Chaînage discontinu : fissures certaines !

Des fissures verticales se sont rapidement ouvertes dans les enduits de façade à proximité des angles pignons/façades au niveau des encuvements d?une maison individuelle. Quelle en est l?origine, pouvait-on les éviter ?


La maison ne présentait pas de désordre de façade lors de la réception des travaux effectuée en présence du constructeur. Dans les mois qui ont suivi, le maî­tre d’ouvrage a remarqué l’apparition de très fines fissures verticales en pignons, au droit des encuvements*, à la jonction entre les façades et les pignons. Celles-ci se sont sensiblement aggravées dans les années qui ont suivi. Le maître d’ouvrage et sa famille sollicitent une expertise.

 

Maçonnerie de blocs béton creux


La maison comporte des combles aménagés entre des encuvements de maçonnerie. Il y a un sous-sol général. Les fondations sont des semelles de béton. Tous les murs porteurs ont été réalisés en maçonnerie de parpaings creux, de 20 cm d’épaisseur en façade. Le constructeur affirme avoir réalisé les chaînages horizontaux et verticaux tels que prescrit par le DTU. Les enduits de façade sont du type projeté monocouche. La charpente est traditionnelle.


Des fissures ouvertes en partie haute


 Le technicien chargé de l’expertise constate que les fissures sont plus ouvertes en partie haute qu’en partie basse. Elles ne descendent pas plus bas que le niveau du plancher des combles. Aucune infiltration d’eau n’est observée intérieurement derrière les fissures. En sous-sol aucune fissuration n’affecte les murs de maçonnerie. Les versants de toiture ne présentent pas de déformation perceptible et les habillages sous toiture ne sont pas fissurés.

Diagnostic : un chaînage horizontal discontinu !


Les fondations ne sont pas en cause. La localisation et l’allure des fissures sont symptomatiques d’une discontinuité du chaînage horizontal situé en haut des encuvements.
Des sondages destructifs révéleraient que des aciers ont bien été mis en œuvre dans les corniches en rives d’égout mais que ceux-ci n’ont pas été prolongés en pignon pour constituer un ceinturage continu tout autour de la construction. Les légères poussées horizontales exercées par la charpente peuvent avoir aggravé ou déclenché le phénomène en poussant au vide les encuvements. Aucun harpage façade/pignon ne peut y résister en l’absence de chaînage horizontal continu. Même en l’absence de poussées en provenance de charpente des fissures peuvent apparaître, souvent avec moins d’ampleur, et du seul fait des phénomènes de retrait-dilatation des maçonneries.


Pierre Beaunier, Fondation d’Excellence SMA

 

Responsabilité et garantie : qui est concerné ?

 

Le constructeur et son sous-traitant maçon sont concernés. L’artisan, bien sûr, puisqu’il n’a pas réa­lisé de chaînage horizontal continu au niveau des encuvements. La responsabilité du constructeur qui assume la maîtrise d’œuvre est également impliquée. Il devait d’abord élaborer des préconisations appropriées, des plans de détail, par exemple, et ensuite il devait contrôler, en cours de chantier, que la mise en œuvre était conforme aux règles de l’Art.
 Toutefois, les assureurs concernés n’accorderont leur garantie que dans la mesure ou le désordre « compromet la solidité de l’ouvrage » (la construction dans sa globalité) ou le « rend impropre à sa destination ». Selon la gravité des fissures et leur évolution dans le temps, la garantie sera ou ne sera pas accordée. Les intervenants à l’Acte de construire risquent donc de n’être pas garantis bien que le désordre soit avéré. En l’absence d’infiltration, ici, il n’y a pas impropriété à la destination.

 

Que fallait-il faire ?

 

Pour éviter ces fissurations, il faut respecter scrupuleusement les Règles de calcul du DTU 20.1 Ouvrages en maçonnerie de petits éléments (norme XP P 10-202-2). Celles-ci imposent la réalisation de chaînages horizontaux dans tous les murs porteurs (façades et refends), au niveau des planchers ainsi qu’en couronnement. Elles précisent que ce chaînage est en béton armé, continu et fermé, et qu’il doit être liaisonné aux chaînages verticaux. La section des aciers à mettre en œuvre est fonction de la nuance de l’acier et est précisé dans le DTU.

En outre, dans les zones à risques sismiques, il faut respecter les règles dites PS MI 89 (NF P 06-014) qui sont plus exigeantes encore. L’entrée en vigueur imminente des Eurocodes?1 et 2 imposera des dispositions plus sévères et des sections plus importantes.

* Encuvement (ou garde-grain dans certaine région) : parties supérieures des murs de façades situées au-dessus du dernier plancher. Généralement associé à une charpente traditionnelle sur blochets.

 

Réparations : un coût élevé

 

Si la solidité de l’ouvrage est compromise, il faudra créer des saignées dans les maçonneries pour ajouter les aciers de chaînage manquant. Cela nécessitera  ensuite la reprise des enduits de façade. Le coût de réparation sera donc très important. Le maître d’ouvrage pourrait, en outre, réclamer une indemnité couvrant les préjudices résultant des nuisances attachées aux réparations.

 

Conseil de prévention

 

Constructeurs et entrepreneurs se doivent de posséder les DTU 20.1 (norme XP P 10-202-2) et les règles PS MI 89 (NF P 06-014) (en zone sismique), et de les respecter scrupuleusement. En cas de doute ou de difficultés, ils ne doivent pas hésiter à solliciter un BET ou un ingénieur conseil. Un désordre, même garanti, coûte de l’argent à son responsable (temps passé, franchise, contre publicité).
 



 


























 

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