de remplacer la montant habituel par un montant trois plis et de l’usiner à l’aide d’une moulurière.

 

Quant aux panneaux en CLT, il suffirait d’usiner le champ grâce à des portails à commande numérique performants. Les avantages de ces deux options sont évidents en termes d’étanchéité à l’air, le performance AEV. Par contre, l’approche proposée par Bernard Bruno remet en cause la chaîne de valeur habituelle.

 

 

Dans son concept, Bernard Bruno propose de traiter l’habillage/étanchéité/protection comme un cadre dormant de menuiserie alu en profils filés qui aura l'avantage d'être rigide, étanche et facile à poser.©Green Window

 

Oser le mur fini

 

Il y a une dizaine d’années, après les pèlerinages fondateurs dans le Vorarlberg, les constructeurs bois français sont allés faire un tour en Allemagne pour constater l’avance des préfabricateurs outre-Rhin. Ils ont pris peur, mais heureusement, le dispositif réglementaire et assurantiel français a largement dissuadé les constructeurs allemands qui ont eu suffisamment à faire chez eux pour consolider leurs parts de marché.

 

En France, on en est souvent resté à la préfabrication d’éléments d’ossature ouverts, contreventés par l’extérieur en dépit du bon sens, et offrant une stricte répartition des tâches entre le charpentier et le plaquiste.

 

La crise tardive de la construction bois, au milieu de la dernière décennie, a confronté ce marché à un danger existentiel, conjugué avec la contraction très forte du marché de la maison individuelle. Finalement, le marché de la construction s’est redressé, entraînant dans son sillage la construction bois plus ou moins exsangue et pas vraiment en mesure de partir sur de nouvelles bases.

 

Depuis deux ans, cependant, l’urgence climatique et un environnement conjoncturel plutôt favorable ont donné des ailes aux constructeurs bois, engagés dans une phase de croissance équivalente à celle de la première décennie du siècle. Si ce n’est que l’épidémie est en train de remettre tout à plat.

 

On a beau se dire que cette catastrophe sanitaire n’est qu’un délicat prélude aux cataclysmes que va engendrer le choc climatique, et que les objectifs de neutralité carbone à court terme n’en sont que plus vitaux : la récession annoncée va appauvrir tout le monde, bien davantage que la crise de l’euro consécutive à la crise financière, et la question de l’efficience économique se posera avec insistance.

 

Depuis dix ans, la construction bois stagne car elle ne parvient pas à être compétitive face à la maçonnerie traditionnelle, quoi qu’on dise. Demain, ce sera encore pire. A moins d’aborder la situation actuelle de façon disruptive, comme le suggère Bernard Bruno.

 

La filière déjà mobilisée

 

Avec le dormant structurel, le constructeur bois se met en mesure de livrer le mur fini et le clos-couvert, dans une approche très bas carbone et techniquement sécurisée. La première étape, en cours, est la validation technique des solutions imaginées par Bernard Bruno.

 

Des tests d’usinage de panneaux en CLT ont déjà été menés par un industriel français du CLT, et des essais d’usinage des montants d’ossature bois par un industriel de la fenêtre bois dans les Vosges. Il faudra passer par la réalisation de chantiers test avec leur lots inévitables d’enseignements.

 

Sans oublier cependant qu’une nouvelle fois, la France tient ici un avantage concurrentiel international mais que le contexte économique ne nous permet pas de le gaspiller. Il faut de l’audace et encore de l’audace, afin de mener ainsi à son terme la démarche industrielle de préfabrication du mur fini en bois, avec baies intégrées.

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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