De la construction à la sculpture bois… grâce à la tronçonneuse

Le sculpteur Ludovik Bost enseigne la construction bois aux élèves architectes et fait partie, comme Timothée Musset ou Martin Monchicourt, de ces spécialistes qui deviennent des artistes du bois?

Le bois n’est pas le seul matériau de construction qui inspire des artistes. Le béton a par exemple fait l’objet d’une véritable mode ces dernières années. Sculpter le bois semble en comparaison une pratique convenue.

 

Même la sculpture à la tronçonneuse fait en France l’objet de compétitions régulières. Enseignant à l’ENSA de Paris-Belleville où il coordonne l’imposant atelier bois, la pratique de Ludovik Bost intrigue dans le sens où son activité artistique s’est toujours développée en parallèle de son activité professionnelle de pédagogue de la construction bois.

 

 

Ludovik Bost : « un bout de bois est souvent déjà une sculpture » ©JT

 

Sculpteur sur pied

 

Chez Ludovik Bost, tout a commencé en terminale F4, à une époque où il existait des terminales F4. Orientation Bâtiment. Spécialisation béton. Coffrages, avec un professeur de menuiserie. Cela a dû réveiller en lui des gênes de son grand-père ébéniste du dimanche, qui fabriquait ses propres meubles.

 

Ludovik Bost entame dans la foulée son cursus en zigzag entre l’art et le Bâtiment, dont le seul point de repère est finalement le matériau bois. Il fait les beaux-arts tout en essayant en vain d’obtenir un CAP de menuiserie en candidat libre. Il poursuit ses études par l’architecture, à l’ENSA de Belleville. Puis ce sera l’ENSTIB, la mise en place de cycles de formation au CNDB et parallèlement quelques projets d’extension-surélévation. Mais à ce moment il est en fait déjà sculpteur.

 

Cette passion a commencé avec des pendules associées à des objets, par exemple des vinyles bien choisis. A force de manier le bois, des sculptures toutes petites se sont multipliées, des sortes de petits totems dressés, qui l’amènent déjà à exposer à St Ouen durant les années 90.

 

En 2004, il remarque qu’un arbre d’alignement a été coupé très haut, se fait prêter une tronçonneuse et c’est le début d’une longue série de sculptures sur pied, qui se multiplie notamment dans la Drôme où il a pris racine : « Il en existe désormais une bonne vingtaine, notamment à Valence. C’est une façon de redonner une seconde vie à un arbre ».

 

Le potentiel sculptural des tronçonneuses

 

Les sculptures sur grumes sont cependant plus nombreuses, quoiqu’également concentrées fortement dans la Drôme. Progressivement, Ludovik Bost s’est rendu compte du potentiel sculptural des tronçonneuses.

 

Car sa panoplie en comprend désormais plusieurs, prenant place dans une remorque dédiée qui lui permet de dresser son chapiteau un peu partout : « La tronçonneuse est un bel outil, au même titre que la hache ou d’autres outils plus traditionnels de travail du bois. Il a aussi l’avantage ou l’inconvénient de faire du bruit et génère cet effet attraction de foire, pas vraiment artistique, mais qui attire les gens et suscite des dialogues à chaque fois que je travaille en public, comme récemment sur le parvis du Centre Prouvé de Nancy, à l’occasion du Forum International Bois Construction ».

 

Une tronçonneuse, sept façons de scier

 

L’artiste distingue au moins sept façons de scier à la tronçonneuse et l’effet est saisissant, invite au toucher de surfaces très tactiles, tandis que la transformation de la grume semble faire appel à des repères géométriques : « On établit fréquemment le rapport entre mes sculptures et l’architecture, mais il est vrai que j’étais sculpteur avant même d’être architecte ».

 

Les sculptures de Ludovik Bost ne sont pas figuratives et elles ont une griffe bien identifiable. C’est un peu le fruit d’un dialogue entre l’homme et la matière particulière qui lui est donnée. De même, les lignes souvent orthogonales creusées dans le bois comme une gravure pyrotechnique répondent à des surfaces veloutées dont on peine à croire qu’elles sont précisément le fruit d’une certaine technique de coupe à la tronçonneuse.

 

Plus récemment, l’artiste a conçu pour des sculptures un peu plus petites un éclairage intégré : « Il ne s’agit pas de luminaires mais d’une façon de mettre encore mieux en valeur et en relief la surface travaillée du bois ».

 

Totem moi non plus

 

Que fait l’homme avec le bois ? Il le tranche, le façonne, l’adapte à ses attentes souvent orthogonales en matière d’espace, mais aussi douces en termes de lumière, de reflets et de surface. Ludovik Bost ne fait rien d’autres, si ce n’est en comprimé et sur le plan symbolique.

 

C’est bien pourquoi le travail de l’artiste, malgré sa propre autonomie en tant qu’œuvre d’art, agit comme un manifeste des nouveaux « hommes des bois ». Le dialogue avec la matière organique vivante, sa mise en valeur maximale, l’intégration du bois dans l’univers humain.

 

Par bien des aspects, les sculptures de Ludovik Bost agissent comme des marqueurs de ceux qui les achètent, et comme un manifeste d’un nouveau rapport à l’arbre, qui n’est pas celui du citadin effaré par la disparition annuelle de 12 millions d’hectares de forêt, l’incitant à rejeter toute transformation comme un crime. Chez les acteurs du bois, scieurs, distributeurs, ingénieurs, architectes, artisans, enseignants, chercheurs, la mise en exergue d’une œuvre de Ludovik Bost serait comme un signe de reconnaissance d’une volonté de démarche responsable.

 

 

 

Une sculpture de Ludovik Bost dans la cour de l’ENSA de Paris-Belleville où il enseigne et dirige l’atelier bois.


Source : batirama.com / Jonas Tophoven

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