« La formation RGE disqualifiée » selon l’UFC-Que choisir

Face à la recrudescence des litiges liés à la rénovation énergétique, l?UFC-Que choisir a mené une nouvelle enquête de terrain. Les résultats sont accablants pour les entreprises RGE.

« Avec 2 à 3 litiges par semaines recueillis par les associations locales, on assiste à une explosion des contestations dans le secteur de la rénovation énergétique, qui prend même le relai de la téléphonie sur le haut du podium », argue Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir lors d’une conférence de presse le 7 décembre.

 

« Echec patent, distribution automatique du RGE, acronyme qui ne signifie plus reconnu garant de l’environnement mais risque généralisé d’échec ou plus encore risque généralisé d’enfumage des consommateurs »… Les mots sont durs dans la bouche du président qui attribue la stagnation du marché à l’absence de confiance des consommateurs.

 

Mais pour lui, qui juge « en péril la situation», les arguments ne manquent pas. Ils sont tirés d’une nouvelle enquête de terrain réalisée en septembre dernier pour vérifier la qualification et la fiabilité des professionnels du secteur.

 

Une enquête à charge pour les professionnels RGE

 

Cette étude fait suite à une première enquête menée en 2014 sur la rénovation énergétique des maisons individuelles qui consistait à tester les propositions de travaux faites par les professionnels, et dont les résultats étaient déjà jugés « catastrophiques ».

 

Mais l’idée cette fois-ci est de voir si la situation s’est améliorée après la mise en œuvre de la loi Transition énergétique pour la croissance verte votée en 2015, dont une des priorités repose sur la rénovation des logements. Pour l’UFC-Que choisir, il n’en est rien.

 

L’enquête a consisté à collecter des devis pour 10 maisons « passoires énergétiques », auprès de 42 professionnels labélisés « RGE » sur le territoire national. Dix maisons, l’échantillon est étroit.

 

Des visites aléatoires

 

Pour autant l’association l’estime représentatif du marché puisqu’il repose sur un périmètre de 10 km autour du logement, celui-ci comptant entre 5 et 10% des professionnels. Par ailleurs, pour assurer toute impartialité, l’UFC-Que choisir s’est adjoint les services d’un expert spécialisé travaillant pour l’Ademe.

 

Alors qu’un diagnostic d’ensemble du logement est indispensable pour établir des recommandations de travaux fiables, l’enquête montre que la visite complète de l’ensemble des lieux n’a été réalisée que par 31% des professionnels, les autres n’ayant pas visité ou que très partiellement la maison.

 

Dans le détail, alors que 60% des professionnels certifiés « RGE offre globale » font une visite d’ensemble de la maison, ce chiffre atteint à peine 18% pour les artisans RGE « spécialisés », et seulement 21% pour les professionnels représentant des groupements d’artisans censés justement pouvoir proposer une solution globale.

 

« Evaluation du bâti peu respectée »

 

Pour l’UFC-Que choisir, « il existe une absence quasi-totale d’appréciation complète des maisons par les professionnels ». Alors que l’analyse du bâti doit se faire sur les évaluations de l’enveloppe du bâti, de la ventilation et du système de production de chaleur, seuls 9 % des professionnels examinent les trois critères et plus des deux tiers se concentrent sur un seul point du bâti qui concerne très souvent le cœur de leur compétence.

 

De plus, la prise en compte de la ventilation est quasi systématiquement oubliée. La situation diffère selon les types de qualification : 60% des professionnels qualifiés « offre globale », 100% des RGE Eco-artisans et Pros de la performance énergétique et 73% RGE « spécialisés » n’analysent qu’un seul critère du bâti.

 

Propositions de travaux minimalistes…

 

L’enquête qui a également porté sur 5 audits énergétiques menés par des entreprises qualifiées « Etude thermique réglementaire maison individuelle » révèle que 2 audits ont produit un travail de qualité au cours de l’état des lieux, les 3 autres étant incomplets et comportant même des erreurs. Pire, elle constate une reconstitution des consommations d’énergie du logement erronée à cause d’un logiciel de calcul inadapté.

 

Et l’association de citer quelques exemples : une facture énergétique estimée par l’audit supérieure à 1900 € alors que la facture réelle n'était que de 1100 € ou encore une consommation d’énergie estimée à deux fois trop élevée. L’UFC-Que choisir regrette « qu’aucun auditeur n’ait cherché à recaler la consommation calculée avec la consommation réelle fournie par les factures du propriétaire ».

 

Dans la majorité des cas, les devis proposés par les professionnels ne portent que sur une seule tache (57% des devis). Seuls les artisans qualifiés « RGE offre globale » proposent des solutions plus étoffées sans pourtant apporter au consommateur une véritable solution globale.

 

…Et contestables

 

A l’inverse les groupements d’artisans RGE « Eco-Artisan » et RGE « Pros de la performance » préconisent à 79 % des travaux sur un seul critère alors qu’ils sont censés avoir une approche plus globale que les professionnels RGE spécialisés qui recommandent à 45% des solutions qui vont au-delà d’un seul critère.

 

L’incohérence des solutions est également relevée (43%) comme par exemple une préconisation sur les menuiseries sans prendre en compte l’isolation du reste du bâti. Dans 31% des devis, la solution proposée est insuffisante car les niveaux d’isolants sont trop faibles. Enfin, 26% n’ont tout simplement pas fait de proposition sur l’isolation.
 

Résultat, la baisse moyenne estimée de la consommation d’énergie suite aux travaux préconisés n’est que de 27%, loin de l’objectif fixé par la loi (- 75% sur l’ensemble du bâti résidentiel d’ici 2050).
Par ailleurs, plus de 65% des professionnels testés ont allégué des économies d’énergie et de facture allant de 10% à 50% sans engagements contractuels et sans évaluation objective.

 

Des prix déraisonnablement élevés

 

Les professionnels testés pratiquent des prix « déraisonnablement élevés » par rapport à des prix optimisés. Les surcoûts peuvent en effet varier de 38% à 55% pour l’isolation des murs par l’intérieur et de 166% jusqu’à 185% pour les enduits.

 

« De tels surcoûts ne  permettent pas de rentabiliser les opérations de rénovation énergétique, rendent financièrement inaccessibles les travaux de rénovation pour un certain nombre de consommateurs, même avec les dispositifs d’aides et pèsent sur les finances publiques », souligne  l’UFC-Que choisir.  

 

Autre grief de l’association des consommateurs : le non-respect des obligations légales sur les devis. « On ne peut être que stupéfait d'observer que certaines entreprises n’indiquent pas sur leur devis les éléments basiques comme le nom de leur compagnie d'assurances (71%), le numéro d’inscription au RCS24 (34%), ou encore la date de visite (97%). Pire, l’absence de mention, comme le type de qualification RGE (83%) ou le libellé exact des travaux (94%), peut tout simplement priver le consommateur des aides et subventions ».

 

La formation en cause

 

« Cette étude montre que la situation ne s’est pas améliorée par rapport à notre enquête de 2014. Clairement, la qualification RGE ne répond pas à l’objectif de montée en compétence que se sont fixés les pouvoirs publics et la profession », estime l’UFC-Que choisir.

 

En cause, une formation à l’obtention de la qualification RGE inadaptée et un contrôle insuffisant. « Mais peut-on parler de formation, avec des modules de trois jours », s’interroge Alain Bazot, qui estime par ailleurs qu’un seul contrôle sur site pour maintenir le signe de qualité RGE est insuffisant.

 

Et d’ajouter que « le développement du marché ne pourra se faire qu’en passant d’une obligation de moyen à une obligation de résultats qui engage clairement les professionnels faisant des promesses d’économie d’énergie ».

 

Pouvoirs publics interpellés

 

Pour lever les freins à la rénovation énergétique, elle appelle les pouvoirs publics à reprendre la main sur le dispositif RGE en renforçant la formation et les contrôles des professionnels qualifiés et de les inciter à développer une filière « d’architectes- énergéticiens » indépendants capables d’accompagner le consommateur tout au long de sa démarche de rénovation énergétique globale.

 

Elle propose d’instaurer une obligation de résultat, que les consommateurs pourront invoquer dès lors que les allégations de performance énergétique faites par les professionnels n’auraient pas été atteintes. Enfin,  elle demande à ce que le préteur dans le cadre d’un crédit affecté soit responsabilisé pour vérifier la réalisation de la prestation prévue mais aussi la solvabilité et les capacités du professionnel.

 

L’UFC-Que choisir n’a pas décidé pour autant d’en rester là. Elle compte bien mobiliser les candidats à l’élection présidentielle pour que la rénovation énergétique soit intégrée comme un thème consumériste majeur dans la campagne. En attendant, l’association des consommateurs conseille auxménages « d’y réfléchir à deux fois, avant de se lancer dans des travaux de rénovation énergétique ».



Source : batirama.com / Frédérique Vergne

↑ Allez en Haut ↑