Rachel Denis-Lucas, une négociante bretonne décorée de la Légion

La cogérante de Denis Matériaux a reçu la Légion d?honneur. La distinction émane du ministère du Logement et salue les initiatives du négociant breton en matière d?éco-construction.

Répondant aux questions de Bâtirama, Rachel Denis-Lucas évoque sa passion  d’un territoire, d’un métier, d’une aventure tout à la fois entrepreneuriale et familiale.

 

Bâtirama : Recevoir la Légion d’honneur, c’est un moment d’émotion ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Bien sûr, c’est formidable. Ce fut d’abord une grosse surprise pour moi d’apprendre que j’étais promue. Puis j’ai été très heureuse que l’insigne me soit remis par Jean-Yves Le Drian alors même que la distinction a été attribuée par le ministère du Logement et d’l’habitat durable pour nos actions en faveur de l’éco-construction. La présence de Jean-Yves Le Drian avait un sens fort pour moi, car il est le patron du conseil régional et je suis très attachée à ma région natale.

 

Cet attachement à la Bretagne, comment pourriez-vous le définir ?

 

Rachel Denis-Lucas

: J’adore la Bretagne ET les Bretons. Pour quelles raisons ? C’est un peu difficile à expliquer. Il y a une façon d’être et de voir les choses commune et forte ; beaucoup d’authenticité dans la manière de s’exprimer, une certaine réserve aussi. On arrive bien à travailler ensemble. Et puis nous avons en commun une histoire singulière, marquante, qui reste un trait d’union important même pour des gens de ma génération. Je ne suis pas un cas unique : les Bretons aiment la Bretagne !

 

Quels sont vos lieux préférés dans la région ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Le golfe du Morbihan, la presqu’île de Crozon et, au nord, la baie de Lancieux. C’est assez large, je reconnais… Après mes études en école de commerce, je suis partie aux Etats-Unis, j’ai travaillé pendant trois ans à San Francisco pour une société qui vendait des produits de cuisine français. Cela m’a plu, mais la Bretagne me manquait et le désir d’y revenir a joué un rôle important dans ma décision de m’investir dans l’entreprise qu’avait créée mon père en 1979.

 

Vous dirigez l’entreprise avec votre frère Renan. Comment ce copilotage s’est-il décidé? Est-il parfois difficile ?

 

Rachel Denis-Lucas

: L’idée de travailler avec mon frère remonte à très longtemps. Nous l’avions quand nous étions tous petits, elle s’est toujours inscrite en pointillés dans nos têtes. Puis chacun a évolué, a travaillé de son côté, eu des amis différents, mais malgré tout, les pointillés devenaient des « grains » toujours plus gros. A un moment, lorsque j’étais à San Francisco, lui était trader à Londres, nous avons eu le sentiment que nous nous étions un peu éloignés de ce qu’on aimait, de ce qui nous plaisait vraiment.

 

On s’est dit que travailler en binôme dans l’entreprise familiale n’était pas uniquement un rêve d’enfant et qu’on pouvait se lancer. Cette codirection, je la vis comme une chance, pas du tout comme un problème. Je m’entends très bien avec mon frère. Pour tout vous dire, je travaille avec lui, j’habite dans la même commune que lui, et nous passons même nos vacances ensemble!

 

Et votre père, est-il toujours investi dans l’entreprise qu’il a créée ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Depuis 2010, il n’a plus de rôle opérationnel, mais tous les jours il passe au bureau. Il s’intéresse, se tient au courant, lit la presse spécialisée. Cette entreprise, c’est son bébé. Travailler avec lui a été un grand bonheur. Souvent, on quitte ses parents à 20 ans, puis on les cotoie sur de courtes périodes, dans un cadre privé.

 

Quand on travaille avec eux à l’âge de 30 ou 40 ans, on les connaît de façon différente, on noue un autre type de relations. Je trouve que c’est une très belle expérience. Le cercle familial dans l’entreprise s’arrête là : mon mari travaille dans les Télécommunications, il n’a rien à voir avec Denis Matériaux, l’épouse de Renan non plus.

 

Aimeriez-vous que vos enfants prennent la suite plus tard ?

 

Oui j’en serais ravie : eux, une partie d’entre eux (j’en ai trois) ou ceux de Renan.

 

Ce que vous appréciez le plus, et le moins, dans votre travail ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Ce que je préfère, c’est le fait de construire des projets avec des équipes où chacun est différent, où chacun apporte sa contribution pour tendre vers un même but, en partageant une dynamique. J’aime aussi l’aspect commercial : voir les clients, essayer de comprendre ce dont ils ont besoin. J’apprécie moins le volet administratif et réglementaire, mais j’ai de la chance, mon frère s’en occupe beaucoup.  

 

Vous avez reçu le trophée Femmes de l’économie en 2015 et vous vous êtes souvent exprimée pour valoriser le rôle des femmes dans le bâtiment.  Vous sentez-vous féministe ?

 

Rachel Denis-Lucas

: L’adjectif me semble trop militant et trop agressif pour me correspondre. Non, je dirai que j’ai une vision paritaire des choses. Et surtout, je veux rendre compte d’une expérience : les matériaux de construction, le béton, ce n’est pas sexy, pas très attirant aux yeux des femmes. Or je constate que toutes celles qui passent le pas, s’investissent dans le secteur, adorent ce qu’elles font et le font très bien.

 

Quels sont les futurs challenges pour Denis Matériaux ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Toutes les professions du négoce doivent s’interroger sur leur métier et repenser leur valeur ajoutée. Nous sommes obligés de le faire pour plusieurs raisons : de nouveaux acteurs arrivent sur le marché, la révolution digitale est là, les clients changent. En outre en Bretagne, nous savons que nous ne retrouverons pas les niveaux de croissance de naguère. Avec la loi Sellier, il y a eu un surinvestissement dans la région.

 

Dans les années 2004-2005, les Bretons qui représentent 5% de la population, ont construit 8% des logements neufs en France. On savait que c’était décalé. Aujourd’hui, on sort peut-être de la crise, mais nous resterons malgré tout dans un marché limité. Toutes ces conditions doivent nous amener à redéfinir ce que l’on fait pour apporter encore plus de valeur ajoutée. C’est une opportunité.

 

Quelle est la qualité dont vous disposez et qui vous paraît le plus utile dans l’exercice de vos fonctions ?

 

Rachel Denis-Lucas

: Peut-être le fait de ne pas se prendre au sérieux. Je prends les choses au sérieux, mais je ne me prends pas au sérieux. Dans bien des circonstances, c’est une aide.

 

 

Biographie de Rachel Denis-Lucas

 

 

 

 

 

 

 

 



Source : batirama.com / Corinne Cherigny

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