Des solutions innovantes pour récupérer l’énergie d’un bâtiment

Comment récupérer l?énergie rejetée par les résidents d?un bâtiment de 200 logements ? Biofluides Environnement fait la démonstration en région parisienne.

Après 5 ans de mise au point de l’ERS, un système de production d’eau chaude sanitaire à partir de la chaleur récupérée sur les eaux usées, l’entreprise de Seine-et-Marne présente sa plus importante installation.

 

Lancé en 2009, le système ERS (Energy Recycling System) conçu et breveté par l’entreprise Biofluides Environnement (basée à Saint-Fargeau-Ponthierry, 77) a visiblement calé son process et trouvé ses marchés.

 

L’ERS se classe parmi les équipements actifs de récupération d’énergie fatale des bâtiments – à distinguer des solutions passives du type Power-Pipe du canadien Solénove – et se distingue par son taux de couverture de l’ordre de 50 à 80 % des besoins d’eau chaude sanitaire.

 

 

  1. Le système ERS de Biofluides Environnement installé dans le sous-sol d’un immeuble de 223 logements à Clichy-la-Garenne (92) est le plus important des quelque 50 équipements vendus à ce jour. Il bénéficie des évolutions en termes de compacité et de suivi à distance. © B. Reinteau

 

Si cet industriel a majoritairement trouvé ses débouchés en logement collectif neuf, en restauration collective et en équipement de foyers d’accueil, ce début d’année, quatre unités ont été livrées et installées dans des bâtiments résidentiel de standing au Luxembourg ; deux autres chantiers à l’export seront prochainement livrés. De même, l’hôtellerie de luxe (4 et 5 étoiles) et ultra low-cost commencent à s’en équiper.

 

L’entreprise présidé par Alain Mouré (14 salariés) compte aujourd’hui un parc de quelque 50 installations de production d’ECS à partir des eaux usées et possède “un portefeuille de développement” de 150 projets d’ici 2018.

 

Valoriser l’énergie rejetée par les résidents

 

Le principe de cette solution technique est simple : il consiste à récupérer les eaux usées d’un immeuble (éviers, douches, baignoires, lave linge, lave vaisselle…) dans une ou plusieurs cuves. Celles-ci sont équipées d’un échangeur relié à une pompe à chaleur spécifiquement conçue pour cette application. Source froide de la Pac, cet effluent est d’une température de 28 à 30°C ; l’exploitation thermodynamique de cette chaleur permet de monter l’eau de ville à 55-57°C.

 

L’eau chaude est stockée dans un ou plusieurs ballons préparateurs – reliés à un appoint d’énergie – avant distribution. En sortie de pompe à chaleur, les eaux usées sont rejetées à l’égout à moins de 10°C. Le coefficient de performance de l’installation atteint un ratio de 4.

 

Les immeubles équipés d’un ERS comptent en moyenne 70 logements. Cependant, Biofluides Environnement dispose depuis l’an dernier d’une référence sur plus de 200 logements, dans un immeuble du bailleur social privé France Habitation, à Clichy-la-Garenne (Hauts de Seine).

 

À la faveur d’une rénovation complète (façades, salles de bains, cuisines, ventilation, réseaux d’électricité…), l’installation a trouvé sa place en sous-sol de cette barre de onze niveaux et de 120 m de longueur. Sur une facture totale de la rénovation de 15,9 M€ TTC, le prix de l'ERS représente un coût de 256 000 € HT.

 

De l’individuel au collectif

 

« Nous avons lancé un plan stratégique et énergétique de notre patrimoine de 50 000 logements, explique Jean-Paul Wawrzynowicz, directeur du Patrimoine de France Habitation. Nous voulons rendre les bâtiments le plus passif possible et travailler sur les systèmes techniques les plus efficaces. »

 

Précédemment, les appartements étaient équipés d’un chauffe-bain individuel. France Habitation souhaitait aussi, profitant du chantier, s’affranchir des dépenses de maintenance des appareils. L’objectif final étant de réduire les charges tout en améliorant le confort.

 

Sur ce chantier confié au cabinet HB Architectes et au bureau d’études fluides et énergie IE Conseil, plusieurs projets ont été étudiés (solaire…) avant de retenir ce mode d’exploitation de l’énergie fatale.

 

« L’équipement compact placé en sous-sol, au centre de la barre d’immeuble, reçoit les effluents de 203 des 223 logements, explique Caroline Marlange, ingénieure et cogérante du BET IE Conseil. Pour respecter la pente nécessaire pour recevoir les eaux usées dans le local technique, nous avons été obligés d’abandonner la récupération des eaux grises des appartements en pignon. »

 

Réduire les charges

 

Ces rejets sont conduits, par les descentes et les canalisations horizontales isolées (d’une capacité de 40 m3/h dans leurs derniers mètres) vers deux cuves en inox 304 L, isolées et d’un volume 1 450 l et de 1 200 l.

 

Pour accueillir ces cuves avec une pente suffisante, il a cependant fallu décaisser le sous-sol d’environ 2 m de profondeur sur près de 30 m2. À l’intérieur, les eaux sont d’abord décantées, puis circulent sur l’échangeur par phénomène de thermosiphon.

 

La pompe à chaleur de 80 kW – à deux compresseurs étagés de 40 kW chacun – a été réalisée par le fabricant SDEEC (basé dans l’Hérault), spécialiste des équipements sur cahier des charges.

 

 

  1. Les cuves de récupérations des eaux usées : après une décantation, elles sont mises en contact avec l’échangeur relié à la pompe à chaleur. Ces éléments compacts (1 450 l et 1 200 l) sont réalisés en Inox 304 L. Leurs parois sont thermiquement isolées. © B. Reinteau

 

En attente des résultats d’exploitation

 

La pompe à chaleur est accompagnée d’un module de régulation Trend qui permet de suivre son fonctionnement. Une carte GMS permet notamment de rapatrier les données selon une fréquence programmable. L’eau chaude produite est stockée dans deux ballons de 1 000 l chacun. L’appoint est assuré par la chaufferie dans un local technique voisin.

 

France Habitation et IE Conseil ne sont pas encore en mesure de livrer les résultats d’exploitation ; ils attendent la fin de la saison de chauffe et une année complète d’utilisation.

 

Mais le bureau d’études a cependant calculé que l’installation participait sensiblement à la réduction de consommation d’énergie de l’immeuble : de 163 kWh/m2.an avant travaux, elle est conventionnellement ramenée à 65 kWh/m2.an.

 

Soit un niveau BBC Rénovation et une étiquette énergétique B. Ce qui, selon France Habitation, devrait se traduire concrètement par une réduction des charges mensuelles d’eau chaude de 30 €.

 

 

  1. La pompe à chaleur de 80 kW de type eau/eau est spécifiquement conçue pour ce type d’usage. Le Cop de l’installation est de 4. © B. Reinteau

 

 

  1. La régulation permet de suivre les performances de production d’eau chaude et les différentes phases d’exploitation et d’entretien. © B. Reinteau

 

Couverture de 100 % des besoins certains jours

 

Le bailleur social table sur une production d’ECS assurée à près de 80 % par l’ERS ; certains jours de l’été 2015, la récupération d’énergie et les pompes à chaleur ont couvert 100 % des besoins.

 

Alain Mouré souligne aussi le côté “économie circulaire” de son produit : « L’importante énergie consommée par les appareils ménagers, lave-linge ou lave-vaisselle, est collectivement mise à profit pour la production d’eau chaude. »

 

Pour sa part, Caroline Marlange souligne bien que, si les locataires des pignons ne participent pas techniquement à la collecte du gisement de chaleur fatale, ils reçoivent une eau chaude sanitaire montée à température par l’ERS.

 

 

  1. L’eau chaude est stockée dans deux ballons de 1 000 l. Ils sont reliés avec la chaufferie gaz à condensation de l’immeuble qui assure l’appoint. © B. Reinteau

 

Du prototype au standard

 

En quelques années, Biofluides Environnement est passée de prototypes aux versions désormais semi-industrialisées : pompes à chaleur réalisées dans le sud de la France, cuves en Inox avec échangeur produites à Troyes ou à Meaux, ballons standard…

 

La prise en compte des volumes d’eau chaude réellement consommés – beaucoup moins importants qu’escompté – et la conception d’un système de production d’ECS pratiquement semi-instantané ont aussi permis de réduire considérablement les installations.

 

Le délai entre l’entrée des eaux usées et leur sortie à l’égout peut-être de seulement une heure ; ainsi, l’ERS n’est pas calculé sur le volume stocké, mais sur la simultanéité entre le rejet d’eau usées et le besoin d’eau chaude.

 

De même, les problèmes d’entretien de l’échangeur rencontrés sur les premières installations sont désormais réglés. Pour éviter leur encrassement et la perte de rendement, les cuves sont vidangées chaque nuit ; et, tous les quatre ou cinq jours, des buses complètent ce nettoyage avec la projection d’une eau à 38°C. Enfin, tous les ans, un prestataire intervient pour effectuer un nettoyage complet.

 

Servir tous les marchés

 

Pour étendre le marché de ces installations, ce fournisseur adapte sa technologie. En premier lieu, des modèles spécifiquement conçus pour des constructions collectives neuves, de 10 à 30 logements, ont été mis au point. Autre domaine à servir : la rénovation.

 

Dans les immeubles résidentiels collectifs, le problème à prendre en compte est l’absence de réseaux d’assainissement séparées : eaux usées et eaux vannes sont évacuées ensemble à l’égout.

 

Une version de l’ERS avec cuve dotée d’un broyeur et pompe à chaleur spécifiquement adaptée à la température de l’effluent (18 à 20°C) est en cours de développement. Quant à l’ERS “classique”, une version avec filtration des eaux en sortie de cuve pour leur réutilisation dans les chasses d’eau de l’immeuble est étudiée.

 

Le dossier est actuellement soumis aux services du ministère de la Santé, et un chantier en cours à Paris est dans l’attente de cette décision administrative.

 

ValorEU : le rassemblement des industriels de l’énergie fatale

 

En décembre 2015, cinq industriels du secteur de la valorisation des eaux usées se sont réunis au sein de l’association ValorEU.

 

Elle rassemble trois acteurs des solutions passives – Solénove Énergie, Gaïa Tech, EHtech – et deux acteurs des solutions actives – Biofluides Environnement et Solaronics Chauffage, désormais propriétaire du système Facteur 7 développé par Denis Clodic et EREIE.

 

Son objectif est de faire valoir l’intérêt de ces technologies de récupération de calories auprès des pouvoirs publics et des prescripteurs.

 

 

Source : batirama.com / Bernard Reinteau / Crédit photo d'ouverture : Bruno des Gayets

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