Solaire thermique (1) : rien ne va plus mais rien n'est perdu !

Le solaire thermique baisse depuis 2008. Mais la profession s'organise pour ressusciter le marché : nouvelles ambitions et qualifications, nouveaux systčmes et financements...

Selon Uniclima, le marché du solaire thermique a baissé de 21% en moyenne entre 2013 et 2014. L'an dernier, 75.000 m² de panneaux solaires ont été posés pour des installations individuelles (-21%) et encore 75.000 m² pour des installations collectives (-22,6%). Bien que plus sévère en France, cette baisse est générale à travers l'Europe.

 

Cette tendance négative s'explique d'abord par une conjoncture défavorable. La baisse des prix du fioul et du gaz naturel allonge considérablement le temps de retour d'une installation solaire thermique.

 

Mais, comme le souligne Robin Welling, président d'ESTIF (l'association européenne des industriels du solaire thermique, www.estif.org) et dirigeant de Tisun, toute la filière du solaire thermique européenne a une responsabilité majeure.

 

Conjoncture et mauvaises politiques

 

L'industrie et les installateurs européens vivent depuis 30 ans avec divers régimes de subvention et de soutien fiscal des installations solaire thermique. Résultat, si les technologies européennes sont en pointe au niveau mondial, elles demeurent nettement plus chères que ce que proposent les industriels asiatiques, indiens  et israéliens.

 

Les installateurs ont pris l'habitude de marges confortables, ajustant systématiquement leur prix à la hausse, en fonction du montant des aides allouées dans chaque pays, dit-il. Enfin, une grande partie de l'Europe pâtit d'une multitude de règles d'urbanisme qui freinent inutilement le développement du solaire thermique

 

Il en veut pour preuve, le fait que l'Europe du Nord accepte mal le chauffe-eau solaire à thermosiphon, pourtant efficace pour la production d'eau chaude, simple à poser, peu coûteux, très fiable et qui, si on ne fait pas appel à sa résistance d'appoint, ne consomme pas d'autre énergie que celle du soleil.



 

  1. Les grecs s’embarrassent moins que nous de règles esthétiques. Depuis l’Aéropage à Athènes, juste en dessous de l’Acropole, on voit des centaines de chauffe-eau solaires à thermosiphon, sans que cela dérange quiconque.
    Doc. PP



 

  1. De même, à Porto, des immeubles collectifs neufs sont équipés de CESI en thermosiphon, à raison d’un par appartement.
    Doc. PP

 

De nombreux obstacles réglementaires

 

En France, de nombreux obstacles réglementaires particuliers ont été ajoutés. Premièrement, le label BBC RT2005 a été un formidable vecteur de développement du solaire thermique. Lorsque la RT2012 est arrivée, ce label a disparu, sans être remplacé par un autre dispositif incitant à faire mieux que la RT.

 

Le label BBC, rappelons-le, n'était pas obligatoire et ne coûtait rien à l'Etat. Il permettait juste aux Maîtres d'ouvrage de construire plus de m² sur une même surface de terrain en fonction de la performance thermique atteinte. Ce qui, au passage, procurait plus de rentrées fiscales aux communes et à l'Etat.

 

Deuxièmement, la RT2012 rend obligatoire l'emploi des ENR seulement en maison individuelle, pas en collectif, ni en tertiaire. La version 2015 qui a augmenté le Cepmax pour un certain nombre de bâtiments, incite encore moins à utiliser les ENR.

 

Pourtant, tout le monde sait que la prochaine RT en 2018 pour les bâtiments publics neufs, en 2020 pour tous les bâtiments neufs, visera le BEPOS et rendra incontournable le solaire thermique et photovoltaïque. Ce n'est pas le moment de perdre le savoir-faire français en solaire thermique.



 

  1. Le couple solaire thermique/chaufferie gaz à condensation est devenu un standard efficace dans le collectif pour atteindre le label BBC RT2005. L’avènement de la RT2012 a brutalement coupé son développement. Depuis deux ans, il ne se fait pratiquement plus de solaire en collectif neuf.
    Doc. PP

 

De nouveaux clous dans le cercueil du solaire thermique

 

Une étude de USH (Union Sociale pour l'Habitat), livrée en septembre 2013 et réalisée en partenariat avec l'Ademe et GrDF, a en quelque sorte enfoncé de nouveaux clous dans le cercueil du solaire thermique.

 

Intitulée “Etude d'optimisation des installations d'eau chaude sanitaire solaire en logement social – Rapport d'analyse transversale de l'expertise de 15 installations de production d'ECS solaire”, cette étude porte seulement sur 15 installations et seulement sur des installations ne donnant pas satisfaction.

 

Une lecture trop rapide a conclu au fait que le solaire thermique, globalement, fonctionne mal, coûte trop cher à l'investissement, mais aussi à l'exploitation. Ce qui est un comble pour une solution fonctionnant à base d'énergie gratuite.

 

Sur les 15 opérations examinées, 12 installations comportent des chauffe-eau solaires collectifs, dits CESC : captage collectif, stockage collectif et appoint collectif. Une opération relève du CESCAI : chauffe-eau solaire collectif avec appoint individualisé (captage collectif, stockage collectif, appoint individuel).

 

Une installation fait appel à un CESCI : chauffe-eau solaire collectif avec stockage et appoints individualisés (captage collectif, stockages et appoints individuels). Une opération est équipée de CESI : captage, stockage et appoint individuels.

 

Des erreurs dès la conception

 

Le rapport met en évidence des erreurs caractéristiques dès la conception :  « estimation inadaptée des besoins d'ECS, choix du solaire non-pertinent en termes de coût global (investissement et coût d’exploitation), complexification des schémas hydrauliques pour optimiser le taux de couverture, non-prise en compte en amont du solaire dans la conception du bâtiment, confusion entre taux de couverture et taux d’économie, périmètre du taux de couverture non-explicité, outil de dimensionnement non-adéquat, cahier des charges travaux trop succinct, compétences trop généralistes des bureaux d’études ».

 

Le rapport rappelle que « les règles de dimensionnement pour une installation solaire préconisent de ne pas dépasser 80% de couverture des besoins durant le mois le besoin en ECS est le plus faible. Parmi les installations auditées, la moitié étaient surdimensionnées, l'autre moitié sous-dimensionnée ».

 

Bref, si ces installations ne fonctionnent pas correctement, ce n'est pas un hasard. Résultat, l’USH, toujours avec GrDF et l’Ademe a conçu et s’apprête à publier courant avril 2015, un guide de conception, dimensionnement, installation et exploitation des installations solaires thermiques collectives. Il sera gratuit pour les membres de l’USH (les organismes HLM), payant pour les autres


 

  1. Les installations solaires collectives, surtout de grande puissance, sont des systèmes complexes. Ils doivent être correctement conçus, dimensionnés, exploités et maintenus.
    Doc. Viessmann



 

  1. Les constructeurs de panneaux, dont l’autrichien Tisun, ont développé des panneaux spécifiques, de grandes dimensions pour les installations collectives. Cela accélère considérablement la pose.
    Doc. PP



 

  1. Les vertus de la taille : ce panneau Tisun nécessite deux raccordements seulement, Au lieu de 6 au minimum pour les 5 panneaux individuels qu’il remplace, voire 12 si l’on veut pouvoir isoler un panneau.
    Doc. PP

 

De nouvelles qualifications

 

Cette étude de l'USH a provoqué un sursaut dans la profession. Enerplan, l'Ademe et d’autres …  ont admis qu'il fallait augmenter la compétence globale des acteurs en solaire thermique pour redonner confiance aux Maîtres d’Ouvrage.


Par conséquent, la qualification Qualisol Thermique Collectif sera lancée fin mai 2015 par Qualit’ENR et garantira le savoir-faire des installateurs. Des formations sont déjà prévues au Costic et à l’INES pour les installateurs candidats.


Depuis le 1er janvier 2015, pour accorder des aides en solaire thermique (audits énergétiques, études thermiques, études de faisabilité ENR...), l'Ademe demande que le Bureau d'Etudes soit qualifié “RGE-Etudes”.

 

Quatre organismes délivrent cette qualification : l'OPQIBI, l'OPQTECC pour les économistes de la construction et les programmistes, I.Cert l'englobe dans sa certification BENR (Bureaux d'Etudes thermiques pour le Neuf et la Rénovation), tout comme Certivea l'incorpore à sa certification “NF Etudes Thermiques”.

 

Seules les qualifications 2010 (à titre transitoire, cette qualification correspond à RGE seulement jusqu’au 31/12/2015) et 2014 de l’OPQIBI portent spécifiquement sur le solaire thermique. Près d'un millier de BE sont déjà qualifiés “RGE-Etudes”.

 

Depuis 2013, le programme RAGE a publié 6 rapports ou recommandations professionnelles sur le solaire thermique collectif et individuel. Ces textes portent particulièrement sur la conception et le dimensionnement et sont librement téléchargeables

 

Le second article sur le solaire thermique aborde les références, les sources de bonnes pratiques, les financements et les nouveaux produits.




 

  1. Dès 2018, tous les bâtiments neufs publics seront Bepos. Dès 2020, tous les bâtiments neufs devront l’être aussi. Ce n’est pas le moment de perdre tout savoir-faire en solaire thermique.
    Doc. PP



Source : batirama.com / Pascal Poggi

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