Un ouvrage en staff et en vague à La Seine Musicale

L?entreprise Werey Stenger est une habituée des ouvrages en staff exceptionnels. Les hautes exigences acoustiques sollicitent ses compétences techniques les plus pointues?

Quand on se réfère au soin apporté à la diffusion du son de salles de concert acoustiques récentes comme la Philharmonie de Paris, celle de Hambourg ou l’auditorium de la Maison de la Radio, on comprend qu’il s’agit de la pièce maîtresse du puzzle acoustique de ce type de lieux.

 

Il s’agit de diffuser le son de la façon la plus équilibrée possible, c'est-à-dire de faire en sorte que chaque auditeur entende au mieux chaque musicien, quel que soit l’endroit où il est assis.

 

L’équation est sans doute encore plus complexe dans une configuration « en vignoble », précisément celle choisie pour l’auditorium de La Seine Musicale. A l’instar de la philharmonie de Berlin conçue par Hans Scharoun et inaugurée en 1963, les auditeurs sont disposés tout autour de l’orchestre et si possible à proximité immédiate.

 

Fabrication sur mesure de l’un des quelque 500 moules. © Werey Stenger

 

Vague et vaguelettes

 

Les objectifs acoustiques sont multiples. D’abord éviter toute perturbation par des bruits extérieurs, sachant que le niveau acoustique de base est très bas. Selon Jean-Paul Lamoureux, mandataire des études acoustiques avec Lamoureux Acoustics : « Le niveau sonore de base (N10) de l’auditorium est très faible. 15 dB(A), cela équivaut à une chambre à la campagne la nuit ».

 

Pendant un concert, il faut non seulement que les auditeurs disposent de la meilleure qualité d’écoute possible, ce qui veut dire que la transmission du son ne privilégie pas certaines bandes de fréquence et les instruments associés au détriment d’autres.

 

Il faut aussi faire en sorte que les musiciens s’entendent jouer, à la fois eux-mêmes et les uns les autres. En pratique, le bureau d’études Nagata Acoustics, spécialisé dans l’acoustique des salles de concert non amplifiées, est devenu un référent incontournable. Paradoxalement, l’architecte japonais pouvait converser directement avec la star de Nagata Acoustics, Yasuhisa Toyota, mais le chantier a été suivi par un Français, Marc Quiquerez.

 

Image de chantier montrant le polochonnage des éléments en staff. © Werey Stenger

 

Une prouesse presque habituelle

 

L’étude acoustique génère deux conséquences principales. Premièrement, le plafond de la salle devra avoir une masse surfacique très importante. En d’autres termes, ainsi, même les basses fréquences ne parviendront pas à le faire vibrer, à le mettre en résonnance.

 

L’énergie de ces basses fréquences ne sera pas absorbée, mais transmise et diffusée. Second impératif : le plafond en question devra avoir une forme complexe en vagues asymétriques. La France et Paris disposent heureusement d’une tradition vivace dans le domaine du staff, et d’entreprises d’élite comme Werey Stenger qui maîtrisent la fabrication et la mise en œuvre de plafonds à double courbure.

 

Pierre Hadey, responsable de l’atelier staff de Werey Stenger, a dirigé les travaux, secondé par Marie-Pierre Barthélémy, responsable R&D. L’entreprise strasbourgeoise, qui a fondée sa renommée sous l’égide du plâtrier et staffeur alsacien Christian Werey, disparu en 2015.

 

Elle est désormais dirigée par Etienne Werey, frère du défunt. Ce dernier a mobilisé ses locaux alsaciens et non l’antenne récemment acquise en région parisienne. C’était déjà le cas lorsque Werey Stenger est intervenu à Paris sur des ouvrages aussi prestigieux que l’opéra Garnier ou la Fondation Louis Vuitton.

 

Raccordement des éléments préfabriqués en sous-face. © Werey Stenger

 

Un ouvrage hors DTU

 

Comparé à un ouvrage en staff répondant au DTU 25.51, le plafond de 1200 m2 de Werey Stenger, suspendu à 14,5 m de haut en moyenne, se distingue par son poids de 100 à 120 kg/m2 et par le fait qu’il supporte un second plafond rapporté en hexagones.

 

Il a donc nécessité une Atex, une appréciation technique d’expérimentation. Le dossier prévoit de suspendre le plafond à une ossature primaire, un ouvrage de serrurerie réalisé par l’entreprise alsacienne Schaffner SAS qui dessine les ondes de la vague. L’ossature secondaire en fer en U à staff (Staff Décor) est fixée directement et perpendiculairement sur ces rails ondulés.

 

Résumé du dispositif/ Croquis © Werey Stenger

 

Un an d’études, 3 mois de fabrication, 6 mois de pose

 

L’année 2015 a été consacrée aux études et à l’obtention de l’Atex. Les surfaces à réaliser ont été modélisées en 3D (logiciel Inventor). Fin 2015, sur une période de trois mois, 500 moules et autant de pièces de la coque en staff ont été fabriquées en atelier.

 

Les éléments ont une épaisseur de 20 mm pour une taille moyenne de 3 m2. La mise en oeuvre s’est étendue sur toute la durée du premier semestre 2016. Sur place, les éléments de la coque sont fixés à l’ossature primaire et secondaire par polochonnage.

 

Des joints de fractionnement de 10 mm ont été ménagés tous les 150 m2. 70 mm de plâtre de très haute dureté sont projetés en arrière de la coque. Le plafond ainsi achevé est doté sur site de nombreuses tiges filetées M8 fixées sur la sous-face à l’aide d’un écrou SM8 et d’un polochon de plâtre.

 

Trois tiges pour supporter une dalle hexagonale

 

Il faudra trois tiges pour supporter une dalle hexagonale dont le poids est de l’ordre de 7 kg/m2. Dès la conception et la préfabrication en atelier, il a été veillé que ces tiges ne coïncident pas avec le polochonnage du plafond lourd.

 

A noter que le plafond incorpore des passerelles escamotées, à déplacement vertical, qui sont également pourvus d’une coque en staff.  Le CSTB s’est inquiété de la réaction au feu du plafond rapporté en hexagones. Mais c’est le Catalan Frapont, chargé de l’aménagement intérieur de l’auditorium, qui a dû résoudre cette question.



Source : batirama.com / Jonas Tophoven / Photo d'ouverture : Le caractère décoratif du plafond rapporté est renforcé par le jeu de lumière des ombres portées sur la coque en staff en double cintrage.  © Werey Stenger

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