Déchets : un enjeu pour toute la filière

Face à la future obligation de collecte, les distributeurs de matériaux prônent une mutualisation à l?échelle territoriale et estiment que le sujet doit impliquer toute la filière.

« Nous sommes un peu angoissés par cette problématique… » C’est en ces termes que Géraud Spire, le président de la Fédération du Négoce Bois Matériaux (FNBM) a ouvert les débats de la table-ronde organisée lors de l’assemblée générale annuelle.

 

Il fait référence à l’article 21 quater de la loi sur la transition énergétique qui indique qu’à compter du 1er janvier 2017 « les distributeurs de matériaux de construction doivent s’organiser pour reprendre à proximité des sites de distribution, les déchets issus des mêmes types de matériaux. »

 

« Nous avons découvert cet article en octobre 2014… La loi n’était pas encore votée, précise Géraud Spire. Nous avons essayé de l’écarter, en vain… Aujourd’hui, nous discutons sur les modalités d’application du décret. »

 

Faute d’avoir réussi à faire supprimer cet article, la FNBM demande un  report de la date d’entrée en vigueur à 2020, « le temps de mettre en place les différentes solutions choisies », explique Géraud Spire.

 

Pas de report à 2020

 

Il n’est pas le seul à prêcher pour un report. Parmi les invités à la table-ronde, nombreux partagent son avis, comme Erwann Le Meur, président de Federec BTP ou encore Vincent Hannecart, patron de Saint-Gobain Placoplatre.

 

De même, Jean-Yves Burgy, associé fondateur du cabinet Recovering spécialisé dans la planification de la gestion des déchets du BTP estime que « la loi doit accompagner plus que précéder… ».  Mais selon nos dernières informations, le gouvernement n’envisage pas de repousser l’échéance.

 

Egalement présente au débat, Christine Cros, chef du bureau de la planification et de la gestion des déchets au ministère de l’écologie et du développement durable a invité les professionnels présents à faire des propositions rapidement. « Nous en sommes à la rédaction de la deuxième version du décret. Faites vos suggestions mais rapidement. »

 

Priorité au tri

 

De l’avis de tous, il faut mutualiser les moyens existants. Pour autant, il y reste encore beaucoup à faire en amont, comme tout d’abord réduire les déchets à la base. « C’est le travail des industriels, estime Damien Nowak, responsable nouveaux métiers et service de Saint-Gobain Isover.

 

Aujourd’hui, les process de fabrication de la laine de verre ont permis de réduire le taux de chute à 1%. De même, grâce à la compression des produits, un camion suffit à transporter la même quantité de marchandise aujourd’hui que 10 camions il y a 10 ans. C’est autant de palettes et de plastique en moins ! »

 

Les entreprises ont également un rôle important à jouer. En effet, le premier acte de recyclage commence sur le chantier par le tri. Et les obligations en la matière concerne le papier, le verre, le métal, le bois et le plastique.

 

Pour Damien Nowak, « le tri sur chantier n’est pas toujours évident pour l’artisan. Ouvrir des points de collecte dans les négoces représenterait un maillon, supplémentaire… » « Certes, mais le négoce n’a pas pour vocation de trier, s’emporte Géraud Spire. Et puis, il existe 5000 points de ventes en France et sûrement pas besoin de 5000 plateformes de collecte supplémentaires. »

 

Mutualiser les moyens

 

Pour Raphaël Gas, directeur de Serfim Recyclage, « certains secteurs géographiques sont déjà organisés pour accueillir les déchets des artisans. Nous devons travailler sur un maillage du territoire, au niveau régional ou départemental pour voir ce qui existe déjà. »

 

En effet, certaines déchetteries accueillent les déchets du BTP ce qui est de moins en moins le cas des structures mises en place par les collectivités lesquelles ont sérieusement restreint les apports des professionnels. Autre piste, relancer les plans de gestion territoriale des déchets du BTP, au point mort.

 

Enfin, il semble indispensable que les distributeurs nouent des partenariats avec des sociétés spécialisées, faute de pouvoir tous s’organiser pour répondre à leurs obligations. « Actuellement moins de 2% des points de vente répondent à l’obligation de collecte », indique Géraud Spire.

 

Artisans, négoces, industriels, prestataires de service, chacun doit trouver comment se positionner sur la chaine de valeur afin de répondre aux enjeux. Rappelons l’objectif européen à 2020 en la matière : 70% de réemploi, recyclage ou valorisation matière des déchets de construction et de démolition.



Source : batirama.com / Céline Jappé

 

 

Des modalités qui restent à définir

 

Le décret d’application qui devrait être prêt d’ici octobre devra définir le cadre légal à savoir :

 

 

Groupe Chavigny, un négociant exemplaire

 

A la tête de trente points de vente généralistes principalement dans l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher, le groupe familial Chavigny s’est lancé il y a 3 ans dans une activité de recyclage de matériaux. Rencontre avec son dirigeant, Pascal Chavigny.

 

Batirama : Comment avez vous été amené à créer une filiale de recyclage ?

Pascal Chavigny :

Nous sommes des négociants mais aussi des industriels. Depuis 10 ans, nous assurions le recyclage du béton dans le cadre de notre activité d’exploitation de carrière. Nous avions déjà un pied dedans avec les granulats. En 2012, je suis allé à une réunion d’information à Paris sur le recyclage des matériaux de construction. C’est à ce moment que j’ai décidé de créer une filiale spécifique.

 

Comment fonctionne cette activité ?

Nous collectons les déchets de nos clients dans trois centres d’apports volontaires dont l’accès est sécurisé via un système de badge. Nous envisageons d’ouvrir deux autres centres d’ici 2016. Nous avons également installé 300 bennes chez nos clients et nous proposons un système de big bag pour récupérer les déchets sur les chantiers. Une fois collectés, nous les apportons dans notre centre de tri situé à côté de Vendôme (41). Une fois triés, nous externalisons à des prestataires leur revalorisation.

 

Quels investissements avez vous réalisé ?

Environ 3 millions d’euros. La filiale emploie aujourd’hui 9 personnes à temps plein : trois chauffeurs, 2 personnes au bureau, 3 au tri et un commercial.

 

Est ce rentable financièrement ?

Pour l’instant non. Mais c’est un service que nous facturons à nos clients et notre objectif est qu’il soit rentable à terme.

 

Qu’est ce qui freine le développement aujourd’hui ?

Il existe beaucoup de centres d’enfouissement dans notre région. C’est une vraie concurrence pour nous, au détriment de la valorisation.

 

Quel est le bilan annuel de cette filière ?

Nous récupérons environ 10 000 tonnes de déchets chaque année. Ils sont valorisés à hauteur de 60%. Pour le béton, le plâtre, le plastique, les films PVC et les métaux, le taux de recyclage est proche de 100% ! C’est plus compliqué avec d’autres matériaux, comme la laine de verre par exemple.

 

Source : batirama.com / Propos recueillis par Céline Jappé

 

 

Encadré

Une application pour faciliter l’apport volontaire

 

La FFB a créé une application à destination des professionnels afin de faciliter la recherche des prestataires chargés de la collecte et du traitement des déchets du BTP.

 

La première application pour smartphone « Déchets BTP » vient d’être créée par la FFB. Téléchargeable gratuitement par tous les artisans et entrepreneurs du secteur sur Apple Store, Play Store et Windows Store, cet outil permet de trouver les prestataires chargés de la collecte et du traitement des déchets (recyclage, valorisation, élimination), les plus proches de leurs chantiers, notamment en se géolocalisant.

 

Une fiche détaillée précise, pour chaque centre, les coordonnées, contacts, déchets acceptés, horaires d’ouverture… L’application propose également un calcul d’itinéraires, la mémorisation des chantiers en cours ou des centres de traitement favoris. Une foire aux questions complète ces services en apportant des informations essentielles pour la bonne gestion des déchets de chantier.

 

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