Label E+C- : quel coût d’exploitation ?

Est-ce que la performance des bâtiments se traduit vraiment par une baisse de leur coût d?exploitation ? Si ce n?est pas le cas, il sera compliqué d?investir davantage sans en voir le résultat.

La promesse implicite de la performance énergétique est simple : plus le bâtiment est performant, moins son exploitation coûte cher. La seule vertu écologique ne suffit pas pour motiver les Maîtres d’Ouvrage.

 

Pour qu’elle se généralise, la performance énergétique des bâtiments doit obligatoirement s’accompagner d’une baisse des charges. Sinon, il y aurait comme une contradiction difficilement surmontable. Il faut rémunérer la vertu, en quelque sorte.

 

Il est un peu tôt pour se prononcer à ce propos en ce qui concerne les bâtiments labelisés E+C-, même s'il est possible de citer le coût de fonctionnement d’un immeuble de bureaux E+C-. Notons que d'autres exemples de bâtiments performants existent, dont des bâtiments labellisés Passivhaus en construction neuve et en réhabilitation.

 

Enfin, d’autres types de bâtiments très performants, comme les Green Office de Bouygues Immobilier, traitent le montant des charges comme un Secret Défense.

 

 

 

Green Office construit par Bouygues Immobilier à Rueil-Malmaison est un bâtiment Bepos de 35 000 m² qui accueille 2000 personnes. Le Green Office de Rueil porte 2100 m² de panneaux PV en toiture. Ils sont posés sur une sur-toiture qui abrite les équipements techniques, tels que les CTA et les onduleurs pour les panneaux PV. L’installation produit en moyenne 320 000 kWh/an. ©PP

 

 

 

L’offre des Green Office

 

A travers ses génération successives de Green Office, Bouygues Immobilier garantit aux preneurs un niveau de charges stable pour la durée du bail, grâce à un Contrat de Performance Energétique (CPE) qui est en réalité un contrat d’exploitation-maintenance. Ce qui permet aux locataires de maîtriser leur budget d’exploitation.

 

Bouygues Immobilier estime que proposer un niveau de charges garanti constitue un plus aux yeux des locataires et les encourage à signer des baux plus longs. Ce qui réduit le risque de vacance pour l’investisseur et contribue à la rentabilité de son bâtiment. A travers le CPE, l’exploitant du bâtiment garantit pour la durée du bail :

 

- l’ensemble des coûts d’exploitation et de maintenance, ainsi que les coûts de services spécifiques éventuellement définis avec le locataire (accueil, sécurité, hygiène et nettoyage, etc.),

 

- les niveaux de consommation et de production d’énergie, en fonction de principe de fonctionnement et d’occupation définis dans le contrat : plages horaires d’occupation, effectif présent, températures visées, forfait bureautique de 12,6 kWh/m².an, etc.

 

SI@GO, la supervision de la performance énergétique

 

Bouygues Immobilier a même développé SI@GO, un logiciel de supervision spécifique, qui enregistre en temps réel les données énergétiques du bâtiment - 50 millions de données par an tout de même pour le Green Office de Meudon -, présente l’ensemble de ces données de façon simple aux parties prenantes - exploitant et locataires - et produit un rapport mensuel qui sert de base de discussion pour valider le respect des engagements contenus dans le CPE.

 

Et Bouygues Immobilier est très transparent quant à l’aspect Bepos des Green Office. L’entreprise publie régulièrement des bilans pour chacun d'entre eux, avec consommation et production d’énergie. Mais lorsqu’on veut savoir quel est le montant des charges, leur pudeur naturelle revient au galop.

 

 

 

Le poste chauffage + ECS + ventilation dans ce bâtiment rénové au standard Passivhaus à Francfort coûte seulement 8 € TTC/mois pour un appartement de 120 m².  ©ABG

 

Le coût d’exploitation du Passif

 

Grâce au Passivhaus Institut de Darmstadt, Il est possible de connaître assez précisément le coût d’exploitation des bâtiments certifiés passifs. L’institut met notamment en avant deux réalisations à Francfort : une rénovation et une construction neuve livrée depuis peu de temps. La rénovation concerne un bâtiment de 60 logements construit peu après la fin de la seconde guerre mondiale à Francfort dans la Tevestrasse.

 

Il a été rénové au standard Passivhaus en 2006 par ABG, une sorte de RIVP de Francfort. La consommation d’énergie pour le chauffage, l’eau chaude et la ventilation est passée de 200 kWhEP/m².an à 18 kWhEP/m².an. En 2008, après rénovation, le coût d’exploitation chauffage + ECS + ventilation pour une famille de 4 personnes dans un appartement de 120 m² était descendu à 8 € TTC/mois. Ce qui respecte pleinement la promesse : performance énergétique = faible coût d’exploitation.

 

ABG a d’ailleurs poursuivi dans cette voie. Ce promoteur social qui appartient à la ville de Francfort, ne construit plus qu’au standard Passivhaus. Dans son opération de logements neufs dans Gempstrasse, une famille dans un 107 m² avec 4 chambres, dépense en moyenne 60 € TTC/an pour le chauffage, soit 56 c€ TTC/m².an.

 

 

 

Dans Aktiv-Stadhaus, ce nouveau bâtiment de logements collectifs à Francfort, à la fois Passivhaus et Bepos, ABG le Maître d’Ouvrage ne comptabilise plus les charges de chauffage, de ventilation et d’ECS séparément du loyer. Il propose un forfait loyer + charges pour toute la durée du bail. Chaque logement bénéficie en plus de 1800 à 2500 kWh d’électricité gratuit par an, issus de l’installation PV du bâtiment. C’est l’autoconsommation collective à l’allemande. ©ABG

 

 

 

Eviter les systèmes complexes au coût de maintenance élevé

 

L’exemple passif en construction neuf est également une réalisation d’ABG. Le bâtiment Aktiv-Stadhaus, construit par l’architecte Manfred Hegger dans le Weshafens à Francfort, le standard Passivhaus est toujours de rigueur, mais le Maître d’Ouvrage ajoute des panneaux photovoltaïques.

 

Aktiv-Stadhaus portera 1000 panneaux PV en toiture et 330 en façade. L’installation est complétée par un stockage d’électricité de 210 kWh sous forme de batteries Li-Ion. Aktiv-Stadhaus est ainsi un bâtiment Bepos et à très faible coût d’exploitation. Au point que ABG ne sépare plus le montant des charges – chauffage + ventilation + production d’eau chaude – de celui du loyer.

 

Il loue les logements d’Aktiv-Stadhaus pour un montant forfaitaire de 12,75 à 14,40 €/m².mois en étage courant et de 15,30 €/m².mois pour l’étage penthouse, charges comprises. De plus les occupants d’Aktiv-Stadhaus bénéficient de 1800 à 2500 kWh.an d’électricité gratuite issu de l’installation PV et autoconsommée.

 

Une tendance se dégage. Par nature, un bâtiment passif favorise l’enveloppe et simplifie ses systèmes CVC. Ce qui aboutit à de faibles charges d’exploitation annuelles. Un bâtiment Bepos construit sur la base d’un bâtiment passif, complété par du photovoltaïque, parvient à un coût d’exploitation encore plus faible. Les bâtiments Bepos qui font appel à des systèmes plus complexes – par exemple, des installations de cogénération à base d’huile végétale – présentent un bilan énergétique flatteur, qui ne se traduit peut-être pas aussi clairement en un coût d’exploitation réduit.

 

 

 

Dans la construction de son siège LowCal, Enertech a adopté une approche LowTech : enveloppe très performante, ventilation double-flux décentralisée par local, seulement 4 radiateurs électriques pour le chauffage des 666 m² de surface du bâtiment et une installation photovoltaïque en toiture. Le coût d’exploitation annuel du bâtiment est solidement négatif.  ©Enertech

 

LowCal, un bâtiment de bureaux labellisé E4C2 à coût d’exploitation positif

 

Le Bureau d’Etudes Enertech explique en détail les coûts de fonctionnement de la première année d’exploitation de son nouveau siège LowCal à Pont-de-Barret (26). Il accueille seulement 35 personnes sur une surface de 666 m². Mais LowCal est le premier, et pour l’instant l’unique, bâtiment parvenu au niveau E4C2 du Label E+C-.

 

Son installation photovoltaïque de 153 m² (24 kWc) a coûté 39 596 € HT, tout compris, dont 38 897 € HT pour le lot photovoltaïque proprement dit et 1 329 € HT pour le raccordement au réseau Enedis. Enertech a en effet choisi de revendre de la totalité de sa production photovoltaïque à Enedis, sans autoconsommation.

 

Au cours de la première année d’exploitation, d’août 2016 à août 2017, la consommation d’énergie du bâtiment (exclusivement de l’électricité) a atteint 3 617 kWhEF, soit 509 €HT. Il faut ajouter à ce montant, 297 € HT d’abonnement (9 kWA) pour l’électricité soutiré au réseau et 58 € HT d’abonnement pour l’injection de la production photovoltaïque dans le réseau Enedis.

 

Un emprunt de 40 000 euros pour l'installation photovoltaïque

 

La seule autre dépense d’exploitation au cours de la première année a été le changement de 42 filtres des caisson double-flux décentralisés par pièce : 298 € HT. La dépense totale d’exploitation pour la première année se monte donc à 1162 € HT, soit 1,8 €HT/m².an.

 

Au cours de la même période, la revente de l’électricité photovoltaïque a rapporté 5 170 € HT. Le gain d’exploitation la première année est de 4008 € HT, soit 6 €HT/m².an. Poursuivons : l’installation photovoltaïque a été financée par un emprunt de 40 000 € à 2,3% d’intérêt par an sur 15 ans. Le remboursement au cours de la première année (intérêt + capital) s’est monté à 3 155 €.

 

Frais financier compris, la première année d’exploitation se traduit donc par un bilan positif de 853 € HT, soit 1,3 €HT/m².an. LowCal est non-seulement un bâtiment Bepos, mais aussi à coût d’exploitation positif.

 

Le Bonus de constructibilité : la cerise sur le gâteau du label E+C-

 

Le défunt label BBC avait extrêmement bien marché, notamment parce qu’il donnait droit à un dépassement du COS (Coefficient d’Occupation des Sols) en échange d’une performance thermique accrue. Les Maîtres d’Ouvrage avaient fait leurs calculs de rentabilité, comparé le surcoût de la performance et le revenu issu des surfaces supplémentaires, puis adopté le label BBC avec enthousiasme.

 

Le COS a disparu, remplacé par les PLU (Plan Local d’Urbanisme). Les concepteurs de l’expérimentation E+C- ont tout de même tenté de renouveler le mécanisme du droit à surconstruire en échange d’une performance accrue.

 

L’Arrêté du 12 octobre 2016 relatif aux conditions à remplir pour bénéficier du dépassement des règles de constructibilité prévu au 3° de l'article L. 151-28 du code de l'urbanisme, codifie l’accès au bonus de constructibilité à travers le Label E+C-. T

 

out d’abord, le bonus de constructibilité est, au maximum, égal à 30% de la surface constructible. Tout de même. Ensuite, quatre conditions doivent être remplies pour que le bâtiment puisse accéder au bonus de constructibilité.

 

Quatre conditions pour accéder au Bonus de Constructibilité

 

Premièrement, le bâtiment doit afficher une valeur C = Cmax – 40% pour les bâtiments de bureaux ou bien C = Cmax – 20% pour tous les autres types de bâtiment.

 

Deuxièmement, les indicateurs Eges (émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie de bâtiment) et EgesPCE (émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des produits de construction et équipements du bâtiment) du bâtiment doivent être ≤ aux niveaux maximaux Egesmax et EgesPCEmax du niveau Carbone 2, définis dans le « Référentiel Energie-carbone pour les bâtiments neufs ». Troisièmement, le bâtiment doit respecter 2 des 3 critères ci-dessous :

 

- La quantité de déchets de chantier valorisés pour sa construction, hors déchets de terrassement, est supérieure, en masse, à 40 % de la masse totale des déchets générés.

 

- Les produits et matériaux de construction, revêtements de mur ou de sol, peintures et vernis, sont étiquetés A+, au sens de l'arrêté du 19 avril 2011. Les installations de ventilation font l'objet d'un constat visuel par le maître d'ouvrage suivant les recommandations du guide technique validé par le ministère chargé de la construction et publié sur son site internet.

 

- La construction comprend un taux minimal de matériaux biosourcés correspondant au « 1er niveau » du label « bâtiment biosourcé » au sens de l'arrêté du 19 décembre 2012. Enfin, le bâtiment présente un bilan énergétique, dit Bilan Bepos, inférieur au bilan énergétique maximal, BilanBeposmax, correspondant au niveau de performance « E3 », défini dans le « Référentiel Energie-carbone pour les bâtiments neufs ».

 

Le PLU limite le Bonus de Constructibilité

 

Ce mécanisme est très incitatif, mais comporte un sérieux bémol. Pour qu’il soit utilisable, il faut que la collectivité territoriale responsable du PLU – la commune ou la communauté de communes – l’ait inscrit dans son PLU. L’idée « Bonus de Constructibilité en échange de performance » doit figurer dans le PLU.

 

Selon l’observatoire des Territoires, plus de la moitié des 35 498 communes que comptait la France au 31 décembre 2016, ne se sont pas encore dotées d’un PLU. De plus, si le PLU existe, il a peut-être été mis au point avant publication de l’arrêté du 12 octobre 2016. Il faut donc le réviser pour incorporer ce mécanisme. Dans le meilleur des cas, si le PLU de la commune contient bien l’idée « Bonus de Constructibilité en échange de performance », les Maîtres d’Ouvrage ne devraient pas passer à côté.

 

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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