Innovation : les pouvoirs publics ouverts aux dérogations

Innovation : les pouvoirs publics ouverts aux dérogations

Le CSTB, suivi par la DHUP, va promouvoir les ATEx enrichis, mieux adaptés aux innovations de rupture. 




La DHUP annonce une préfiguration de l'application de la future réglementation environnementale dans le bâtiment.

 

L’étau réglementaire se détend. Depuis l’an passé, à la faveur de l’application des mesures de simplification des réglementations de la construction, l’administration autorise des solutions techniques équivalentes à celle prescrite dans les arrêtés sur la base d’un dossier argumenté déposé par le maître d’ouvrage.

 

 

  1. La deuxième journée de rencontres organisée par le réseau national d'accompagnement (RNA) déployé par le CSTB a rassemblé quelque cent industriels et partenaires autour de deux sujets : l'ouverture réglementaire et l'évaluation environnementale.

 

Comme l’a évoqué Koumaran Pajaniradja, adjoint au sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction de la DHUP, lors de la deuxième journée organisée par le CSTB avec le Réseau National d’Accompagnement, le 21 juin, « il s’agit de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. »

 

Industriels et prescripteurs ont fait le point sur leurs premières expériences. Olivier Gaujard, représentant de l’interprofession Legnu Vivu, avait mis la barre haut. Ce spécialiste des structures bois a imaginé des constructions à niveaux isolées avec de la paille. La chose est courante depuis des années outre-Rhin.

 

Bois, ventilation… : de nombreux secteurs ouverts

 

Comment, avec un bâti d’un pouvoir calorifique qu’il qualifie lui-même de « colossal » peut-on espérer répondre à la réglementation incendie ? Un passage par les laboratoires Sécurité, Structures et Feu du CSTB lui a permis de démontrer que sa solution ne présentait pas de point faible et était coupe-feu en façade et en plancher.

 

De fait, il devient désormais possible de proposer une construction bois-paille pour un bâtiment public. Olivier Gaujard évoque déjà la possibilité de produire des ouvrages de quinze, voire trente étages.

 

Autre point de blocage rencontré en construction bois : la cage d’ascenseur. Jusqu’à présent, les arguments pour interdire le matériau bois reposaient sur la stabilité, la réponse aux sollicitations sismiques… « Nous franchirons aussi ce cap réglementaire », rassure Olivier Gaujard.

 

Anne Voetzel-Léveque, directrice du département Sécurité, Structures, Feu du CSTB précise sa position. « L’analyse de ces ouvrages demande une approche pluridisciplinaire, car ce sont des bâtiments complexes. Il faut définir les scénarios d’incendie probables, procéder à des simulations et des essais, puis évaluer les conséquences en termes constructif et d’organisation. »

 

Une vision globale des ouvrages

 

De cette manière, les concepteurs peuvent répondre globalement aux obligations réglementaires à l’échelle de l’ouvrage, sans pour autant respecter précisément la réglementation en tous points.

 

Anne Voetzel-Léveque évoque ainsi le développement d’une ingénierie de la sécurité incendie fondée sur le désenfumage, la stabilité des structures et, en résidentiel, le comportement de l’ouvrage et sa réaction au feu.

 

Pour leur part, les pouvoirs publics délèguent à des acteurs reconnus pour leurs compétences l’analyse de ces bâtiments et statuer sur leurs performances globales. En fait, il s’agit là d’une possibilité de dérogation déjà existante : les demandeurs pouvaient défendre leur dossier auprès des autorités – services préfectoraux, commissions ad hoc… – et bénéficier d’un avis de l’État.

 

À noter que cette situation très administrative tient à la disparition de la Commission centrale de sécurité (CCS) du ministère de l’Intérieur, fin 2012, pour un motif de « simplification normative et de gel de la réglementation ». Mais se pose désormais la question de la compétence des autorités locales sur ces sujets très techniques et particulièrement sensibles.

 

Réduire le coût de l’innovation

 

Guillaume Rabut, qui a suivi le projet de dalle active béton Greenfloor chez Vinci Énergies (chauffage, rafraîchissement et ventilation, voir https://vimeo.com/77120451) décrit pour sa part le parcours chaotique et classique des innovateurs : sans appréciation technique expérimentale de système (ATEx a), on lui propose d’opter pour une version d’ATEx b, pour des projets de chantier… Ce qui est impossible à obtenir sans références de… chantiers.

 

Finalement, ce constructeur a contourné l’obstacle en créant un démonstrateur conçu et suivi par les experts de l’entreprise, et en testant cette solution sur des chantiers R + 1 pour lesquels les maîtres d’ouvrages n’étaient pas demandeurs d’Atex. Ces tests étaient complétés par un suivi du CSTB.

 

Cette procédure s’est avérée moins compliquée et plus commercialement acceptable que l’instruction complète d’un dossier, d’une durée minimale de cinq mois.

 

Pour autant, l’exemple souligne l’importance des moyens à déployer pour parvenir à une bonne fin ; l’investissement n’est guerre adapté aux petites et moyennes entreprises.

 

Jacques Gandemer, expert indépendant en aéraulique et aérodynamique – qui a œuvré sur ces sujets au CSTB durant presque trente ans – a développé son expérience à l’occasion de la construction d’un amphithéâtre de 550 places à l’université de Saint-Denis de la Réunion.

 

Face aux représentants du maître d’ouvrage, il oppose une ventilation naturelle à une climatisation classique. Convaincant, il emporte l’adhésion moyennant l’aménagement d’un local technique en prévision de la pose d’un équipement en cas d’échec. Son concept fait mouche : la satisfaction des occupants est optimale, et la différence de consommation d’énergie avec l’équipement de l’amphithéâtre voisin atteint un facteur 6.

 

Impliquer les concepteurs avec les industriels

 

Quel enseignement en tire-t-il ? Le changement repose sur la “pédagogie”, sur l’acceptation “de nouveaux modes de pensées” et sur l’émulation des “BET et des architectes”. L’intérêt principal étant pour lui d’innover dans le cadre de la transition énergétique.

 

Pour cadrer ce besoin d’innovation avec les capacités des entreprises, les pouvoirs publics ont d’ores et déjà mis en œuvre quelques mesures, explique Christophe Morel, le directeur adjoint aux partenariats techniques du CSTB.

 

En premier lieu, l’ATEx “chantier” est proposée dans une version dite “enrichie”, d’un traitement plus rapide : trois à quatre mois. Le dossier préliminaire est d’abord analysé pour déterminer les informations manquantes pour juger de l’innovation. Après montage du dossier complet par l’industriel, l’instruction finale est promise sous seulement un à deux mois. « Cette évolution implique plus fortement les contrôleurs techniques », estime Christophe Morel.

 

Pour Koumaran Pajaniradja, cette démarche, à la fois simple et exigeante, doit « libérer les initiatives en montrant qu’il est possible de faire autrement. » Il annonce que la DHUP va accompagner ces expérimentations de dérogations aux ATEx classiques « dès lors que les mêmes objectifs sont atteints. »

 

L’évaluation environnementale : vérifiée pour une mise en valeur

 

En instituant des exigences énergétiques et environnementales sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, la loi de transition énergétique conduit à passer « d’une vision statique à une vision plus intégrée, de la conception à la démolition », souligne par ailleurs Koumaran Pajaniradja. Ce qui conduit à analyser, sous tous leurs aspects, chacun des composants. « Une révolution ! »

 

Le moyen actuel d’apporter des éléments factuels aux concepteurs, entreprises et maîtres d’ouvrage est la fiche de déclaration environnementale et sanitaire jointe aux produits ; leur « addition » doit permettre de calculer l’empreinte environnementale du bâtiment.

 

À ce jour, quelque 1 500 entreprises – de toutes tailles et de toutes filières, soit 30 000 à 35 000 références commerciales – alimentent cette base Inies (www.inies.fr/accueil/). Pour lever les doutes sur leur fiabilité, à partir du 1er juillet 2017, il sera obligatoire de les faire valider par une tierce partie.

 

Les industriels attendent ce contrôle avec impatience. Florent Vabre, chef de marché Girpi, fournisseur de composants en PVC pour le bâtiment (canalisations, gouttières…), décrit la charge que représente la composition des fiches – « aller recueillir les informations en amont chez les fournisseurs de matières premières et de sous-ensembles, sur les sites de production » – et le potentiel de développement qu’il représente : participation à l’organisation de la filière de recyclage, orientation de la recherche et développement vers des produits énergétiquement plus performants (réduction de la perte de charge des réseaux…).

 

Actuellement, les industriels déposent individuellement ou collectivement – via les syndicats professionnels pour les produits normalisés – leurs informations. Mais, selon Florent Vabre, on voit déjà circuler des fiches aux allégations discutables.

 

Pour un industriel, leur intérêt est donc d’approfondir ses réflexions pour contribuer à l’isolation du bâtiment, à la performance environnementale… En outre, « la vérification des fiches nous permettra de fournir des informations fiables au terrain. À terme, elles seront aussi diffusées via le catalogue de produits au standard BIM. »

 

Un gisement d’activité de conseil

 

Depuis octobre dernier, le CSTB formalise une prestation de services aux industriels avec son Laboratoire des Performances Environnementales. « Nous maîtrisions déjà ce sujet, explique son responsable, Pierre Ravel. L’objectif est d’aider à déployer massivement la prestation d’analyse de cycle de vie pour répondre aux exigences réglementaires des produits, et à court terme, à l’échelle des bâtiments. »

 

Ce laboratoire propose plusieurs types d’offres, du simple accompagnement des entreprises ou syndicats pour la rédaction des déclarations environnementales – collecte des informations pour l’évaluation du cycle de vie, simulation pour la déclaration environnementale –, en passant par la vérification des déclarations environnementales – cinq techniciens du CSTB sont habilités –, jusqu’à la mise à jour des fiches au fil de l’évolution des produits (évolution de la composition ou de l’approvisionnement, progrès des process de fabrication…), ainsi que la proposition d’axes de communication environnementale, la mutualisation de coûts pour optimiser ce poste de dépense, l’accompagnement en matière d’éco-conception globale des produits…

 

Répondre à un marché exigeant

 

Pour Koumaran Pajaniradja, « le marché sera de plus en plus exigeant sur ces critères environnementaux. Et la la future réglementation ne fera que l’aiguiser. C’est la raison pour laquelle nous comptons, dans les prochaines semaines, lancer une expérimentation sur la base d’un référentiel actuellement discuté avec les acteurs. »

 

Cette initiative signe la reconnaissance implicite de la complexité du sujet et du besoin de partage avec la filière. « Il répond également, poursuit Koumaran Pajaniradja, à une obligation de maîtrise des coûts et à une obligation de réussite de cette future réglementation. »

 

Présentée le 16 juin dernier aux partenaires des discussions sur la future réglementation environnementale avec la DHUP, elle associe notamment les organismes français de labelisation – haute qualité environnementale (HQE), Effinergie et Bâtiment Bas Carbone (BBCA).

 

Pour clore les débats actuels sur les seuils énergétiques et d’émissions de carbone, cette préfiguration devrait produire un nouveau référentiel de bâtiment à énergie positive et à faible émission de gaz à effet de serre.

 

 


Source : batirama.com / Bernard Reinteau

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