L’architecture bois éphémère s'empare du Grand-Paris avec les ateliers Medicis

Avec le lieu éphémère des Ateliers Médicis, les communes de Clichy sur Bois et de Montfermeil deviennent d?un coup le lieu francilien emblématique de l?architecture urbaine d?aujourd?hui.

Légende : Les nouveaux Ateliers Médicis, vus de la promenade de la Dhuys qu’ils frôlent. ©JT

 

Les Ateliers Médicis sont pour l’instant une sorte de déclinaison sociale de la fameuse Villa Médicis qui accueille depuis des siècles l’élite française de Prix de Rome. 150 jeunes artistes sont aidés pendant un semestre en échange de leur immersion dans les territoires français les plus reculés, où leur pratique artistique doit se développer en lieu étroit avec la transmission et l’échange pédagogique.

 

Le nouveau bâtiment de Clichy-sous-Bois abrite l’équipe administrative de ce projet, et celle qui est chargée de l’élargir à l’horizon de 2024, quand les Ateliers devraient élire un domicile plus définitif à l’emplacement de la tour de bureaux Utrillo, désamiantée et démolie.

 

Les bureaux, la salle polyvalente du rez-de-chaussée et la salle d’exposition sur la terrasse supérieure sont aussi conçus comme lieu de travail pour ces artistes, mais aussi, en fait, comme lieu culturel inédit, ouvert sur le quartier.

 

 

Sébastien Eymard et Sonia Vu de l’agence encore Heureux. ©JT

 

Tandem de choc

 

Coqueluche parisienne et descendant spirituel de l’inclassable architecte-scénographe Patrick Bouchain, l’agence Encore Heureux a eu une nouvelle fois la main heureuse, sans doute aussi en consolidant son partenariat avec l’entreprise Cruard Charpente.

 

Quand, en 2015, il s’est agi de bâtir sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris un modeste bâtiment en bois largement constitué de matériaux de récupération (le Pavillon circulaire), les charpentiers étaient bien désoeuvrés pour se lancer dans une telle aventure.

 

A présent, ils signent, en conception-réalisation avec l’agence, un bâtiment de 800 m2 entièrement en bois. En ajoutant le restaurant de l’Etoile du Nord, gare du Nord à Paris, Cruard dispose à présent d’une magnifique carte de visite Grand Paris.

 

 

 

La salle polyvalente est un modèle de micro-équipement fonctionnel. ©JT

 

Le lieu in-fini

 

Le succès du Pavillon circulaire, resté en place contre toute attente pendant près de deux ans, a sans doute contribué au fait que Encore Heureux soit non seulement retenu avec Cruard sur ce nouveau projet éphémère des Ateliers Médicis, mais aussi désigné dans la foulée comme commissaire du pavillon français de la Biennale de Venise 2018.

 

« France is back », pourrait-on dire. Après l’extraordinaire Pavillon France à l’Expo de Milan, Encore Heureux donne un sens, à Venise, à un mot d’ordre général que les commissaires généraux irlandais ont placé sous l’égide du terme Freespace, avec un manifeste en fait complètement creux.

 

Encore Heureux sauve le concept Freespace en Lieux Infinis et met en scène avec brio dix lieux français réinvestis et restructurés « à la Patrick Bouchain ». Parmi eux, deux ou trois projets de l’agence. Mais bien sûr, avec ce nom, ce contexte et cette parfaite actualité, les Ateliers sortent du lot. Cela ne changera pas le sort des habitants des deux villes, mais elles sont soudain placées sous le feu des projecteurs internationaux ; et plus pour les mêmes raisons que lors de la révolte de 2005

 

 

Dans un rouge fanal, le chapiteau synthétique inonde la terrasse d’une lumière festive. ©JT

 

Du provisoire durable

 

La parcelle est d’autant plus exigüe que l’implantation frôle la coulée verte de la Dhuys, cours d’eau canalisé au 19e siècle pour approvisionner Paris. Une promenade menacée par la progression des carrières à ciel ouvert de Placoplatre à Vaujours, et classée Natura 2000. Il suffit de suivre son cheminement champêtre sur 250 m pour arriver au futur site définitif futur, à l’emplacement de l’ancienne tour de bureaux Utrillo.

 

Autant clarifier dès à présent la notion de provisoire qui prévaut pour le site actuel. Il est idéalement situé en bordure de la forêt de Bondy, construit en conformité avec une réglementation qui ne connaît pas l’éphémère.

 

Même si, sur ce projet, Encore Heureux a réfléchi à la démontabilité et au réemploi, in fine, la structure bois est démontable comme pour tout ouvrage bois courant. Pour le second-œuvre, l’agence a opté pour le confort des utilisateurs, ce qui veut dire que si l’ouvrage doit être démantelé dans quelques années, l’aménagement intérieur sera perdu.

 

Sans doute, cela témoigne tout autant du retard des systèmes constructifs sur le marché, que de la façon dont l’agence place ses priorités. Ne pas chercher ici du passif/Bepos en sus. On peut parier que si le bâtiment remplit sa mission, il sera pérennisé sous une forme ou une autre.

 

Le chapiteau rouge qui coiffe l’ouvrage en guise de toiture, et qui semble tenter de masquer la charpente, est tout simplement un de ces petits coups de génie architecturaux, qui transfigure à bon compte un « Formule 1 ». La bâche protège une grande terrasse qu’elle inonde d’une lumière festive, et protège un lieu d’exposition sagement placé en retrait.

 

 

Le garde-corps dirige la pluie vers l’intérieur et la terrasse sur dalle, afin de préserver la zone Natura 2000. ©JT

 

Architecture bois

 

Disposée sur des longrines, la dalle est en béton, un choix dicté par le besoin de polyvalence de la salle du rez-de-chaussée qui peut accueillir 80 personnes assises, inaugurée hier soir avec une création sur le thème de la construction, avec la participation d’élèves du quartier.

 

La salle a été équipée avec simplicité et ingéniosité pour répondre à une multiplicité de fonctions. La construction est en poteau-poutre avec une façade en éléments à ossature bois et bardage pré-grisé. Tout est tramé et simple.

 

La gageure a été de réussir à installer une cage d’escalier et une cage d’ascenseur en bois pour un bâtiment ERP de 3e catégorie. Le budget de construction est apparemment de deux millions d’euros seulement.

 

Ce serait extraordinaire si l’opération s’avère rentable pour Cruard sur le papier. Elle le sera très certainement en coût global, si l’on inclut la notoriété, car avec un bon départ comme celui-là, la démarche des Ateliers a une bonne chance de ne pas devenir un nouvel Utrillo culturel.

 

 

 

Fauteuil mobile, équipement des Ateliers, conçu en résidence par le collectif bolivien Arquitectura Expandida.©JT

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven

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