Plus de vingt ans de feuilleton judiciaire Laines Minérales contre Isolants Minces

Grâce à un raisonnement curieux, la Cour de Cassation juge en faveur d?Actis dans l'affaire qui l'oppose au syndicat des fabricants de laines minérales.

Rappel des épisodes précédents : en 1999, le FILMM, syndicat national des Fabricants d’Isolants en Laines Minérales Manufacturées, avait porté plainte contre la société Actis Isolation pour publicité comparative illicite et trompeuse entre 1995 et 2005. Actis déclarait en effet que son produit Tri-Iso-Super 9 – un isolant mince multi-couches réflecteurs – était équivalent à 20 cm de laine de verre et atteignait une valeur R = 5.

 

Second temps, le 20 septembre 2002, le Tribunal de Commerce de Versailles déboutait le Filmm de ses demandes, affirmant ne pas disposer d’éléments techniques suffisants. Qu’à cela ne tienne, dans un troisième temps le Filmm portait l’affaire devant la Cour d’Appel de Versailles qui, en juin 2004, ordonne une expertise judiciaire.

 

 

Cinq ans d’expertise

 

En Février 2009, les experts judiciaires, Christian Delsol et Gilbert Partierno, rendent leur rapport qui conclut notamment que  le Tri-Iso Super 9 n’isole pas autant ou mieux que 200 mm de laine minérale et que ces deux produits ne peuvent être considérés comme équivalents. Le 11 mars 2010, la Cour d’Appel de Versailles demande tout de même un complément d’expertise réalisé « in situ ».

 

Et hop, les experts font construire deux chalets en bois, strictement identiques, à Castanet, près d’Albi. Sous le contrôle des deux experts, le laboratoire Néotim, indépendant des deux parties, a veillé au bon déroulement technique de la construction et de la métrologie, une fois les deux chalets équipés.

 

Les deux chalets sont isolés, sol, murs et plafonds sous rampants, l’un par 200 mm de laine de verre, l’autre par du Tri-Iso Super 9. Les isolants sont protégés par des plaques de plâtre BA13 et les chalets sont chauffés par des convecteurs électriques. Une première campagne d’essais se déroule fin 2013.

 

Résultats, selon les experts judiciaires : les consommations d’électricité du chalet isolé par de la laine minérale sont largement inférieures à celles du chalet isolé par le Tri-Iso Super 9. La différence de consommation est tellement importante que les experts proposent de ne pas aller plus loin dans les tests.

 

Pourtant Actis demande deux nouvelles campagnes d’expertise, la première en échangeant les chalets, la seconde en déposant les plaques de plâtre, laissant l’isolation à nu. Ce que l’on ne fait jamais dans un logement, c’est à la fois moche et pas pratique.

 

Ces deux nouvelles campagnes de mesure, puis une troisième, sont conduites en 2014. Bref, à l’issue des quatre campagnes de mesures réalisées dans les deux charmants chalets en bois, la consommation d’électricité a été de 294,6 kWh pour les chalets équipés de laine de verre et de 691,2 kWh pour ceux équipés de Tri-Iso Super 9 : plus de 2,3 fois plus.

 

Voici l'intérieur des chalets expérimentaux , l'un isolé à l'aide de la solution Actis Isolation, l'autre à l'aide de laine de verre. ©Filmm

 

 

 

Le résultat semblait pourtant clair

 

Forts de ces résultats, les experts judiciaires rendent leur rapport en février 2015 et deux ans plus tard, la Cour d’Appel rend son verdict et déboute le Filmm . La Cour estime en effet que les conditions d’installation des isolants et l’étanchéité à l’air des bâtiments, au moment où Actis menait sa campagne de publicité, n’étaient pas vraiment réglementées, puisque la norme européenne sur l’étanchéité à l’air date de 2001 et son application n’est devenue obligatoire en France qu’en 2010.

 

Donc, disait Actis, la comparaison aurait être menée non avec une bonne étanchéité à l’air des chalets, mais selon les habitudes de pose classiques avant son introduction : pas d’écran de sous-toiture, pas de membrane pare-vapeur indépendante, ... Un malheureux mail interne à Saint-Gobain, saisi durant la procédure, soulignait que dans de telles conditions de mise en œuvre, la résistance thermique de laine de verre diminue.

 

Note à qui de droit : on n’écrit pas – pas de mail, pas de SMS - jamais, on téléphone !

 

Interprétant cette correspondance comme l’aveu d’une conspiration, Actis soulignait alors que dans ces conditions de pose « classiques », médiocres il faut bien l’avouer, les résistances thermiques des deux produits sont équivalentes. En plus, Actis soutenait que lors des deux derniers essais à Castanet, une laine minérale supérieure à 200 mm d’épaisseur avait été utilisée. Et, relève la Cour, cette charge n’a pas été vérifiée par les experts.

 

Le Filmm pas content, se pourvoit en cassation. La Cour de Cassation rend son verdict le 20 novembre 2019 et, à son tour, déboute le Filmm en reprenant pour l’essentiel les arguments de la Cour d’Appel de Versailles.

 

Que peut-on en retenir ?

 

Les tests sur site et les conclusions des experts montrent que si la pose des isolants respecte les Règles de l’Art bien établies aujourd’hui – étanchéité à l’air des bâtiments contrôlée par des écrans pare-vapeur, des écrans de sous-toiture, etc. -, la performance des laines minérales est très nettement supérieure à celle des isolants minces. Si les isolants sont mal posés, sans précautions d’étanchéité à l’air, que ce soient des isolants minces ou des laines minérales, ils isolent moins.

 

Combien moins ? Personne ne le sait, puisque que ça n’a pas été vérifié expérimentalement de manière indépendante. Mais il n’est pas question de recommander aux installateurs de faire du mauvais travail.

 

Il a fallu plus de 20 ans de procédure pour en arriver là. Entre temps, le Tri-Iso Super 9 d’Actis n’est plus fabriqué et n’est plus commercialisé aujourd’hui. L’entreprise est passée au Triso Super 12 et a changé la tonalité de sa publicité. Le Filmm, de con côté, jette l’éponge et arrête ses poursuites.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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