Les loueurs rappellent que le Covid-19 n’est pas un cas de force majeure

Selon la fédération DLR, les demandes de suspension, voire de résiliation, des contrats de location ne peuvent être actées sous le motif du cas de force majeure. Elle préconise de trouver des accords équilibrés.

Pas question de se prévaloir du cas de force majeure avec le Covid 19, rappelle la fédération DLR (distributeurs, loueurs, réparateurs) dans un long communiqué. Les loueurs sont en effet confrontés à de nombreuses demandes de suspension, résiliation, reports de contrat de location et de paiement de loyers de leurs clients.

 

Or, selon la fédération DLR, aucun arrêté, aucune ordonnance n’a interdit la poursuite des chantiers de travaux publics… Ce qui exclut le cas de force majeure sur de nombreux chantiers en cours, selon les loueurs qui détaillent leurs arguments.

 

La fédération DLR interrogée souligne que dans le secteur du BTP, il y a trois types de contrats : les contrats de courte durée, de moyenne durée (à partir de plus deux mois de location) et de longue durée (de 10 à 12 mois de location voire plus). « Ce sont ces deux derniers types de contrats qui sont au cœur du problème aujourd’hui » relève Joël Fruchart, président de la commission location de la DLR.

 

Entre 70 et 100 % de demandes d'annulations, reports ou suspensions de contrats de location

 

Selon un panel de loueurs interrogés par la DLR, sur un chiffre de 100, les contrats de moyenne et longue durée représentent 35 à 40 % du chiffre d’affaires. Or, ces contrats ont fait l’objet d’une forte demande d’annulations, reports ou suspensions, (entre 70 % et 100 %), précise le président de la commission location.

 

« Dans de nombreux cas, l’intelligence collective a prévalu, souligne Joël Fruchart, puisque des reports contractuels ont été proposés, à l’initiative du client éventuellement du loueur pour une durée déterminée. Ainsi, il est possible de prolonger le contrat de deux mois par exemple, sans surcoût, afin de tenir compte de la période d’inactivité de l’entreprise ». Selon le responsable, les loueurs ont pu opérer de façon intelligente avec leurs clients, dans de nombreux cas.

 

Mais il reste des irréductibles qui mettent en avant le cas de force majeure, selon la fédération DLR. Or, en aucun cas, il ne peut s’agir d’un cas de force majeure, reprend Joël Fruchart. L'intelligence veut qu’une négociation ait lieu avec les clients, et qu’un terrain d’entente puisse être trouvé.

 

Les arguments juridiques de la Fédération DLR

 

La Fédération DLR a ainsi présenté l’ensemble de ses arguments juridiques dans un communiqué. En voici un résumé :

 

L'argument du cas de force majeure n'est pas vallable puisque les entreprises, industries, artisans, entreprises de BTP devaient normalement continuer à travailler, sous réserve de respecter les mesures barrières, la Dirrecte ayant également rappelé à plusieurs reprises que l’arrêt était l’exception et non la règle.

 

Aussi, l’argument du cas de force majeure constitué par le Covid et invoqué par les entreprises à l’arrêt, en vertu de l’ordonnance du 25 mars, n’est pas valable, défend la fédération. Elle ajoute que « la question de la suspension des contrats n’est que partiellement réglée par l’ordonnance du 25 mars 2020 puisque :

 

 

 

 

« L’ordonnance ne suspend pas les contrats de location »

 

Selon la Fédération DLR, l’ordonnance ne suspend donc pas les contrats et surtout pas "tous les contrats, comme l’ont prétendu certains". Ainsi, les contrats de location de matériels, notamment de BTP, ne sont visés ni par l’ordonnance du 25 mars, ni par des ordonnances ultérieures.

 

Le ministre des Finances ayant, lors d’une allocution, précisé que l’épidémie du Covid-19 devait être considéré comme un « cas de force majeure pour les entreprises, salariés et employeurs » pour les marchés publics de l’État, les entreprises de BTP se sont prévalues de cette déclaration pour imposer à leurs loueurs de matériels la suspension des contrats de location jusqu’à la fin de la pandémie.

 

La DLR rappelle qu’il n’y a force majeure que lorsque l’évènement invoqué échappe au contrôle du débiteur, qu’il ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, « dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées » et qui « empêche l’exécution de son obligation par le débiteur » (article 1218 du Code civil).

 

Si les conditions d’extériorité et d’imprévisibilité ne font pas débat dans le cas du Coronavirus dès lors que la conclusion du contrat de location est antérieure à la survenance de l’épidémie, le caractère d’irrésistibilité est loin d’être acquis, selon l'organisation professionnelle.

 

Aucun texte n’interdit la poursuivre des chantiers de Travaux publics

 

En effet, insiste la Fédération DLR, aucun arrêté, aucune ordonnance n’a interdit la poursuite des chantiers de travaux publics, le gouvernement ayant au contraire incité les entreprises à maintenir leur activité ; la cessation d’activité est donc une décision de l’entreprise dont elle doit assumer les conséquences, notamment en termes de baisse de son chiffre d’affaires, sans les faire supporter par ses cocontractants.

 

« Si les entreprises ont pu légitimement invoquer, sur la deuxième quinzaine de mars, la nécessité d’arrêter les chantiers faute de pouvoir assurer la protection de leurs salariés en raison, notamment, d’un manque de masques, ce n’est plus le cas aujourd’hui » selon la Fédération DLR

 

Autre argument mis en avant par l'organisation professionnelle : l’entreprise n’est pas privée de la jouissance du bien qu’elle conserve, sachant que compte tenu de la fermeture de nombreuses entreprises, il est extrêmement difficile pour les loueurs de récupérer leurs matériels ; l’entreprise de BTP ne peut donc pas non plus invoquer l’exception d’inexécution.

 

Enfin, souligne le communiqué, la jurisprudence refuse d’admettre la force majeure pour justifier l’inexécution d’une obligation monétaire, considérant qu’elle est toujours possible.

 

La renégociation des contrats doit être privilégiée

 

Selon l’organisation professionnelle, les entreprises de BTP peuvent invoquer la notion d’imprévision qui permet à une partie de renégocier les contrats en raison du « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assurer le risque » (article 1195 du Code civil), sous réserve toutefois que l’application de cette disposition, qui n’est pas d’ordre public, n’ait pas été écartée dans les contrats.

 

Les loueurs recommandent surtout à chaque partie de trouver « des accords de bonne foi, des accords équilibrés et non de tenter de passer en force, comme beaucoup le font. »



Source : batirama.com / Fabienne Leroy

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