Individualisation des frais de chauffage : les raisons d’une polémique (2/2)

Le décret sur l'individualisation des frais de chauffage en immeubles collectifs fait débat. En cause, le fonctionnement thermique des logements, variable, au sein de l?immeuble...

Christian Cardonnel, président du bureau d’études Cardonnel Ingénierie, a mis l’accent sur le fonctionnement thermique des logements au sein d’un immeuble, lors de la conférence organisée par L’Association des Journalistes de la Construction pour faire le point sur ce sujet.

 

Les critères prépondérants qui distinguent les consommations d’énergie sont l’orientation de l’appartement et le comportement des usagers. Avec une façade principale au nord, les locataires ne bénéficient pas des apports solaires qui contribuent au confort de ceux orientés plein sud.

 

Si, de plus, ils choisissent de surchauffer par rapport aux 19 °C standard, ils participent au vol de chaleur par leurs voisins mieux lotis… Ce thermicien pointe aussi du doigt quatre sujets.

 

Audit énergétique des copropriétés

 

En premier lieu, il souligne que cette obligation d'individualisation vient télescoper l’autre obligation applicable avant la fin de l’année 2016 : l’audit énergétique des copropriétés de plus de 50 lots alimentées par un chauffage central.

 

Cette opération consommera déjà plusieurs milliers d’euros à la copropriété. Au pire, le nouveau décret pourrait être appliqué avant la fin de l’examen détaillé de l’immeuble. Situation qu’il qualifie de “catastrophique”.

 

Le deuxième point soulevé porte sur l’intérêt de la répartition du chauffage au regard de la performance du bâtiment. Si comptage ou répartition de la chaleur réellement consommée font baisser la consommation d’énergie – selon lui, de seulement 10 à 15 % –, un tel ratio présente peu d’intérêt dans un immeuble récent, aux normes basse consommation d’énergie ; le coût annuel de gestion de ces appareils peut même renchérir les charges.

 

Un effet “gendarme”

 

Troisièmement, cette mesure seule n’a qu’un « effet gendarme », sans action concrète pour améliorer l’efficacité thermique du logement. Les moyens versés aux gestionnaires de ces systèmes – pratiquement 750 € sur quinze ans par logement – seraient plus utilement utilisés en isolation, régulation, équilibrage de réseaux…

 

Et quatrièmement, en se basant sur le travail de l’Ofen ou Office fédéral de l’énergie suisse, il rappelle que les frais de chauffage liés à la seule consommation ne compte que pour la moitié de la facture annuelle, l’autre étant composée de frais généraux : coût d’exploitation, chauffage des parties communes, pertes d’énergie par les fumées et les réseaux… En France, certains réseaux de chauffage urbains affichent même une partie fixe égale à 70 % du montant de la facture.

 

 

 

 

 

  1. Le bilan énergétique d'un immeuble varie sensiblement en fonction de l'orientation des appartements et du comportement des occupants. Les cas extrêmes sont l'économie de chauffage dans un logement bien exposé aux apports solaires et la surchauffe dans celui exposé au nord.

 

Mieux informer les copropriétaires et résidents

 

Juriste du secteur habitat de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), David Rodrigues, souligne d’emblée qu’il n’est pas opposé au comptage réel de chaleur consommés. Il insiste pour souligner que contrairement aux sondages d’opinion en circulation ces derniers jours, « il n’y a ni rejet, ni engouement sur cette question. »

 

Il s’alarme surtout de la contrainte et de la mise en œuvre « à marche forcée ». En contrepartie, il apprécierait « un engagement contractuel » des prestataires de comptage sur les annonces d’économie d’énergie…

 

Ses critiques visent aussi le manque de temps pour informer les copropriétaires. « Qu’est-ce qu’on individualise ? La consommation du combustible ! » Reprenant la démonstration de Christian Cardonnel, il préfère parler d’une « répartition des frais de combustible ». Un point important pour contrecarrer un discours qui serait : si vous n’ouvrez pas vos radiateurs, vous ne paierez plus de chauffage.

 

Lourdeur des procédures

 

Il attaque aussi sur le terrain des coûts en mentionnant la lourdeur des procédures en copropriété : la modification éventuelle du règlement de copropriété, le passage d’un expert avant la pose des répartiteurs, le coût des actes, la modification des honoraires du syndic pour la gestion de ce nouveau contrat…

 



Source : batirama.com / Bernard Reinteau

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